30 novembre 2010
Cour de cassation
Pourvoi n° 09-40.695

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2010:SO02347

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par contrat à durée indéterminée du 1er juin 1999 en qualité de prothésiste dentaire par la société Top Ceram, aux droits de laquelle vient la société Tca, a été licencié pour faute grave le 4 novembre 2003 ; que, contestant ce licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes ; Sur le deuxième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que le salarié n'étant pas tenu, en période de suspension du contrat de travail, des obligations du contrat de travail, seul est de nature à justifier son licenciement disciplinaire un acte de déloyauté ; que ne constitue pas un manquement à son obligation de loyauté le fait pour un salarié de prêter ponctuellement à un membre de sa famille son véhicule de fonction, même sans lui avoir fourni la carte grise et la justification d'assurance ; qu'en décidant le contraire, après avoir constaté que le fait litigieux avait été commis pendant un congé de maladie, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail ;

2°/ qu'en tout état de cause, le fait pour un salarié de prêter ponctuellement à un membre de sa famille son véhicule de fonction, même sans lui avoir fourni la carte grise et la justification d'assurance ne constitue pas une faute grave ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;

Mais, attendu que l'arrêt relève que le salarié a, pendant son congé maladie, prêté à un tiers, sans lui avoir remis au préalable la carte grise, un véhicule appartenant à son employeur, qui lui avait été confié pour l'exercice de ses fonctions, et qui n'était assuré qu'à son seul profit ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu décider que le fait litigieux, qui se rattachait à la vie de l'entreprise en ce qu'il était de nature à mettre en cause l'employeur, était constitutif d'une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le salarié fait encore grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé alors, selon le moyen, qu'au soutien de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé et pour en déduire que l'employeur reconnaissait avoir versé au salarié de l'argent en espèces, le salarié versait aux débats une lettre de son employeur datée du 16 septembre 2003 lui indiquant que sa rémunération avait progressé au cours des deux années précédentes et précisant « Et je ne parle pas des espèces ! » ; qu'en considérant, dès lors, que la salarié n'avait produit aucun document pour établir des paiements de salaires en espèce, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais, attendu que, sous le couvert du grief non fondé de violation de l'article 4 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation, par les juges du fond, des éléments de preuve qui leur sont soumis ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais, sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1235-5, L. 1232-4 et D 1232-5 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison des textes susvisés, que la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement doit mentionner la faculté pour le salarié, lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, de se faire assister par un conseiller de son choix, inscrit sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département, et préciser l'adresse de l'inspection du travail et de la mairie où cette liste est tenue à la disposition des salariés ; que l'omission d'une de ces adresses constitue une irrégularité de procédure ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, l'arrêt retient que si l'adresse de l'inspection du travail n'était pas mentionnée sur la lettre de convocation à l'entretien préalable, celle de la mairie y figurait, et que, dès lors, le salarié n'avait subi aucun préjudice ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle avait constaté que la lettre de convocation à l'entretien préalable ne mentionnait pas l'adresse de l'inspection du travail où la liste des conseillers pouvait être consultée, ce qui entraînait pour le salarié un préjudice qu'elle devait réparer, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'en application de l'article 627 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu à renvoi du chef de la régularité de la procédure de licenciement , la Cour de cassation étant en mesure de donner au litige la solution appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité au titre de l'inobservation de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 16 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef objet de la cassation ;
Dit que M. X... a droit à une indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement ; Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, mais uniquement pour qu'elle statue sur le montant de cette indemnité ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Tca à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille dix.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. X... de l'ensemble des demandes qu'il avait formées au titre de son licenciement ; AUX MOTIFS QUE, sur la procédure de licenciement, la lettre de convocation à l'entretien préalable ne comportait pas l'adresse de l'inspection du travail où le salarié aurait pu consulter, pour être assisté à cet entretien, la liste des conseillers du salarié, la société TCA étant dépourvue d'institutions représentatives du personnel ; que, cependant, si ce défaut de mention constitue une irrégularité de procédure au regard des dispositions de l'article L. 1232-4 du code du travail, en vertu duquel la lettre de convocation précise l'adresse « des » services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à la disposition du salarié, celui-ci ne justifie pas d'un préjudice dès lors que la lettre litigieuse comporte l'adresse de la mairie du 4ème arrondissement de Paris et qu'il ne démontre pas n'avoir pas pu se rendre en ce lieu ;

ALORS QUE toute irrégularité de la procédure de licenciement entraîne pour le salarié un préjudice que l'employeur doit réparer et qu'il appartient au juge d'évaluer ; qu'en déboutant le salarié de sa demande indemnitaire, après avoir constaté que la lettre de convocation à l'entretien préalable ne précisait l'adresse de l'inspection du travail, où la liste des conseillers susceptibles d'assister les salariés lors de l'entretien est tenue à leur disposition, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-5 du code du travail, ensemble les articles L. 1232-4 et D. 1232-5 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. X... de l'ensemble des demandes qu'il avait formées au titre de son licenciement ; AUX MOTIFS QUE le premier grief, relatif à l'utilisation abusive à des fins personnelles du téléphone portable de l'entreprise et au refus de le restituer n'est pas caractérisé ; qu'en revanche, le prêt pendant un congé maladie d'un scooter appartenant à la société, sans justificatif d'assurance ni de carte grise de surcroît, est fautif et présente un caractère de gravité tel qu'il rendait impossible la poursuite de la relation contractuelle même pendant la durée du délai congé ;

ALORS, 1°) QUE le salarié n'étant pas tenu, en période de suspension du contrat de travail, des obligations du contrat de travail, seul est de nature à justifier son licenciement disciplinaire un acte de déloyauté ; que ne constitue pas un manquement à son obligation de loyauté le fait pour un salarié de prêter ponctuellement à un membre de sa famille son véhicule de fonction, même sans lui avoir fourni la carte grise et la justification d'assurance ; qu'en décidant le contraire, après avoir constaté que le fait litigieux avait été commis pendant un congé de maladie, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail ;

ALORS, 2°), QUE, en tout état de cause, le fait pour un salarié de prêter ponctuellement à un membre de sa famille son véhicule de fonction, même sans lui avoir fourni la carte grise et la justification d'assurance ne constitue pas une faute grave ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ; AUX MOTIFS QUE M. X... ne produit aucun élément pour établir des paiements de salaires en espèces ;

ALORS QU'au soutien de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé et pour en déduire que l'employeur reconnaissait avoir versé au salarié de l'argent en espèces, le salarié versait aux débats une lettre de son employeur datée du 16 septembre 2003 lui indiquant que sa rémunération avait progressé au cours des deux années précédentes et précisant « Et je ne parle pas des espèces ! » ; qu'en considérant, dès lors, que la salarié n'avait produit aucun document pour établir des paiements de salaires en espèce, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile.

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