23 septembre 1999
Cour de cassation
Pourvoi n° 98-10.235

Deuxième chambre civile

Titres et sommaires

(SUR LA 2E BRANCHE) INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - demande - délai - forclusion - suspension de la prescription au profit des mineurs

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par :


1 / M. Dang Z...
Y..., demeurant ..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administrateur des biens de ses enfants mineurs :


- Philippe, né le 6 septembre 1980, devenu majeur, qui reprend l'instance intentée en son nom,


- Pascal, né le 20 avril 1982,


- Francis, né le 12 novembre 1983,


- Nathalie, née le 11 mars 1985,


2 / M. Dang X...
Y...,


3 / M. Dang Thanh Y...,


4 / M. François Y...,


demeurant tous les quatre ...,


en cassation d'un arrêt rendu le 17 octobre 1997 par la cour d'appel de Paris (1e chambre, section B), au profit du fonds du Fonds de garantie des victimes et actes de terrorisme et autres infractions (FGVAT), dont le siège est ...,


défendeur à la cassation ;


Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;


LA COUR, en l'audience publique du 24 juin 1999, où étaient présents : M. Guerder, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. de Givry, conseiller rapporteur, MM. Pierre, Dorly, Mme Solange Gautier, conseillers, Mme Kermina, M. Trassoudaine, conseillers référendaires, M. Chemithe, avocat général, Mme Claude Gautier, greffier de chambre ;


Sur le rapport de M. de Givry, conseiller, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat des consorts Y..., de la SCP Coutard et Mayer, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGVAT), les conclusions de M. Chemithe, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Donne acte à M. Philippe Y... de sa reprise d'instance ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... ayant été victime le 11 septembre 1988 d'un homicide volontaire dont l'auteur a été condamné par une cour d'assises le 7 décembre 1990, les consorts Y... ont saisi le 22 décembre 1994 une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la commission) en réparation de leurs préjudices ;


Sur le moyen unique pris en sa première branche :


Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes, alors, selon le moyen, que tout justiciable doit bénéficier d'un recours effectif et il incombe à l'Etat français de garantir cette effectivité ; qu'en déclarant en l'espèce l'action des consorts Y... prescrite dès lors qu'elle n'avait pas été exercée dans le délai d'un an à compter de la décision pénale définitive sans s'assurer que la notification de cette décision précisait le délai dont disposait les consorts Y... pour saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 706-5 du Code de procédure pénale, 6 et 13 de la Communauté européenne des droits de l'homme ;


Mais attendu que les consorts Y... n'ayant pas soutenu dans leurs conclusions d'appel que le délai pour saisir la commission devait être indiqué par la cour d'assises à peine de suspension de ce délai, le moyen est nouveau, mélangé de droit et de fait, et comme tel irrecevable ;


Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :


Vu l'article 706-5 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 2252 du Code civil ;


Attendu, selon le premier de ces textes, qu'à peine de forclusion, la demande d'indemnité doit être présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l'infraction ; que lorsque les poursuites pénales sont exercées ce délai est prorogé et n'expire qu'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive ; que selon le second, la prescription ne court pas contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, sauf ce qui est dit à l'article 2278 du Code civil et à l'exception des autres cas déterminés par la loi ;


Attendu que pour déclarer irrecevable comme forclose l'action en indemnisation engagée, tant au nom des enfants de la victime alors mineurs dont certains, devenus majeurs, ont repris l'instance, que par l'enfant né le 3 juillet 1976, l'arrêt énonce que les délais de l'article 706-5 du Code de procédure pénale prescrits à peine de forclusion, sont des délais préfix qui à raison de leur nature, ne peuvent ni être suspendus, ni être interrompus ;


Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucun texte n'écarte l'application de la suspension de la prescription au profit des mineurs au délai édicté par l'article 706-5 du Code de procédure pénale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, sauf en ce qui concerne M. Dang Z...
Y... agissant en son nom personnel, l'arrêt rendu le 17 octobre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;


Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;


Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, prononcé et signé par M. Guerder, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile en son audience publique du vingt-trois septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf

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