15 décembre 2009
Cour de cassation
Pourvoi n° 08-41.385

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2009:SO02555

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :






Sur le moyen unique :


Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 février 2008), que M. X..., engagé le 1er février 1994 par la société d'assurances Abeille vie, aux droits de laquelle se trouve la société Aviva vie (la société) pour occuper en dernier lieu les fonctions de directeur régional classe 6 inspecteur, a été licencié pour faute le 23 août 2004 ; que devant le conseil des prud'hommes, il a demandé le remboursement des charges sociales patronales imputées sur la part variable de sa rémunération ;


Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser à M. X... les cotisations patronales prélevées sur le compte "prix de revient" intitulé ensuite "compte personnel d'exploitation", alors, selon le moyen :


1°/ qu'en affirmant que le système de calcul de la rémunération due au salarié prévu par l'article 6 de son contrat de travail aurait abouti à déduire le montant des cotisations à la charge de l'employeur de la part variable de son salaire après avoir pourtant exactement constaté que c'était seulement le solde du compte "prix de revient", c'est-à-dire le montant des sommes résultant de l'application du barème appliqué aux contrats réalisés par M. X..., déduction faite d'un certain nombre de charges, dont les cotisations sociales versées par l'employeur, qui constituait cette partie variable du salaire de M. X..., la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;


2°/ qu'en affirmant que les "commissions", entendues comme les sommes résultant de l'application du barème aux contrats réalisés par M. X..., lui étaient dues quand il résulte de ses propres énonciations qu'aux termes dudit article 6, la rémunération variable du salarié intégrait seulement "le cas échéant" les sommes prélevées sur le "compte" i.e le solde créditeur du compte "prix de revient", ledit "compte créditeur" étant constitué par le montant de ces "commissions", déduction faite des débits prévus à l'article 6, la cour d'appel n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement et a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale ;


3°/ que sauf impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité d'une liberté fondamentale garantie par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe de sécurité juridique également garanti par ce texte s'oppose à ce qu'il soit fait application dans une instance d'un revirement de jurisprudence propre à remettre en cause les droits d'une partie régulièrement constitués au regard de la jurisprudence antérieure ; de sorte qu'en statuant par le motif inopérant que l'interprétation évolutive d'un même texte de loi relève de l'activité et du pouvoir ordinaire des juridictions sans constater que l'application immédiate du revirement de jurisprudence qui aurait été consacré par la chambre sociale de la Cour de cassation postérieurement à la rédaction du contrat de travail de M. X... aurait répondu à une impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité d'une liberté fondamentale de celui-ci, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


Mais attendu que la clause contractuelle selon laquelle les commissions revenant au salarié sont diminuées du montant des cotisations sociales patronales est nulle ;


Et attendu qu'abstraction faite de l'erreur de plume dénoncée par la première branche qui est restée sans incidence sur la solution du litige, l'arrêt relève que la société avait en méconnaissance des dispositions de l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale déduit le montant des charges sociales et fiscales versées par elle sur la rémunération du salarié pour déterminer la rémunération variable de M. X... égale au solde créditeur du compte "prix de revient" ; que l'arrêt qui n'encourt aucun des griefs du moyen, a exactement décidé que la société devait procéder au remboursement de ces sommes ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la société Aviva vie aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Aviva vie à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille neuf.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils pour la société Aviva vie


En ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné la société Aviva vie à « rembourser » à Monsieur Benoît X... le montant des cotisations patronales prélevées sur le compte "prix de revient", intitulé ensuite "compte personnel d'exploitation" depuis le 10 septembre 1999, la cour renvoyant les parties à en établir contradictoirement le montant, sauf à revenir devant elle en cas de litige, pour saisine sur simple requête, le tout avec intérêts de droit à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ;


Aux motifs, sur la répétition des sommes afférentes aux cotisations sociales dues par l'employeur, d'une part, que le contrat de travail signé le 8 février 1994 par M. Benoît X... prévoyait que sa rémunération intégrait le cas échéant, "les sommes prélevées sur le compte créditeur du compte « prix de revient »" décrit au chapitre 6 (…). Conformément à l'article 6 de son contrat de travail, un compte « prix de revient » était tenu trimestriellement par l'employeur concernant M. Benoît X.... Au crédit de ce compte étaient inscrites les sommes résultant du barème (0,32 ou 0,10%) appliqué aux contrats réalisés par M. Benoît X... lui-même ou par ses collaborateurs. Au débit de ce compte, outre les annulations de crédits sur les contrats et les rémunérations ou frais payés aux collaborateurs, était en outre inscrite « la totalité des charges sociales et fiscales versées par la société sur (votre) rémunération ». Le solde de ce compte constituait la partie variable du salaire de M. Benoît X.... Ce système qui aboutit à déduire le montant des cotisations à la charge de l'employeur, non pas du chiffre d'affaires réalisé par le salarié, avant calcul des commissions, mais des commissions dues au salarié, après application du barème sur les contrats qu'il avait réalisés, c'est-à-dire de la part variable de son salaire, est, en conséquence, contraire aux dispositions de l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale et donc illicite. Si les charges patronales pouvaient être déduites de l'assiette de calcul des commissions, elles ne pouvaient être déduites des commissions elles-mêmes après application du barème retenu. Le fait que ces cotisations après avoir été prélevées sur les commissions dues au salarié soient, ensuite, effectivement payées par l'employeur lui-même, et que le système ait fait l'objet d'un protocole d'accord le 16 décembre 1993 signé par les représentants syndicaux, ne rendent pas, pour autant, le système conforme à la loi (arrêt attaqué, p. 5 et 6) ;


1°/ Alors qu'en affirmant que le système de calcul de la rémunération due au salarié prévu par l'article 6 de son contrat de travail aurait abouti à déduire le montant des cotisations à la charge de l'employeur de la part variable de son salaire après avoir pourtant exactement constaté que c'était seulement le solde du compte « prix de revient », c'est-à-dire le montant des sommes résultant de l'application du barème appliqué aux contrats réalisés par Monsieur X..., déduction faite d'un certain nombre de charges, dont les cotisations sociales versées par l'employeur, qui constituait cette partie variable du salaire de Monsieur X..., la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;


2°/ Et alors qu'en affirmant que les « commissions », entendues comme les sommes résultant de l'application du barème aux contrats réalisés par Monsieur X..., lui étaient dues quand il résulte de ses propres énonciations qu'aux termes dudit article 6, la rémunération variable du salarié intégrait seulement « le cas échéant » les sommes prélevées sur le « compte » i.e le solde créditeur du compte « prix de revient », ledit « compte créditeur » étant constitué par le montant de ces « commissions », déduction faite des débits prévus à l'article 6, la cour d'appel n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement et a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale ;


Aux motifs, d'autre part, qu'une telle interprétation de l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale, quand bien même cet article aurait été dans le passé interprété différemment par certaines juridictions, n'est pas contraire à l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il ne s'agit pas, en effet, de l'application rétroactive d'un nouveau texte de loi, mais seulement d'une interprétation évolutive d'un même texte de loi, démarche qui relève de l'activité et du pouvoir ordinaire des juridictions (arrêt attaqué, p. 6, dernier §) ;


Alors que sauf impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité d'une liberté fondamentale garantie par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe de sécurité juridique également garanti par ce texte s'oppose à ce qu'il soit fait application dans une instance d'un revirement de jurisprudence propre à remettre en cause les droits d'une partie régulièrement constitués au regard de la jurisprudence antérieure ; de sorte qu'en statuant par le motif inopérant que l'interprétation évolutive d'un même texte de loi relève de l'activité et du pouvoir ordinaire des juridictions sans constater que l'application immédiate du revirement de jurisprudence qui aurait été consacré par la chambre sociale de la Cour de cassation postérieurement à la rédaction du contrat de travail de Monsieur X... aurait répondu à une impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité d'une liberté fondamentale de celui-ci, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 6, §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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