14 mars 2011
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-04.5

Autre

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2011:C1RD045

Titres et sommaires

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - recours devant la commission nationale - déclaration de recours - délai - point de départ - notification de la décision - notification au requérant lui - même - recevabilité - modalités de recours - information - défaut - effet - préjudice - préjudice moral - appréciation - critères

Le délai de recours devant la commission nationale ne court qu'à compter de la notification de la décision au requérant lui-même, l'élection de domicile chez un avocat ne dispensant pas de l'obligation de notifier la décision à la partie

Texte de la décision

COUR DE CASSATION 10CRD045
Audience publique du 7 février 2011
Prononcé au 14 mars 2011
La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Breillat, président, M. Straehli, Mme Leroy-Gissinger, conseiller référendaire, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
INFIRMATION sur le recours formé par Joseph X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Paris en date du 15 septembre 2009 qui lui a alloué une indemnité de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code précité.
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 7 février 2011, le demandeur ayant été entendu par visioconférence assisté de son avocat ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de Me Fiorentino, avocat au barreau de Paris, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu les conclusions en réponse de Me Fiorentino ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Leroy-Gissinger, les observations de Me Fiorentino, avocat assistant M. X..., celles de M. X... comparant par visioconférence et de Me Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Charpenel, le demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que, par décision du 15 septembre 2009, le premier président de la cour d'appel de Paris, saisi par Joseph X... d'une requête en réparation du préjudice subi à raison d'une détention provisoire effectuée du 13 octobre 2006 au 25 avril 2007, pour des faits pour lesquels il a été définitivement acquitté le 25 avril 2007, lui a alloué la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la détention ; que le premier président a retenu que la période de détention indemnisable n'était que de trois mois et dix-neuf jours, du 8 janvier au 25 avril 2007, en raison de ce que, du 13 octobre 2006 au 8 janvier 2007, M. X... exécutait une autre condamnation ;
Attendu que, le 6 juin 2010, par lettre adressée au greffe de la maison d'arrêt dans laquelle il se trouvait incarcéré, M. X... a formé un recours non motivé contre cette décision, et que, par conclusions du 12 août 2010, il a réitéré sa demande initiale d'indemnisation de son préjudice moral, par l'octroi de la somme de 15 000 euros et a formulé une demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3 000 euros ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conteste la recevabilité du recours, pour avoir été formé plus de dix jours après la notification de la décision à l'avocat chez lequel M. X... avait élu domicile ; qu'il fait valoir que le fait que le nouvel avocat de M. X... soit entré en possession de la décision le 2 juin 2010 ne peut ouvrir un nouveau délai ; qu'il soutient encore qu'en tout état de cause, le recours adressé au greffe de la maison d'arrêt est irrecevable, alors qu'il appartenait à M. X... d'y faire une déclaration de recours ; que subsidiairement, l'agent judiciaire du Trésor conclut au rejet du recours ;
Attendu que l'avocat général conclut à la recevabilité du recours et estime que le préjudice subi par M. X... peut être réévalué ;
Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;
Sur la recevabilité du recours :
Vu les articles 149-3, R. 38 et R. 40-4 du code de procédure pénale, et l'article 677 du code de procédure civile ;
Attendu que le recours devant la commission nationale d'indemnisation est formé par déclaration remise par le requérant lui-même ou par son représentant, au greffe de la cour d'appel dont le premier président a rendu la décision, dans les dix jours de celle-ci ; que ce délai ne court qu'à compter de la notification de la décision au requérant, l'élection de domicile chez un avocat ne dispensant pas de l'obligation de notifier la décision de justice à la partie elle-même ;
Attendu qu'en l'espèce, la décision du premier président n'ayant pas été régulièrement notifiée à M. X..., le délai de recours n'a pas commencé à courir, de sorte que le recours exercé le 6 juin 2010 par celui-ci n'est pas tardif ;
Et attendu que M. X... n'ayant pas été informé par la notification de la décision des modalités selon lesquelles le recours devait être exercé, celui-ci doit être déclaré recevable, bien qu'il n'ait pas été formalisé par déclaration au greffe de la maison d'arrêt mais par un courrier adressé à celui-ci ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que M. X... soutient que, bien qu'ayant déjà été détenu avant cette incarcération pour des faits de nature délictuelle, le préjudice moral résultant de la détention provisoire qu'il a effectuée est important car, accusé d'un crime à caractère sexuel, il a connu des conditions d'incarcération plus difficiles (isolement des autres détenus, absence d'activité...) ;
Attendu que l'évaluation du préjudice moral subi par M. X..., célibataire sans enfant, doit tenir compte de la durée de la détention provisoire (trois mois et dix-neuf jours), étant exclue la période durant laquelle il exécutait une autre peine, des conséquences sur le régime de détention de la nature des faits qui lui étaient reprochés, mais aussi de ce que l'incarcération au titre de ceux-ci s'est effectuée dans la continuation d'une détention effectuée pour d'autres causes, de sorte que le choc carcéral s'en est trouvé diminué ; que, compte tenu de ces éléments, le préjudice subi par M. X... sera évalué à la somme de 5 500 euros ;
Sur la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu qu'il y a lieu de faire droit à la demande d'indemnisation présentée par M. X... au titre des frais qu'il a engagés et qui ne sont pas compris dans les dépens à hauteur de 1 500 euros ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE le recours recevable ;
ALLOUE à M. Joseph X... la somme de 5 500 euros (cinq mille cinq cents euros) en réparation de son préjudice moral ;
Lui ALLOUE la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 14 mars 2011 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.

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