12 mai 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-12.670

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00408

Titres et sommaires

LOIS ET REGLEMENTS - Non-rétroactivité - Principe - Application en matière civile - Etendue - Détermination

Il résulte de l'article 2 du code civil que la responsabilité extracontractuelle est soumise à la loi en vigueur au jour du fait générateur de responsabilité. Aux termes de l'article L. 227-1, alinéa 7, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, lorsqu'il n'y a pas eu de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société. Il en résulte que ce texte n'est applicable que lorsque les statuts de la société ont été signés à compter du 11 décembre 2016, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016

LOIS ET REGLEMENTS - Non-rétroactivité - Domaine d'application - Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 - Apports en nature - Responsabilité des associés à l'égard des tiers

SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE - Associés - Apports - Apports en nature - Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 - Application de la loi dans le temps - Signature des statuts avant l'entrée en vigueur de la loi

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 mai 2021




Cassation


Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président



Arrêt n° 408 F-P

Pourvoi n° K 20-12.670







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 MAI 2021

La société Axyo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 20-12.670 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [M] [J], domicilié [Adresse 2],

2°/ à M. [B] [J], domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la société Axyo, après débats en l'audience publique du 16 mars 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 décembre 2019), la société par actions simplifiée LCF a été mise en redressement judiciaire le 6 décembre 2016, puis en liquidation judiciaire le 24 janvier 2017. Un arrêt a ensuite fixé les créances de la société Axyo au passif de la procédure collective de la société LCF au titre de factures impayées antérieures.

2. Invoquant une surévaluation des apports en nature effectués par MM. [M] et [B] [J], coassociés de la société LCF lors de la constitution de la société, la société Axyo les a assignés en paiement des sommes dues au titre de ces factures, sur le fondement des articles 2285 du code civil et L. 223-9 du code de commerce.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 2 du code civil et l'article L. 227-1, alinéa 7, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 :

4. Selon le premier de ces textes, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif. Il en résulte que la responsabilité extracontractuelle est soumise à la loi en vigueur au jour du fait générateur de responsabilité.

5. Aux termes du second de ces textes, lorsqu'il n'y a pas eu de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société.

6. Il en résulte que ce texte n'est applicable que lorsque les statuts de la société ont été signés à compter du 11 décembre 2016, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016.

7. Pour rejeter les demandes formées par la société Axyo, l'arrêt se fonde sur l'article L. 227-1, alinéa 7, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, la société LCF étant une société par actions simplifiée.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société LCF avait été mise en redressement judiciaire le 6 décembre 2016, de sorte que la constitution de la société LCF était nécessairement antérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne MM. [M] et [B] [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne MM. [M] et [B] [J] à payer à la société Axyo la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour la société Axyo.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Axyo de l'ensemble de ses demandes tendant à ce que MM. [B] et [M] [J] soient condamnés à lui payer une somme, en principal, de 241 341,61 ? outre les intérêts au taux légal depuis le 11 décembre 2015, ainsi qu'une somme de 10 000 ? à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE : « la société LCF étant une société par actions simplifiées, l'article L 227-1 avant dernier alinéa du Code de commerce dispose que lorsqu'il n'y a pas eu de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société ; qu'en l'espèce, l'objet de la société LCF est l'achat et la revente de tous engins ou matériels de BTP et carrières, la location de tels engins, les prestations de service et de réparation ; qu'il résulte du rapport du commissaire aux apports du 3 janvier 2012 que le contrat d'apport présenté par les consorts [J] a prévu l'apport d'un fichier de clients. Il a relevé que [B] [J] a ainsi, tout en conservant la propriété de deux accords de distribution conclus avec les sociétés AXYO et EDS, proposé de mettre à disposition de la société LCF ces accords, et d'apporter un fichier estimé à 2.000 clients potentiels, constitué avec son fils [M], qui a procédé à la même évaluation ; que ce fichier clients a été évalué par les deux associés à 500.000 ?, constituant le capital social. Le commissaire aux apports a relevé que la démarche retenue pour l'évaluation de ce fichier repose sur des prévisions d'exploitation basées sur des hypothèses de chiffres d'affaires HT sur trois ans, de l'ordre de 1.160 K? la première année, de 1.800 K? la seconde année et de 2.130 K? la troisième année. Un seul bon de commande a été présenté au commissaire, outre un état des devis établis en octobre et novembre 2011 ; que le commissaire aux apports a indiqué que l'évaluation proposée étant fondée exclusivement sur des prévisions d'exploitation, il n'est pas en mesure d'apprécier si les hypothèses de chiffres d'affaires et de marges présentées par les associés constituent une base acceptable pour l'évaluation proposée, en raison de l'incertitude liée à la réalisation des objectifs annoncés ; qu'il en a déduit ne pas être en mesure « de conclure que la valeur de l'apport s'élevant à 500.000 ? n'est pas surévaluée et, en conséquence, que l'actif net apporté est au moins égal au montant du capital de la société bénéficiaire de l'apport » ; que la cour relève que le commissaire aux apports n'a proposé aucune évaluation du fichier clients. En évaluant leur apport en nature à 500.000 ?, les associés n'ont pas ainsi retenu une valeur différente de celle proposée par le commissaire aux apports, et les conditions prévues à l'avant dernier alinéa de l'article L 227-1 du Code de commerce concernant la responsabilité des associés ne sont pas réunies ; que par ces motifs, substitués à ceux des premiers juges, la cour confirmera la décision déférée en toutes ses dispositions » ;

ALORS QUE les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution d'une société par actions simplifiée lorsqu'ils ont désigné un commissaire aux apports et que celui-ci n'a pu conclure à l'absence de surévaluation des apports en nature en raison du caractère incomplet des éléments qui lui avaient été transmis par les associés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il résulte du rapport du commissaire aux apports du 3 janvier 2012, que l'évaluation de l'apport en nature constitué d'un unique fichier clients « repose sur des prévisions d'exploitation basées sur des chiffres d'affaires HT sur trois ans » et qu' « un seul bon de commande a été présenté au commissaire, outre un état des devis établis en octobre et novembre 2011 » (arrêt, p. 4, alinéa 4) ; que c'est ainsi à raison de l'insuffisance des éléments transmis au commissaire aux apports que celui-ci a indiqué qu' « il n'est pas en mesure d'apprécier si les hypothèses de chiffres d'affaires et de marges présentées par les associés constituent une base acceptable pour l'évaluation proposée », de sorte qu'il n'était pas en mesure « de conclure que la valeur de l'apport s'élevant à 500 000 ? n'est pas surévaluée » (arrêt, p. 4, alinéas 5 et 6) ; qu'il en résultait que l'absence de conclusion quant à l'évaluation exacte de l'apport en nature était imputable à l'insuffisance des éléments transmis par les associés, de sorte qu'ils étaient solidairement responsables à l'égard des tiers de la valeur attribuée à l'apport en nature ; qu'en retenant l'inverse au prétexte que « le commissaire aux apports n'a proposé aucune évaluation du fichier clients », de sorte qu' « en évaluant leur apport en nature à 500 000 ?, les associés n'ont pas ainsi retenu une valeur différente de celle proposée par le commissaire aux apports » (arrêt, p. 4, pénultième alinéa), la cour d'appel a violé l'article L. 227-1 du code de commerce.

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