23 juin 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-18.178

Chambre commerciale financière et économique

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00614

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 octobre 2013), que Mme X..., qui a vécu en concubinage avec M. Y..., gérant et associé unique de la société Eric Y... et associés (la société
Y...
), a constitué avec cette dernière la SCI JBLD, laquelle a fait l'acquisition d'un appartement ; que le 27 mars 2007, la société
Y...
a cédé à Mme X... la quasi-totalité des parts qu'elle détenait dans le capital de la SCI JBLD ; qu'ayant dû quitter l'appartement qui servait de logement à la famille, M. Y... a, ainsi que la société
Y...
, assigné Mme X... en nullité de la cession de parts pour absence de cause ainsi qu'en paiement de sommes pour enrichissement sans cause ;


Sur le premier moyen :


Attendu que M. Y... et la société
Y...
font grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation de la cession de parts alors, selon le moyen :


1°/ que le procès-verbal d'assemblée générale de la société
Y...
du 26 mars 2007 établi concomitamment à l'acte de cession constate que « M. Eric Y... indique que la société n'a pas réellement vocation à conserver un bien immobilier qui constitue le domicile du gérant et de Mme X... », que « les profits dégagés ne sont pas à la hauteur des attentes et il propose de céder la totalité de la participation qui est de 88 % » et que « pour ce faire, il décidera une distribution d'acomptes sur dividendes lui permettant de prêter, personnellement, à Mme X... les sommes nécessaires au paiement de son acquisition » ; qu'il résulte de ce procès-verbal que les parts sociales ont été cédées parce que l'immeuble acquis par la SCI représentait le domicile personnel de M. Y... et de Mme X... ; qu'en se bornant à énoncer que c'était à tort que M. Y... et la société
Y...
soutenaient que le mobile tenant à l'intérêt de la famille était entré dans le champ contractuel, sans examiner ni s'expliquer sur ce procès-verbal, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;


2°/ que M. Y... et la société
Y...
faisaient valoir dans leurs conclusions que la somme de 350 000 euros n'avait pas été réglée par Mme X..., mais au moyen des sommes, virées du compte de la société sur le compte joint de M. Y... et de Mme X..., lesdites sommes ayant ensuite été remises, au moyen de chèques, sur le compte personnel de Mme X... qui avait, ensuite, émis des chèques à l'ordre de la société ; qu'il résultait de ce montage que la société n'avait in fine perçu aucune somme et que la véritable cause de la cession était la protection du logement familial ; qu'en décidant que l'acte de cession des parts était causé dès lors que l'obligation de délivrance des parts sociales pour la société trouvait directement sa cause dans le paiement du prix qui avait été réglé par Mme X..., sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;


Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé qu'à défaut de stipulation expresse en ce sens dans l'acte de cession de parts du 27 mars 2007, le mobile tenant à l'intérêt de la famille n'était pas entré dans le champ contractuel, la cour d'appel n'avait pas à s'expliquer sur le contenu d'un document qui était extérieur à cet acte ;


Et attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que l'assemblée de la société
Y...
du 26 mars 2007 avait décidé une distribution d'acompte sur dividende permettant à M. Y... de prêter à Mme X... les sommes nécessaires à l'acquisition des parts, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations et appréciations rendaient inopérantes, a exactement retenu que l'obligation pour la société
Y...
de procéder à la délivrance de ces parts trouvait directement sa cause dans le paiement du prix qui avait été réglé par Mme X... ;


D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;


Et sur le second moyen :


Attendu que M. Y... et la société
Y...
font grief à l'arrêt de rejeter la demande du premier tendant à la condamnation de Mme X... à lui payer la somme de 122 000 euros alors, selon le moyen, que dans ses conclusions, M. Y... faisait valoir qu'il avait perçu ces sommes à titre de rémunération de la société sur le compte joint, puis les avait reversées à Mme X... sur le compte personnel de celle-ci ; qu'en décidant que M. Y..., à titre personnel, n'était pas fondé à invoquer un appauvrissement provenant de versements émanant d'une société, sans rechercher si les sommes qui avaient transité par le compte joint ne correspondaient pas au paiement de la rémunération de M. Y..., la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;


Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que les sommes litigieuses, qui avaient transité par le compte joint avant d'être reversées sur le compte personnel de Mme X..., émanaient de la société
Y...
, la cour d'appel a effectué la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne M. Y... et la société Eric Y... et associés aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme X... et à la SCI JBLD la somme globale de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quinze.





MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Y... et la société Eric Y... et associés


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Sarl Eric Y... de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la cession des parts sociales du 27 mars 2007 ;


AUX MOTIFS QU'alors même que c'est à tort que les appelants soutiennent que le mobile tenant à l'intérêt de la famille serait rentré dans le champ contractuel faute de stipulation expresse en ce sens dans l'acte du 27 mars 2007, il apparaît que celui-ci est parfaitement causé dès lors que l'obligation de délivrance des parts sociales pour la Sarl Eric Y... trouve directement sa cause dans le paiement du prix qui a été réglé par Mme X... au moyen de plusieurs chèques, peu important que postérieurement, M. Y... dont il vient d'être rappelé qu'il n'est qu'un tiers à l'acte, ait quitté l'appartement du ... à Paris ; qu'ainsi et alors qu'il n'est pas allégué que la cause serait illicite ou immorale, il convient de débouter M. Eric Y... et la Sarl Eric Y... et associés de leur prétention émise de ce chef ;


1°) ALORS QUE le procès-verbal d'assemblée générale de la Sarl Eric Y... du 26 mars 2007 établi concomitamment à l'acte de cession constate que « M. Eric Y... indique que la société n'a pas réellement vocation à conserver un bien immobilier qui constitue le domicile du gérant et de Mlle X... », que « les profits dégagés ne sont pas à la hauteur des attentes et il propose de céder la totalité de la participation qui est de 88 % » et que « pour ce faire, il décidera une distribution d'acomptes sur dividendes lui permettant de prêter, personnellement, à Mlle X..., les sommes nécessaires au paiement de son acquisition » ; qu'il résulte de ce procès-verbal que les parts sociales ont été cédées parce que l'immeuble acquis par la Sci représentait le domicile personnel de M. Y... et de Mlle X... ; qu'en se bornant à énoncer que c'était à tort que les appelants soutenaient que le mobile tenant à l'intérêt de la famille était entré dans le champ contractuel, sans examiner ni s'expliquer sur ce procès-verbal, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;


2°) ALORS QUE M. Y... et la société Eric Y... faisaient valoir dans leurs conclusions que la somme de 350. 000 euros n'avait pas été réglée par Mme X..., mais au moyen des sommes, virées du compte de la Sarl sur le compte joint de M. Y... et de Mme X..., lesdites sommes ayant ensuite été remises, au moyen de chèques, sur le compte personnel de Mme X... qui avait, ensuite, émis des chèques à l'ordre de la Sarl ; qu'il résultait de ce montage que la Sarl n'avait in fine perçu aucune somme et que la véritable cause de la cession était la protection du logement familial ; qu'en décidant que l'acte de cession des parts était causé dès lors que l'obligation de délivrance des parts sociales pour la Sarl trouvait directement sa cause dans le paiement du prix qui avait été réglé par Mme X..., sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION


Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Eric Y... de sa demande tendant à voir condamner Mme Pascaline X... à lui payer la somme de 122. 000 euros ;


AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est par des motifs pertinents et adoptés que le tribunal a rejeté la demande présentée à titre personnel par M. Eric Y... et ceci alors même qu'il vient d'être rappelé que la Sarl Eric Y... et associés dont proviennent les fonds litigieux, possède une personnalité juridique distincte de celle de son unique associé et que contrairement à ce que soutient celui-ci il ne peut y avoir une « interdépendance » qualifiée de nécessaire entre leurs patrimoines ;


ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE aux termes de leurs conclusions respectives, les parties s'accordent sur le fait que Pascaline X... ait reçu la somme de 122. 000 euros par versements en date des 13 et 15 septembre 2006 ; qu'Eric Y... qui en sollicite la restitution à titre personnel indique en outre en page 25 de ses conclusions qu'il a versé cette somme par l'intermédiaire de sa rémunération versée par la Sarl Eric Y... et associés ; qu'il ressort cependant de la pièce numéro 22 versée par les demandeurs (relevé du compte joint du 7 septembre 2006 au 7 octobre 2006), que ces sommes, qui ont transité par le compte joint avant d'être reversées sur le compte personnel de Pascaline X..., émanaient de la Sarl Eric Y... et associés ; qu'ainsi Eric Y..., à titre personnel, n'est pas fondé à invoquer un appauvrissement provenant de versements émanant d'une société ;


ALORS QUE dans ses conclusions, M. Y... faisait valoir qu'il avait perçu ces sommes à titre de rémunération de la Sarl sur le compte joint, puis les avait reversées à Mme X... sur le compte personnel de celle-ci ; qu'en décidant que M. Y..., à titre personnel, n'était pas fondé à invoquer un appauvrissement provenant de versements émanant d'une société, sans rechercher si les sommes qui avaient transité par le compte-joint ne correspondaient pas au paiement de la rémunération de M. Y..., la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

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