8 avril 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-11.133

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2014:SO00758

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 27 novembre 2012), que Mme X... a été engagée le 16 août 1976 par la société Roger, devenue la société Comptoir central, aux droits de laquelle se trouve la société Sonepar Méditerranée ; qu'elle a accepté la convention de reclassement personnalisé qui lui a été proposée le 27 novembre 2009, et son contrat a été rompu le 18 décembre 2009 ; que l'employeur lui a notifié les motifs de son licenciement économique par lettre du 21 décembre 2009 ;


Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :


Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre de la rupture, et d'ordonner le remboursement aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la décision, alors selon le moyen :


1°/ que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'appréciation de cette cause ne peut résulter que des motifs énoncés par l'employeur dans un document écrit ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'aux termes d'une lettre datée du 21 décembre 2009, l'employeur a notifié à Mme X... les motifs économiques justifiant la rupture de son contrat de travail, en sorte que la salariée a été mise en mesure de les contester, peu important que ces motifs lui aient été communiqués par écrit postérieurement à son acceptation de la convention de reclassement personnalisé ; qu'en décidant néanmoins que le licenciement de Mme X... était dénué de cause réelle et sérieuse sans aucunement rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si les motifs économiques énoncés par l'employeur étaient fondés, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-65 et L. 1233-67 dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 4 de la convention du 18 janvier 2006 relative à la convention de reclassement personnalisé agréée par arrêté du 23 février 2006 ;


2°/ que le principe de sécurité juridique est un droit fondamental du procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que si les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante, elles s'opposent, en revanche, à ce que des situations contractuelles acquises et définitivement consommées dans le respect des règles et principes jurisprudentiels alors applicables soient remises en cause par l'application rétroactive d'une nouvelle jurisprudence ; que si au moment où la convention de reclassement personnalisé a été proposée, puis acceptée par Mme X... le 27 novembre 2009, l'employeur avait l'obligation, aux termes de la jurisprudence, d'énoncer dans un document écrit les motifs économiques de la rupture du contrat de travail, ce n'est qu'aux termes de deux arrêts rendus le 14 avril 2010 que la Cour de cassation a imposé à l'employeur d'adresser ce document au plus tard au moment de l'acceptation par le salarié de la convention de reclassement personnalisé ; qu'en l'espèce, la société Sonepar Méditerranée, anciennement dénommée Etablissements Roger, a adressé à Mme X... le 21 décembre 2009 une lettre énonçant les motifs économiques de la rupture conformément à la jurisprudence en vigueur ; qu'en appliquant de manière rétroactive la jurisprudence issue des arrêts du 14 avril 2010 pour dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et ainsi sanctionner l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ;


Mais attendu, d'abord que la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable prévu par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence immuable, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit ;


Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur n'avait adressé à la salariée une lettre énonçant le motif économique de la rupture que postérieurement à son acceptation de la convention de reclassement personnalisé, en a, par ce seul motif, justement déduit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le second moyen du pourvoi principal :


Sur la recevabilité du moyen examiné d'office, après avis donné aux parties ;


Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser tout ou partie des indemnités de chômage payées à la salariée du jour de son licenciement au jour du prononcé de sa décision dans la limite de six mois, alors selon le moyen qu'en l'absence de motif économique, la convention de reclassement personnalisé devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans procéder à la déduction de la contribution au financement de l'allocation spécifique de reclassement versée par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du code du travail ;


Mais attendu que le moyen qui critique un chef de la décision attaquée ayant prononcé une condamnation au profit d'une partie contre laquelle le pourvoi n'est pas dirigé est irrecevable ;


Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :


Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE les pourvois ;


Condamne la société Sonepar Méditerranée aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sonepar Méditerranée à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Sonepar Méditerranée


PREMIER MOYEN DE CASSATION


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la société Etablissements Roger n'a pas respecté les dispositions de l'article L 1233-45 du code du travail, dit le licenciement de Mme X... dénué de cause réelle et sérieuse et D'AVOIR en conséquence condamné la société Comptoir central venant aux droits de la société Etablissements Roger, à payer à Mme X... les sommes de 55 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3 672 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 367,20 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis et ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision ;


AUX MOTIFS QUE l'adhésion d'un salarié à une convention de reclassement personnalisé ne prive pas celui-ci du droit de contester le motif économique de son licenciement ; que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur la convention de reclassement personnalisé remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L 1233-15 et L 1233-39 du code du travail ; que lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié de la proposition de convention, il suffit que le motif économique soit énoncé dans tout autre document écrit remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation ; qu'en l'espèce en raison de l'acceptation par Mme X... de la convention de reclassement personnalisé qui lui a été proposée le 27 novembre 2009, le contrat de travail de cette dernière a été rompu le 18 décembre 2009 ; que l'employeur notifiait à Mme X... les motifs économiques justifiant son licenciement par courrier du 21 décembre 2009 ; qu'il en résulte que les prescriptions ci-dessus rappelées n'ont pas été observées et que le licenciement prononcé à l'encontre de Mme X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que c'est à tort que les premiers juges ont estimé, suivant ainsi l'argumentation de l'employeur, que les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme garantissant la sécurité juridique faisaient obstacle à l'application pour un litige d'une jurisprudence antérieure aux faits de la cause alors que la sécurité juridique invoquée ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, l'évolution de celle-ci relevant de l'office du juge dans l'application du droit dès lors que l'obligation de sécurité trouvant sa source non pas dans la loi postérieure au dommage mais dans le contrat de travail, la jurisprudence invoquée n'a pas eu pour effet de modifier l'état du droit existant, ni de priver la partie concernée du droit au procès équitable ; que de même, comme le rappelle l'intimée, la Cour européenne des droits de l'homme, dans un arrêt du 26 mai 2011 (affaire Legrand contre France requête n° 23228/08) a eu l'occasion de juger que : « l'un des éléments fondamentaux de la prééminence du droit, à la lumière de laquelle s'interprète le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 § , est le principe de la sécurité des rapports juridiques. Ce principe implique, entre autres, que la solution donnée de manière définitive à tout litige par les tribunaux ne soit plus remise en cause¿ la Cour a également estimé que les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante¿ qu'une évolution de la jurisprudence n'est pas en soi contraire à une bonne administration de la justice, dès lors que l'absence d'une approche dynamique et évolutive empêcherait tout changement ou amélioration » ;


ALORS, d'une part, QUE la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'appréciation de cette cause ne peut résulter que des motifs énoncés par l'employeur dans un document écrit ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'aux termes d'une lettre datée du 21 décembre 2009, l'employeur a notifié à Mme X... les motifs économiques justifiant la rupture de son contrat de travail, en sorte que la salariée a été mise en mesure de les contester, peu important que ces motifs lui aient été communiqués par écrit postérieurement à son acceptation de la convention de reclassement personnalisé ; qu'en décidant néanmoins que le licenciement de Mme X... était dénué de cause réelle et sérieuse sans aucunement rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si les motifs économiques énoncés par l'employeur étaient fondés, la Cour d'appel a violé les articles L. 1233-65 et L. 1233-67 dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 4 de la convention du 18 janvier 2006 relative à la convention de reclassement personnalisé agréée par arrêté du 23 février 2006 ;


ALORS, d'autre part, QUE le principe de sécurité juridique est un droit fondamental du procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que si les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante, elles s'opposent, en revanche, à ce que des situations contractuelles acquises et définitivement consommées dans le respect des règles et principes jurisprudentiels alors applicables soient remises en cause par l'application rétroactive d'une nouvelle jurisprudence ; que si au moment où la convention de reclassement personnalisé a été proposée, puis acceptée par Mme X... le 27 novembre 2009, l'employeur avait l'obligation, aux termes de la jurisprudence, d'énoncer dans un document écrit les motifs économiques de la rupture du contrat de travail, ce n'est qu'aux termes de deux arrêts rendus le 14 avril 2010 que la Cour de cassation a imposé à l'employeur d'adresser ce document au plus tard au moment de l'acceptation par le salarié de la convention de reclassement personnalisé ; qu'en l'espèce, la société SONEPAR, anciennement dénommée Ets Roger, a adressé à Mme X... le 21 décembre 2009 une lettre énonçant les motifs économiques de la rupture conformément à la jurisprudence en vigueur ; qu'en appliquant de manière rétroactive la jurisprudence issue des arrêts du 14 avril 2010 pour dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et ainsi sanctionner l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ;


SECOND MOYEN DE CASSATION


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR ordonné le remboursement par la société Comptoir Central de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de sa décision dans la limite de six mois d'indemnité chômage ;


ALORS QU'en l'absence de motif économique, la convention de reclassement personnalisé devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié sous déduction de la contribution prévue à l'article L 1233-69 du code du travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans procéder à la déduction de la contribution au financement de l'allocation spécifique de reclassement versée par l'employeur, la Cour d'appel a violé les articles L 1233-69 et L 1235-4 du code du travail. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattacini, avocat aux Conseils pour Mme X...



IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame X... de sa demande faite au titre de la priorité de réembauche ;


AUX MOTIFS QU'« au titre de l'article L. 1233-45 du Code du travail, le salarié licencié pour motif économique dispose d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an, s'il en fait la demande. La priorité de réembauche ne s'impose à l'employeur qu'à partir du jour où le salarié a demandé à en bénéficier. En l'espèce, Madame X... a informé la Société ROGER de sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauche par courrier en date du 12 avril 2010 dont la Société a accusé réception le 7 mai 2010. En l'absence de l'accusé de réception de la Poste du courrier du 12 avril 2010, il convient de se situer à la seule date certaine du 7 mai 2010 pour fixer le point de départ de l'obligation incombant à l'employeur. L'employeur a procédé à des embauches les 1er avril, 6 avril et 3 mai 2010, soit antérieurement à la réception du courrier par lequel la salariée a manifesté son intention de bénéficier d'une priorité de réembauchage, Madame X... sera déboutée de ce chef » ;


1° ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut soulever d'office un moyen sans solliciter les observations des parties ; qu'en l'espèce, il ne ressort ni de l'exposé des prétentions des parties figurant dans l'arrêt ni de leurs conclusions que le moyen pris de la date de réception du courrier du 12 avril 2010, par lequel la salariée demandait à bénéficier de la priorité de réembauche, avait été invoqué ; que l'employeur soutenait seulement que mademoiselle X... l'avait informé de sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauche par courrier du 12 avril 2010 et qu'à cette date, les postes sur lesquels des embauches intervenaient les 1er avril, 6 avril et 3 mai 2010 étaient en réalité déjà pourvus (v. concl. p.15 § 2.4 al. 5), outre qu'ils n'étaient pas compatibles avec la qualification de madame X... (v. concl. p. 15 § 2.4 al. 6 et s.) ; qu'en soulevant d'office le moyen pris de la date à laquelle, par courrier du 7 mai 2010, l'employeur avait accusé réception de la lettre du 12 avril 2010 sans solliciter les explications des parties, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du code de procédure civile ;


2° ALORS QUE le juge est tenu par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la salariée soutenait que l'employeur ne lui avait pas proposé, au titre de la priorité de réembauchage, les postes pourvus les 1er avril, 6 avril et 3 mai 2010, l'employeur exposant pour sa part qu'au 12 avril 2010, date à laquelle la salariée avait manifesté sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauchage, ces postes étaient d'ores et déjà pourvus ; qu'en retenant, pour vérifier si l'employeur avait respecté la priorité de réembauche, qu'il convenait de se placer au 7 mai 2010, date à laquelle l'employeur accusait réception de la volonté de la salariée, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;


3° ALORS QUE il résultait de la pièce n° 10 produite en appel par l'employeur, qui ne soutenait pas avoir reçu la lettre du 12 avril 2010 après l'embauche d'autres salariés à compter des 1er avril, 6 avril et 3 mai 2010, que cette lettre lui avait été distribuée le 14 avril 2010 ; qu'en disant qu'en l'absence de l'accusé de réception de la Poste, il convenait de se situer à la date à laquelle, par lettre du 7 mai 2010, la société avait accusé réception du courrier du 12 avril 2010, sans rechercher s'il ne résultait pas de la pièce n° 10 de l'employeur que le courrier du 12 avril 2010 lui avait été distribué le 14 avril suivant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1233-45 du Code du travail.

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