13 mai 2008
Cour de cassation
Pourvoi n° 06-40.086

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2008:SO00875

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :




Vu leur connexité, joint les pourvois n° W 06-40.086 et n° Z 06-45.793 ;


Attendu, selon les arrêts attaqués (Amiens, 9 novembre 2005 et 27 septembre 2006), que par acte du 14 décembre 1999, enregistré le 29 décembre 1999, la société Gel 2000 spécialisée dans la vente de produits alimentaires surgelés et employant depuis 1992 Mme X..., en dernier lieu en qualité de chef d'entrepôt, a cédé son fonds de commerce à la société Hardcar ; que la reprise de l'exploitation ne s'étant pas réalisée à la date prévue, Mme X... a été appelée à travailler en qualité de caissière au service de la société Akani appartenant au même groupe que la société cessionnaire ; que la salariée a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir constater que l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail était applicable, que la rupture du contrat de travail était intervenue aux torts de la société Akani et voir condamner l'employeur au paiement de différentes sommes à titre de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture ;


Sur le moyen unique du pourvoi n° W 06-40.086 dirigé contre l'arrêt du 9 novembre 2005 :


Attendu que la société Akani fait grief à l'arrêt d'avoir constaté l'existence d'un dol et, en conséquence, dit que les dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail lui étaient applicables et que la rupture du contrat de travail devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :


1°/ qu'aux termes de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail, s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que l'article L. 122-12 du code du travail ne s'applique que lors d'un transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ou lorsque les parties conviennent de se soumettre volontairement aux dispositions de cet article ; que la cour d'appel a relevé qu'il n'y a pas eu transfert d'une entité économique autonome entre les sociétés Hardcar et Akani et que les parties n'ont pas convenu d'une application volontaire de l'article L. 122-12 du code du travail ; que la cour d'appel a exactement déduit de ses propres constatations que l'article L. 122-12 du code du travail n'était pas applicable ; qu'en décidant, cependant, au prétexte que la société Akani aurait commis un dol à l'encontre de la salariée, que l'article L. 122-12 du code du travail devait s'appliquer, la cour d'appel a violé ce dernier article et l'article 1116 du code civil ;


2°/ que le dol est une cause de nullité des conventions ; que même si la société Akani avait eu une attitude dolosive à l'encontre de Mme X..., ce comportement ne pouvait pas entraîner l'application de l'article L. 122-12 du code du travail, mais la nullité du contrat de travail de la salariée liant celle-ci à la société Akani et la condamnation éventuelle de cette dernière à des dommages-intérêts ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil et l'article L. 122-12 du code du travail ;


3°/ que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ; que pour dire que la société Akani a commis un dol à l'encontre de la salariée, la cour d'appel s'est bornée à relever que cette société a eu un comportement qui a entretenu la confusion dans l'esprit de Mme X... sur les conditions de la reprise de son contrat de travail ; que la cour d'appel, qui s'est déterminée ainsi sans caractériser une manoeuvre dolosive qu'aurait sciemment commise la société Akani dans l'intention de provoquer chez la salariée une erreur déterminante de son consentement, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;


Mais attendu qu'ayant constaté que, dès la cession du fonds de commerce, la société Akani s'était substituée à la société Hardcar dans la reprise des contrats de travail et avait exercé les prérogatives liées à la qualité d'employeur, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant relatif au dol, en a déduit à bon droit qu'elle était tenue de poursuivre le contrat de l'intéressée aux conditions existant au jour du changement d'employeur ;


Que le moyen n'est pas fondé ;




Sur le moyen unique du pourvoi n° Z 06-45.793 dirigé contre l'arrêt du 27 septembre 2006 :


Attendu que la société Akani fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à Mme X... diverses sommes dont une à titre d'indemnité compensatrice de préavis, alors, selon le moyen :


1°/ que la cassation à intervenir de l'arrêt du 9 novembre 2005 en ce qu'il a constaté l'existence d'un dol, dit que les dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail étaient applicables à la société Akani et que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse entraînera l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société Akani à verser à Mme X... les sommes de 2 443 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1 016,32 euros à titre d'indemnité de licenciement, 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et la somme de 1 465 euros à titre de rappel de congés payés, en application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile ;


2°/ que le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité d'exécuter ; que la cour d'appel qui a constaté que la salariée était en arrêt maladie lorsque la rupture du contrat de travail est intervenue, aurait du déduire de ses propres constatations que Mme X... était dans l'impossibilité d'exécuter son préavis, ce qui dispensait l'employeur du versement de l'indemnité compensatrice afférente ; que la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 122-6 et L. 122-8 du code du travail ;


3°/ que pour bénéficier de l'indemnité de préavis, le salarié en arrêt maladie doit établir qu'il a informé l'employeur de ce qu'il était apte à effectuer son préavis ; que la cour d'appel qui a octroyé à Mme X..., en arrêt maladie, une indemnité compensatrice de préavis sans vérifier qu'elle avait informé son employeur de ce qu'elle était apte à effectuer son préavis, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 122-6 et L. 122-8 du code du travail ;


Mais attendu que le rejet à intervenir sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 9 novembre 2005 rend sans objet le moyen en sa première banche ;


Et attendu qu'ayant constaté que la rupture du contrat de travail était intervenue aux torts de l'employeur qui avait unilatéralement modifié la rémunération et la qualification de la salariée, la cour d'appel a décidé à bon droit que la société Akani était débitrice d'une indemnité compensatrice de préavis, l'inexécution du délai-congé n'ayant pas pour cause la maladie de la salariée mais la faute de l'employeur ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE les pourvois ;


Condamne la société Akani aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille huit.

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