15 décembre 1993
Cour de cassation
Pourvoi n° 93-81.371

Chambre criminelle

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze décembre mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le rapport de M. le conseiller GUILLOUX, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;


Statuant sur les pourvois formés par :


1 ) - X... Didier,


- LES CONSORTS Y...,


parties civiles, contre l'arrêt de la cour d'assises de l'ISERE, en date du 17 décembre 1992, qui a condamné le premier nommé à la réclusion criminelle à perpétuité en portant à 28 ans la durée de la période de sûreté pour viol aggravé et meurtre concomitant et a acquitté Richard Z... pour les mêmes faits ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;


Sur le pourvoi des consorts Y... :


Attendu qu'il résulte de l'article 567 du Code de procédure pénale que la partie civile est sans qualité pour contester le bien-fondé de la décision rendue sur l'action publique ; que son pourvoi est, dès lors, irrecevable ;


Sur le pourvoi de X... formé contre l'arrêt civil ;


Attendu que ce pourvoi formé avant que l'arrêt n'ait été prononcé est irrecevable ;


Sur les pourvois de X... contre l'arrêt pénal ;


Vu le mémoire produit ;


Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 310 et 347 alinéa 3 du Code de procédure pénale et du principe de l'oralité des débats ;


"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats (p. 35) que le président, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, a versé deux lettres et deux clichés photographiques adressés par M. Maurice, expert, acquis aux débats, avant de déclarer qu'il serait passé outre aux débats malgré l'absence de cet expert" ;


Attendu qu'il appert du procès-verbal que le président a ordonné le versement aux débats et a communiqué à la Cour, au jury et aux parties, afin d'en permettre la discussion contradictoire, deux lettres et deux clichés photographiques adressés par un expert non comparant, à l'audition duquel les parties avaient renoncé ;


Attendu qu'en procédant ainsi, le président des assises a fait un usage régulier du pouvoir qu'il tient de l'article 310 du Code de procédure pénale de prendre toutes mesures qu'il croit utiles pour découvrir la vérité, sans violer les textes visés au moyen et sans méconnaître le principe de l'oralité des débats ;


Qu'il n'importe que la communication ait eu lieu avant que le président ordonne qu'il serait passé outre à l'absence de l'expert, dès lors qu'en raison de la renonciation des parties à son audition, cet expert n'était plus acquis aux débats ;


D'où il suit que le moyen doit être écarté ;


Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 325 et 331 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense ;


"en ce qu'il résulte du procès-verbal de déposition du témoin Paul W..., annexé au procès-verbal des débats, que, de la salle des témoins, on entendait le déroulement des débats dans la salle d'audience ;


"alors que les articles 325 et 331 du Code de procédure pénale, la recherche de la vérité et l'équité du procès interdisent qu'avant d'être entendus les témoins puissent conférer entre eux ou suivre le déroulement des débats ; que, dès lors, en l'espèce, la procédure est entachée d'une nullité à laquelle la défense ne pouvait renoncer et qui n'a pu être couverte par le fait qu'après les déclarations du témoin W... et pour la fin de l'audience le président a fait prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à cette irrégularité" ;


Attendu que le procès-verbal des débats constate que le président a averti les témoins qu'ils ne devaient pas demeurer dans la salle d'audience ni conférer entre eux avant leur audition et qu'il les a fait conduire dans une pièce séparée après avoir enjoint au chef du service d'ordre de veiller au respect de ses instructions ;


Attendu qu'en cet état, et alors même que certains témoins, aux dires de l'un d'entre eux, par suite d'une négligence à laquelle il a été immédiatement remédié, auraient pu suivre une partie des débats, il n'a été commis aucune violation des dispositions légales ou conventionnelles invoquées au moyen, toutes les mesures ayant été prises pour permettre la recherche de la vérité et garantir l'équité du procès ;


D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;


Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 310 et 347 alinéa 3 du Code de procédure pénale, du principe de l'oralité des débats et des droits de la défense ;


"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats (p. 21) qu'en vertu de son pouvoir discrétionnaire le président a ordonné la projection de l'enregistrement non sonorisé des images de la reconstitution des faits à laquelle il avait été procédé lors de la garde à vue des deux accusés ;


"alors, d'une part, que, en projetant, bien que l'instruction à l'audience ne soit pas terminée, des images de la reconstitution des faits effectuée lors de l'enquête, le président a introduit dans le débat des éléments qui ne lui appartenaient pas encore et a ainsi violé le principe de l'oralité des débats ;


"alors, d'autre part, et en toute hypothèse, que le président ne pouvait ordonner la projection des images de la reconstitution des faits effectuée lors de la garde à vue des accusés, sans avoir au préalable donné lecture et communiqué le procès-verbal de cette reconstitution, en le soumettant à un débat contradictoire ; qu'il a ainsi excédé ses pouvoirs et violé le principe de l'oralité des débats" ;


Attendu que le procès-verbal des débats relate qu'après l'audition comme témoin du procureur de la République, le président a ordonné en vertu de son pouvoir discrétionnaire la projection de l'enregistrement non sonorisé des images de la reconstitution des faits à laquelle il avait été procédé par ce magistrat lors de la garde à vue des accusés, puis, qu'à la demande des parties, il a ordonné une deuxième projection de l'enregistrement en présence du témoin, lequel a été entendu à nouveau, et enfin qu'à l'issue de cette projection, les parties et les accusés ont présenté leurs observations ;


Attendu qu'en procédant ainsi, le président des assises qui, contrairement à ce que soutient le moyen, n'a pas introduit prématurément un élément dans le débat et qui, en outre, n'était pas tenu de donner lecture du procès-verbal de la reconstitution, a régulièrement usé de son pouvoir discrétionnaire sans encourir les griefs allégués ;


D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;


Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;


Sur le pourvoi formé par les consorts Y... ;


Le

DECLARE IRRECEVABLE ;


Sur le pourvoi formé par X... contre l'arrêt civil :


Le DECLARE IRRECEVABLE ;


Sur les pourvois de X... contre l'arrêt pénal ;


Les REJETTE ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;


Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Guilloux conseiller rapporteur, MM. Hébrard, Massé, Mme Baillot, M. Joly conseillers de la chambre, M. Nivôse, Mme Fossaert-Sabatier, M. Poisot conseillers référendaires, M. Libouban avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;


En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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