24 mars 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-23.413

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00270

Titres et sommaires

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Causes - Citation en justice - Déclaration des créances - Portée - Créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable - Absence de décision statuant sur la demande d'admission

Il résulte des articles L. 526-1, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 juin 2010 applicable en la cause, et L. 622-24 de ce code qu'un créancier inscrit à qui est inopposable la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à son débiteur, et qui peut donc faire procéder à la vente sur saisie de cet immeuble, a également la faculté de déclarer sa créance au passif de la procédure collective du débiteur. S'il fait usage de cette faculté, il bénéficie de l'effet interruptif de prescription attaché à sa déclaration de créance, cet effet interruptif se prolongeant en principe jusqu'à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission, dès lors que ce créancier n'est pas dans l'impossibilité d'agir sur l'immeuble au sens de l'article 2234 du code civil. Toutefois, lorsque aucune décision n'a statué sur cette demande d'admission, l'effet interruptif de prescription attaché à la déclaration de créance se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Règlement des créanciers - Créanciers bénéficiant d'une sûreté - Déclaration d'insaisissabilité publiée avant l'ouverture de la liquidation - Inopposabilité - Portée

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mars 2021




Cassation partielle


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 270 F-P

Pourvoi n° S 19-23.413







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 MARS 2021

La société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie, société coopérative à forme anonyme, directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-23.413 contre l'arrêt rendu le 18 juillet 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la proximité), dans le litige l'opposant à M. M... K..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. K..., et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 février 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 juillet 2019), par un acte notarié du 31 octobre 2006, la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie (la banque) a consenti à M. K..., artisan, un prêt de 128 767 euros, destiné à l'acquisition d'un immeuble constituant sa résidence principale et remboursable en plusieurs mensualités. La banque a inscrit sur l'immeuble un privilège de prêteur de deniers à concurrence de la somme 154 520,40 euros, publié le 7 décembre 2006.

2. Par un acte notarié du 2 mars 2012, M. K... a fait une déclaration d'insaisissabilité de l'immeuble acquis au moyen du prêt.

3. Les 3 septembre et 29 octobre 2013, M. K... a été mis en redressement puis liquidation judiciaires. Le 18 septembre 2013, la banque a déclaré au passif sa créance au titre du solde du prêt. Le 12 septembre 2017, la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif, sans que soit rendue une décision d'admission de la créance de la banque, en l'absence de vérification du passif.

4. Le 28 février 2018, la banque a délivré à M. K... un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur l'immeuble financé par le prêt, avant de l'assigner à l'audience d'orientation du juge de l'exécution le 15 juin 2018.

5. Devant le juge de l'exécution, M. K... a, notamment, soulevé la prescription de l'action de la banque.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite, alors « que lorsqu'un créancier poursuivant n'est pas dans l'impossibilité d'agir sur un immeuble, au sens de l'article 2234 du code civil, l'effet interruptif de prescription de sa déclaration de créance prend fin à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission ; qu'ainsi, cet effet interruptif se prolonge aussi longtemps qu'il n'est pas statué sur la demande d'admission ; qu'en déclarant néanmoins prescrite l'action en paiement de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie, sans constater qu'une décision avait statué sur la demande d'admission de sa créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2241 et 2242 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 526-1, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 juin 2010 applicable en la cause, et l'article L. 622-24 du même code :

7. Un créancier inscrit à qui est inopposable la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à son débiteur, et qui peut donc faire procéder à la vente sur saisie de cet immeuble, a également la faculté de déclarer sa créance au passif de la procédure collective du débiteur. S'il fait usage de cette faculté, il bénéficie de l'effet interruptif de prescription attaché à sa déclaration de créance, cet effet interruptif se prolongeant en principe jusqu'à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission, dès lors que ce créancier n'est pas dans l'impossibilité d'agir sur l'immeuble au sens de l'article 2234 du code civil. Toutefois, lorsque aucune décision n'a statué sur cette demande d'admission, l'effet interruptif de prescription attaché à la déclaration de créance se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective.

8. Pour déclarer prescrite l'action de la banque, l'arrêt, ayant relevé que le délai de prescription applicable est celui de deux ans prévu par l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, que la déchéance du terme du prêt est intervenue le 29 octobre 2013, et que la déclaration notariée d'insaisissabilité est inopposable à la banque eu égard à sa date, en déduit que, la banque, qui n'était pas dans l'impossibilité d'agir sur l'immeuble lorsqu'elle a déclaré sa créance, ne peut bénéficier de la prolongation de l'effet interruptif de la prescription jusqu'à la clôture de la procédure collective, en l'absence de décision d'admission de sa créance due à l'absence de vérification du passif.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action en paiement de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne M. K... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie.

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré prescrite l'action en paiement de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Normandie.

AUX MOTIFS QUE « Mais la déclaration d'insaisissabilité de l'immeuble acquis avec le prêt est inopposable à la Caisse d'Epargne. En effet, l'insaisissabilité ne s'impose qu'aux créanciers dont la créance naît de l'activité professionnelle du débiteur après la publication de la déclaration. Et, pour les autres créanciers, l'immeuble demeure saisissable puisque le bien est extérieur au périmètre de la procédure collective. Ces créanciers conservent le droit de saisir l'immeuble et sont émancipés de la discipline de la procédure collective. Aussi, conformément à l'article 2234 du code civil, n'étant pas dans l'impossibilité d'agir par un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure, la Caisse d'Epargne ne pouvait bénéficier de la prolongation de l'effet interruptif de la prescription jusqu'à la clôture de la procédure collective, en l'absence de décision d'admission de sa créance due à l'absence de vérification du passif » ;

ALORS QUE lorsqu'un créancier poursuivant n'est pas dans l'impossibilité d'agir sur un immeuble, au sens de l'article 2234 du code civil, l'effet interruptif de prescription de sa déclaration de créance prend fin à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission ; qu'ainsi, cet effet interruptif se prolonge aussi longtemps qu'il n'est pas statué sur la demande d'admission ; qu'en déclarant néanmoins prescrite l'action en paiement de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Normandie, sans constater qu'une décision avait statué sur la demande d'admission de sa créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2241 et 2242 du code civil.

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