26 mai 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-13.523

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2015:SO00906

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 10 janvier 2014), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 13 septembre 2012, n° 10-26.877), qu'engagé le 23 septembre 1974 par la société Forges de Margerides et occupant en dernier lieu les fonctions de responsable technique du service entretien, M. X... a été licencié pour motif économique le 20 juin 2003 ;


Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer au salarié des dommages-intérêts pour rupture abusive, alors, selon le moyen :


1°/ que le secteur d'activité du groupe servant de cadre d'appréciation des difficultés économiques ne regroupe que les entreprises du groupe qui ont la même activité dominante et interviennent sur le même marché ; qu'en affirmant que les sociétés Forges des Margerides, Pbl et Fmia relevaient du même secteur d'activité qui correspondait à la production industrielle de pièces métalliques, assemblées ou non, de machines et d'outils agricoles, pour en déduire que l'employeur ne démontrait pas l'existence d'un motif économique lié à des difficultés économiques dans le secteur d'activité auquel appartenait la société Forges des Margerides, quand il ressortait de ses propres constatations que ces sociétés n'exerçaient pas la même activité dominante et n'intervenaient pas sur le même marché, puisque la société Forges des Margerides fabriquait des motoculteurs et des motobineuses, tandis que la société Pbl fabriquait des lames de tondeuse à gazon et d'autres éléments de coupe destinés au secteur agricole et que la société Fmia fabriquait de l'outillage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;


2°/ que le juge doit se placer à la date à laquelle est prononcé le licenciement économique pour apprécier la réalité du motif économique invoqué ; qu'en considérant que le licenciement du salarié n'était pas justifié aux motifs que la société Pbl avait pu prêter à la société Forges de Margerides plus de 5 000 000 euros, et lui apporter les immeubles d'exploitation dont elle était propriétaire en échange d'actions, quand l'apport des immeubles par la société Pbl en échange d'actions était intervenu le 7 octobre 2003, et qu'elle avait constaté que le licenciement du salarié avait été prononcé le 20 juin 2003, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;


3°/ que le juge doit se placer à la date à laquelle est prononcé le licenciement économique pour apprécier la réalité des difficultés économiques invoquées ; qu'en se bornant à énoncer que la société Pbl dégageait un bénéfice conséquent malgré son soutien à la société Forges de Margerides sans prendre en considération, comme elle y était invitée, qu'à la date du licenciement la société Pbl connaissait une perte nette de 90 465 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;


4°/ que le juge doit se placer à la date à laquelle est prononcé le licenciement économique pour apprécier la réalité des difficultés économiques invoquées ; qu'en énonçant que la situation de la société Fmia était redevenue positive en 2002 après avoir été très légèrement négative en 2001, quand il lui appartenait de se placer à la date du 20 juin 2003 pour apprécier les difficultés économiques de cette société et leur incidence sur le secteur d'activité, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;


5°/ que les juges du fond ne peuvent rejeter les prétentions d'une partie sans analyser, même sommairement, les pièces versées au soutien de ces prétentions ; que le reclassement doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l'entreprise ; qu'en l'absence de poste disponible à la date du licenciement, ce qui rend impossible le reclassement, l'employeur ne peut se voir imputer un manquement à son obligation de reclassement ; qu'en considérant, pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il n'était pas démontré que le salarié n'aurait pas pu exercer son emploi de responsable d'entretien dans une autre société du groupe, au besoin après formation sur de nouvelles machines, sans à aucun moment analyser, même sommairement, les pièces régulièrement produites aux débats par la société, et notamment les lettres de recherche de reclassement et les réponses des entreprises du groupe, établissant que l'employeur n'avait pu identifier aucune solution de reclassement sur un poste de responsable d'entretien, mais seulement des postes d'opérateur de production, que le salarié avait refusés, la cour d'appel a violé les articles 455 du code de procédure civile, et 1353 du code civil ;


Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que la société Forges de Margerides relevait du même secteur d'activité que les sociétés FMIA et PBL appartenant au même groupe et que cette dernière présentait, au moment du licenciement, une bonne santé économique lui permettant de financer et de participer de manière importante au redressement de la première tout en dégageant un bénéfice conséquent, de sorte que les difficultés économiques au niveau du secteur d'activité du groupe n'étaient pas établies ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la société Forges des Margerides aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille quinze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Forges des Margerides.


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur Gilles X... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, et d' AVOIR, en conséquence, condamné la société Forges des Margerides à payer à Monsieur X... la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts outre une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;


AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'un emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; une réorganisation de l'entreprise ne peut constituer une cause économique de licenciement, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou une mutation technologique, et à la condition d'être nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité dont elle relève ; que par ailleurs, la lettre de licenciement doit comporter non seulement l'énonciation des difficultés économiques, mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise, mais également l'énonciation des incidences de ces éléments sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié licencié ; qu'en réponse à la motivation de la Cour de cassation dans son arrêt du 13 septembre 2012, la société Forges des Margerides soutient que les sociétés du groupe n'interviendraient pas dans le même secteur d'activité ; qu'elle explique que la société Forges des Margerides ne peut relever du même secteur d'activité que les autres sociétés appartenant au même groupe lequel comprend, outre une société holding purement financière, la société Finalame, trois sociétés de production industrielle : Forges des Margerides, Pbl, Fmia ; que la société Forges des Margerides fabrique des motoculteurs et motobineuses ; qu'elle découpe du métal, le plie, poinçonne, emboutit, soude, peint et monte des pièces, toutes les pièces composant ses machines n'étant pas fabriquées par elle ; que son code Ape est 284 A : forge, emboutissage, estampage, métallurgie des poudres ; que la société Pbl fabrique des lames de tondeuse à gazon et d'autres éléments de coupe destinés au secteur agricole ; qu'elle découpe sous presse, forme et leur applique un traitement thermique ; que son code Ape n'est pas communiqué ; que ses activités sur des pièces métalliques relèvent en tout cas de la métallurgie ; que la société Fmia fabrique des outillages sans qu'il soit indiqué par l'appelante quelles activités sont développées en son sein ; que son code Ape est 284 C ; forge, estampage, matricage ; qu'ainsi, quoiqu'en dise la société Forges des Margerides, ces sociétés appartiennent à un même secteur d'activité : la production industrielle de pièces métalliques, assemblées ou non, de machines et d'outils agricoles, leurs fabrications et produits étant évidemment différents ; que s'il est établi que la situation de la société Forges des Margerides était difficile et déficitaire, il en allait différemment des autres sociétés du groupe, à tel point que la société Pbl avait pu lui prêter plus de 5 000 000 euros, et lui apporter les immeubles d'exploitation dont elle était propriétaire en échange d'actions. Il est encore établi que la situation de la société Fmia était redevenue positive en 2002 après avoir été très légèrement négative en 2001 ; que de même pour la société Pbl qui dégageait un bénéfice conséquent malgré son soutien financier important à la société Forges des Margerides ; que c'est donc bien au niveau des sociétés du groupe travaillant dans le même secteur d'activité qu'il convenait de rechercher s'il existait des difficultés économiques, ce que n'a pas invoqué la société Forges des Margerides dans la lettre de licenciement du 20 juin 2003, alors qu'il résulte des pièces versées au débat que les autres sociétés de ce secteur d'activité, et notamment la société Pbl, ont pu financièrement et de manière importante tenter de participer au redressement des Forges des Margerides, signe de leur propre bonne santé économique ; que dans ces conditions, il ne peut être considéré qu'il est rapporté la preuve du motif économique du licenciement de Monsieur X..., étant au surplus rappelé qu'il appartenait au service entretien et qu'il n'est pas démontré qu'il n'ait pas pu exercer son emploi dans une autre société du groupe, au besoin après formation sur de nouvelles machines ; que le jugement du conseil de prud'hommes de Vichy du 24 janvier 2005 sera en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu le caractère réel et sérieux du motif économique de Monsieur X... ; qu'il sera dit que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ; que compte tenu de son ancienneté de 29 années dans l'entreprise, et de son salaire d'environ 2 640 euros mensuel, du temps où il est resté au chômage (8 mois), de la diminution de son salaire dans son nouvel emploi, son préjudice sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision ; qu'il est équitable de lui allouer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, compte tenu de la durée de celle-ci de 2 000 euros » ;


1°) ALORS QUE le secteur d'activité du groupe servant de cadre d'appréciation des difficultés économiques ne regroupe que les entreprises du groupe qui ont la même activité dominante et interviennent sur le même marché ; qu'en affirmant que les sociétés Forges des Margerides, Pbl et Fmia relevaient du même secteur d'activité qui correspondait à la production industrielle de pièces métalliques, assemblées ou non, de machines et d'outils agricoles, pour en déduire que l'employeur ne démontrait pas l'existence d'un motif économique lié à des difficultés économiques dans le secteur d'activité auquel appartenait la société Forges des Margerides, quand il ressortait de ses propres constatations que ces sociétés n'exerçaient pas la même activité dominante et n'intervenaient pas sur le même marché, puisque la société Forges des Margerides fabriquait des motoculteurs et des motobineuses, tandis que la société Pbl fabriquait des lames de tondeuse à gazon et d'autres éléments de coupe destinés au secteur agricole et que la société Fmia fabriquait de l'outillage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;


2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge doit se placer à la date à laquelle est prononcé le licenciement économique pour apprécier la réalité du motif économique invoqué ; qu'en considérant que le licenciement de Monsieur X... n'était pas justifié aux motifs que la société Pbl avait pu prêter à la société Forges de Margerides plus de 5 000 000 euros, et lui apporter les immeubles d'exploitation dont elle était propriétaire en échange d'actions, quand l'apport des immeubles par la société Pbl en échange d'actions était intervenu le 7 octobre 2003, et qu'elle avait constaté que le licenciement de Monsieur X... avait été prononcé le 20 juin 2003, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;


3°) ALORS QUE subsidiairement, le juge doit se placer à la date à laquelle est prononcé le licenciement économique pour apprécier la réalité des difficultés économiques invoquées ; qu'en se bornant à énoncer que la société Pbl dégageait un bénéfice conséquent malgré son soutien à la société Forges de Margerides sans prendre en considération, comme elle y était invitée, qu'à la date du licenciement la société Pbl connaissait une perte nette de 90 465 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;


4°) ALORS QU'à titre subsidiaire, le juge doit se placer à la date à laquelle est prononcé le licenciement économique pour apprécier la réalité des difficultés économiques invoquées ; qu'en énonçant que la situation de la société Fmia était redevenue positive en 2002 après avoir été très légèrement négative en 2001, quand il lui appartenait de se placer à la date du 20 juin 2003 pour apprécier les difficultés économiques de cette société et leur incidence sur le secteur d'activité, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;


5°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent rejeter les prétentions d'une partie sans analyser, même sommairement, les pièces versées au soutien de ces prétentions ; que le reclassement doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l'entreprise ; qu'en l'absence de poste disponible à la date du licenciement, ce qui rend impossible le reclassement, l'employeur ne peut se voir imputer un manquement à son obligation de reclassement ; qu'en considérant, pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il n'était pas démontré que Monsieur X... n'aurait pas pu exercer son emploi de responsable d'entretien dans une autre société du groupe, au besoin après formation sur de nouvelles machines, sans à aucun moment analyser, même sommairement, les pièces régulièrement produites aux débats par la société, et notamment les lettres de recherche de reclassement et les réponses des entreprises du groupe, établissant que l'employeur n'avait pu identifier aucune solution de reclassement sur un poste de responsable d'entretien, mais seulement des postes d'opérateur de production, que le salarié avait refusés, la cour d'appel a violé les articles 455 du code de procédure civile, et 1353 du code civil.

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