5 mai 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-14.672

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00371

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Clôture - Clôture pour insuffisance d'actif - Droit de poursuite individuelle - Recours contre un cofidéjusseur - Conditions - Confusion de patrimoine avec le débiteur principal

La caution qui a acquitté une dette principale, ne peut, après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif d'un cofidéjusseur, exercer son recours contre ce dernier en application de l'article 2310 du code civil, les dispositions de l'article L. 643-11, II, du code de commerce ne lui étant pas applicables, à moins que le patrimoine du cofidéjusseur soit confondu avec celui du débiteur principal

CAUTIONNEMENT - Caution - Pluralité de cautions - Recours de la caution ayant acquitté la dette - Recours contre un cofidéjusseur - Condition

Texte de la décision

COMM.

DB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 mai 2021




Rejet


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 371 F-P

Pourvoi n° M 20-14.672




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 MAI 2021

La société Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 20-14.672 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2020 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, commerciale), dans le litige l'opposant à M. [D] [X], domicilié [Adresse 2], anciennement, [Adresse 3], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Compagnie européenne de garanties et cautions, de Me Descorps-Declère, avocat de M. [X], et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 28 janvier 2020), la société Caisse d'épargne de Picardie (la banque) a consenti des prêts à la SCI California, pour lesquels se sont rendus cautions M et Mme [X], ainsi que la société Compagnie européenne de garanties et cautions (la société CEGC). Les 14 décembre 2010 et 17 janvier 2012, la liquidation judiciaire qui avait été prononcée à l'égard de la société Double GT Int le 26 octobre 2010 a été étendue à M. [X] puis à la SCI California.

2. Après l'admission au passif de la liquidation des créances de la banque, la société CEGC a réglé à cette dernière la totalité des sommes garanties.

3. Après la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire étendue, la société CEGC a déposé une requête auprès du président du tribunal de la procédure pour obtenir un titre exécutoire contre M. [X], en application de l'article L. 643-11, II, du code de commerce.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

5. La société CEGC fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable, alors « que la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur ; qu'indépendamment de la confusion des patrimoines, le caractère accessoire du cautionnement implique que la notion de débiteur au sens de l'article L. 643-11, II, du code de commerce, soit dans le cadre d'une poursuite engagée au terme d'une procédure de liquidation judiciaire, inclut la caution du débiteur principal ; qu'au cas présent, la cour d'appel a déclaré irrecevable la demande de paiement de la CEGC aux motifs qu'à défaut de démontrer la confusion des patrimoines de la société California et de M. [X], ce dernier ne pouvait être considéré comme le débiteur au sens de l'article L. 643-11 du code de commerce ; qu'en ayant exclu cette qualification en dépit du caractère accessoire du cautionnement dont il résulte une unicité de la dette, la cour d'appel a violé les articles L. 643-11 et R. 643-20 du code de commerce et l'article 2306 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. L'article L. 643-11, II, du code de commerce, qui autorise les coobligés et personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie à poursuivre le débiteur après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, s'ils ont payé à la place de celui-ci, ne permet pas à la caution qui a acquitté la dette principale d'exercer dans les conditions prévues par ce texte un recours contre un cofidéjusseur, en application de l'article 2310 du code civil, à moins que le patrimoine de celui-ci soit confondu avec celui du débiteur principal, ce qui n'est pas le cas.

7. Le moyen qui postule le contraire n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Compagnie européenne de garanties et cautions aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Compagnie européenne de garanties et cautions et la condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC).

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance du président du tribunal de commerce du Mans en date du 16 janvier 2018 puis d'avoir, statuant à nouveau, dit l'action de la société CEGC engagée sur le fondement de l'article L. 643-11 II à l'encontre de M. [X] irrecevable ;

Aux motifs que « sur la recevabilité de la demande, l'article L 643-11 II du code de commerce relatif à la liquidation judiciaire dispose que "II.-Les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s'ils ont payé à la place de celui-ci... V.-Les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu'ils disposent déjà d'un tel titre, sans avoir fait constater qu'ils remplissent les conditions prévues au présent article. Le président du tribunal, saisi à cette fin, statue par ordonnance. Les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en oeuvre dans les conditions du droit commun." ; que l'article 2305 du code civil dispose que : "La caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur." ; que l'article 2306 du code civil dispose que : "La caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur." ; que l''article 2310 du code civil dispose que "Lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette, a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion." ; que M. [X] soutient l'irrecevabilité de la demande à son encontre au motif que la CEGC ne peut fonder sa demande à son encontre sur l'article L 643-11 II dès lors qu'il n'est pas débiteur principal, et qu'il ne peut être tenu pour tel, même s'il est en liquidation judiciaire avec la SCI California par extension, puisque la confusion des patrimoines n'est pas établie ; qu'il indique que la CEGC ne peut soutenir son action sur le fondement du code civil puisqu'elle a formé sa requête sur l'article L 643-11 du code de commerce et que M. [X] n'est pas débiteur au sens de cet article ; que la CEGC a consenti une caution à la SCI California pour des prêts contractés à la caisse d'épargne et il est établi par une quittance subrogative dressée par la caisse d'épargne le 2 septembre 2014 que la CEGC a réglé 253 658, 29 euros pour la SCI California ; qu'il résulte de l'article L 643-11 II qu'ayant ainsi réglé la dette de la SCI California, elle peut la poursuivre ; mais elle entend agir contre M. [X], cofidejusseur, pour lequel elle a payé, subrogée dans les droits de la caisse d'épargne en application des articles 2305, 2306 et 2310 du code civil ; qu'elle ne peut soutenir agir sur le fondement de l'article L 643-11 II contre le cofidejusseur qui ne constitue pas le débiteur pour qui elle a réglé en conséquence de l'engagement de caution consenti ; que le fait que M. [X] ait été par extension en liquidation judiciaire avec la SCI California n'a pas eu pour conséquence de faire disparaître la personnalité juridique de chacun des débiteurs et l'action fondée sur l'article L 643-11 II ne peut davantage être engagée à l'encontre de M. [X], qui reste distinct du seul débiteur au regard de ce texte : la SCI California ; que par ailleurs, il est justifié de l'admission de la créance de la caisse d'épargne à la procédure de liquidation judiciaire de la SCI California pour ses deux prêts ; qu'or, la procédure à laquelle la caisse d'épargne a déclaré sa créance pour deux prêts souscrits par la SCI California vise Double G int SAR, [X] [D], [R] et la SCI California, et sa créance a été admise ; que cependant, la CEGC ne justifie pas de la confusion de patrimoine de M [X] et de la SCI California, la société CEGC affirmant sans l'établir que l'extension des procédures collectives des débiteurs est fondée par la confusion de leurs patrimoines, le jugement du tribunal de commerce prononçant l'extension de la procédure Double G Int à la SCI California n'ayant pas été produit ; qu'à ce titre, la CEGC ne peut non plus prétendre que sa créance a été admise à la procédure de M. [X] seul débiteur de la CEGC au sens de l'article L 643-11 ; que la société CEGC est donc irrecevable en sa demande de titre exécutoire formée sur le fondement de l'article L643-11 du code de commerce faute d'établir que sa créance a été admise au passif de son débiteur, M. [X] ; que l'ordonnance du Président du tribunal de commerce du Mans en date du 16 janvier 2018 est donc infirmée ; que sur les frais et dépens, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties l'intégralité des frais exposés pour la procédure d'appel et de les débouter en conséquence de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que mal fondée en son action, la société CEGL est condamnée au paiement des dépens » (arrêt attaqué, pp. 6-7) ;

1°/ Alors que l'extension d'une procédure de liquidation judiciaire ouverte contre le débiteur à une autre personne en cas de confusion du patrimoine ou de fictivité de la personne morale, si elle provoque une confusion des patrimoines, n'a jamais pour effet de faire disparaître la personnalité juridique ; qu'en ayant considéré, pour admettre la fin de non-recevoir soulevée par M. [X], que le fait que ce dernier « ait été par extension en liquidation judiciaire avec la SCI California n'a pas eu pour conséquence de faire disparaître la personnalité juridique de chacun des débiteurs et l'action fondée sur l'article L. 643-11 II [du code de commerce] ne peut davantage être engagée à l'encontre de M. [X], qui reste distinct du seul débiteur au regard de ce texte : la SCI California » (arrêt attaqué, p. , 6), la cour d'appel, qui s'est fondée sur l'absence de disparition de la personnalité pour justifier l'absence de confusion des patrimoines et l'irrecevabilité de la demande de la CEGC, a statué par des motifs inopérants et ainsi violé les articles L. 621-2, L. 643-11 II et R. 643-20 du code de commerce ;

2°/ Alors que le juge ne peut dénaturer les éléments de la cause ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que la CEGC n'avait pas justifié de la confusion des patrimoines de M. [X] set de la société California, « la société CEGC affirmant sans l'établir que l'extension des procédures collectives des débiteurs est fondée par la confusion de leurs patrimoines, le jugement du tribunal de commerce prononçant l'extension de la procédure Double G Int à la SCI California n'ayant pas été produit » (arrêt attaqué, p. 7, §1) ; qu'en ayant considéré que la preuve d'une extension de la liquidation de la société Double GT INT à la société California ainsi qu'a M. [X] n'avait pas été rapportée cependant qu'il résultait sans équivoque du dispositif du jugement prononcé le 20 décembre 2016, produit en pièce n° 13 du bordereau des conclusions d'appel de la CEGC, que la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif concernait tout à la fois la société Double GT INT, M. [D] [X] et la société California, la cour d'appel a violé les articles 4 et 480 du code de procédure civile ;

3°/ Alors, en tout état de cause, que l'extension d'une procédure de liquidation judiciaire provoque une unité patrimoniale entre le débiteur originel et la personne faisant l'objet de l'extension, qu'elle soit justifiée par l'existence d'une confusion des patrimoines ou de fictivité de la personne morale ; qu'en ayant considéré que la CEGC n'avait pas justifié de la confusion des patrimoines de M. [X] et de la société California (arrêt attaqué, p. 7, §1) cependant que par la pièce n° 13 du bordereau des conclusions d'appel elle produisait le jugement de clôture d'une procédure de liquidation qui concernait tant la société California que M. [X], ce dont il résultait que l'extension de la procédure de liquidation avait nécessairement provoqué, indépendamment de son motif, une unité de patrimoine, la cour d'appel a violé les articles L. 621-2, L. 643-11 II et R. 643-20 du code de commerce ;

4°/ Alors, en tout état de cause, que la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur ; qu'indépendamment de la confusion des patrimoines, le caractère accessoire du cautionnement implique que la notion de débiteur au sens de l'article L.643-11, II, du code de commerce, soit dans le cadre d'une poursuite engagée au terme d'une procédure de liquidation judiciaire, inclut la caution du débiteur principal ; qu'au cas présent, la cour d'appel a déclaré irrecevable la demande de paiement de la CEGC aux motifs qu'à défaut de démontrer la confusion des patrimoines de la société California et de M. [X], ce dernier ne pouvait être considéré comme le débiteur au sens de l'article L. 643-11 du code de commerce ; qu'en ayant exclu cette qualification en dépit du caractère accessoire du cautionnement dont il résulte une unicité de la dette, la cour d'appel a violé les articles L. 643-11 et R. 643-20 du code de commerce et l'article 2306 du code civil.

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