3 juillet 2012
Cour de cassation
Pourvoi n° 08-44.834

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2012:SO01640

Titres et sommaires

UNION EUROPEENNE - travail - aménagement du temps de travail - directive 2003/88/ce du parlement européen et du conseil, du 4 novembre 2003 - article 7 - repos et congés - droit au congé annuel payé - exigence d'une période de travail effectif pendant une période de référence - exclusion - détermination - portée - travail reglementation, duree du travail - congés payés - droit au congé - condition d'ouverture - exigence d'une période de travail effectif pendant la période de référence - portée travail reglementation, duree du travail - indemnité - calcul - période de référence - interruption - cause - accident de travail - accident de trajet - assimilation

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 7 § 1 de la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que le droit au congé annuel payé est subordonné à une période de travail effectif minimale de dix jours ou d'un mois pendant la période de référence. Pour l'ouverture du droit au congé annuel payé, l'absence du travailleur pour cause d'accident de trajet doit être assimilée à l'absence pour cause d'accident du travail. Doit dès lors être cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui déboute un salarié de sa demande tendant à l'obtention d'un congé payé au titre d'une période d'absence pour cause d'accident de trajet

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., employée à compter du 10 janvier 1987 par le Centre informatique du Centre-Ouest Atlantique (CICOA), a été en arrêt de travail du 3 novembre 2005 au 7 janvier 2007 à la suite d'un accident de trajet ; que son salaire lui a été maintenu pendant toute la période de son arrêt de travail et qu'elle a perçu en outre des indemnités journalières de la sécurité sociale pour la période du 1er janvier au 26 juillet 2006 ; que constatant avoir commis une erreur, l'employeur a opéré des retenues sur salaire aux fins de remboursement des sommes versées indûment ; que Mme X... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de salaires et de dommages-intérêts pour retenues illicites, et l'attribution de congés payés ou l'allocation d'une indemnité compensatrice ; que par arrêt du 2 juin 2010, la Cour de cassation (chambre sociale) a interrogé à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne ;


Sur le deuxième moyen :


Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à la reconnaissance du maintien du salaire et à la limitation de la somme à restituer à l'employeur, alors, selon le moyen, que l'accident de trajet est un accident du travail bénéficiant du même régime sauf à ce que le texte qui prévoit l'avantage en dispose autrement ; que la loi de mensualisation du 19 janvier 1978 exclut les salariés victimes d'un accident de trajet du seul bénéfice des dispositions applicables aux salariés victimes d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle relatives au délai de carence ; qu'en se fondant sur ce texte pour exclure Mme Maribel X..., victime d'un accident de trajet, du bénéfice du maintien intégral du salaire prévu par la convention collective, la cour d'appel a violé la loi de mensualisation du 19 janvier 1978 par fausse application et l'article 41 de la convention collective des organismes de sécurité sociale par refus d'application ;


Mais attendu qu'en vertu de l'article 41 de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, en cas d'accident du travail, les agents titulaires recevront leur salaire total pendant toute la durée de leur incapacité temporaire ; que l'accident de trajet ne se confond pas avec l'accident du travail au sens de ce texte ; que le moyen n'est pas fondé ;


Mais sur le premier moyen :


Vu l'article L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 3251-3 et 3252-6 du même code, ce dernier dans sa rédaction alors applicable ;


Attendu que pour écarter la compétence de la juridiction prud'homale au profit du tribunal d'instance, l'arrêt retient que les parties ne contestent plus que la répétition de l'indu obéit au principe édicté par l'article L. 144-2, devenu l'article L. 3251-3, du code du travail aux termes duquel les retenues sur salaire doivent s'opérer par des retenues n'excédant pas le dixième du montant des salaires exigibles, en sorte que, s'agissant des demandes de la salariée aux fins de restitution des retenues opérées, sont applicables les dispositions de l'article L. 145-5, devenu l'article L. 3252-6, du code du travail ;


Qu'en statuant ainsi, alors que le litige relatif à l'application des dispositions de l'article L. 3251-3 du code du travail, concernant le remboursement d'avances faites par l'employeur au moyen de retenues successives, constitue un litige s'élevant à l'occasion du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


Et sur le troisième moyen :


Vu l'article L. 223-4 du code du travail, phrases 2 et 3, recodifié sous le n° L. 3141-5 du code du travail, et l'article XIV du règlement type annexé à la convention collective des organismes de sécurité sociale, interprétés à la lumière de la directive 93/104/CE du Conseil de l'Union européenne, du 23 novembre 1993, telle que remplacée par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003 ;


Attendu, selon le premier de ces textes, que sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;


Attendu que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 24 janvier 2012, affaire C-282/10), a dit pour droit :


1°/ L'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que le droit au congé annuel payé est subordonné à une période de travail effectif minimale de dix jours ou d'un mois pendant la période de référence.


2°/ il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, en prenant en considération l'ensemble du droit interne, notamment l'article L. 223-4 du code du travail, et en faisant application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de l'article 7 de la directive 2003/88 et d'aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci, si elle peut parvenir à une interprétation de ce droit permettant d'assimiler l'absence du travailleur pour cause d'accident de trajet à l'un des cas de figure mentionnés dans ledit article du code du travail.


Si une telle interprétation n'était pas possible, il incombe à la juridiction nationale de vérifier si, eu égard à la nature juridique des parties défenderesses au principal, l'effet direct de l'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 peut être invoqué à leur encontre.


À défaut pour la juridiction nationale d'atteindre le résultat prescrit par l'article 7 de la directive 2003/88, la partie lésée par la non-conformité du droit national au droit de l'Union pourrait néanmoins se prévaloir de l'arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C-6/90 et C-9/90), pour obtenir, le cas échéant, réparation du dommage subi.


3°/ L'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une disposition nationale prévoyant, selon l'origine de l'absence du travailleur en congé de maladie, une durée de congé payé annuel supérieure ou égale à la période minimale de quatre semaines garantie par cette directive ;


Attendu que les périodes limitées à une durée ininterrompue d'un an pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle entrent en ligne de compte pour l'ouverture du droit à congé régi par l'article L. 3141-3 du code du travail ; que pour l'ouverture du droit au congé annuel payé, l'absence du travailleur pour cause d'accident de trajet doit être assimilée à l'absence pour cause d'accident du travail ;


Attendu que pour débouter la salariée de sa demande tendant à l'obtention d'un congé, subsidiairement au paiement d'une indemnité compensatrice, l'arrêt retient que l'intéressée ayant été absente pendant plus de douze mois à la suite d'un accident de trajet, l'employeur a à bon droit fait application des dispositions de l'article XIV du règlement type annexé à la convention collective des personnels des organismes de sécurité sociale, la salariée ne pouvant se prévaloir des dispositions applicables en cas d'accident du travail ;


Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les demandes de restitution des sommes prélevées sur le salaire relèvent de la compétence du juge d'instance et déboute Mme X... de sa demande tendant à l'obtention d'un congé, subsidiairement au paiement d'une indemnité compensatrice, l'arrêt rendu le 16 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;


Condamne le Centre informatique du Centre-Ouest Atlantique aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille douze.





MOYENS ANNEXES au présent arrêt.


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour Mme X....


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Maribel X... de sa demande tendant à la restitution des sommes indument retenues sur ses salaires à compter du mois de janvier 2007.


AUX MOTIFS QUE les parties ne contestent plus que la répétition de l‘indu obéit au principe édicté par l'article L. 144-2 du Code du travail aux termes duquel les retenues sur salaire doivent s'opérer par des retenues d'excédant pas le dixième du montant des salaires exigibles ; que, s'agissant des demandes formulées par Madame X..., tendant à voir condamner l'employeur à restituer la retenue prétendument inde sur les payes de juillet 2007 à janvier 2008, il y a lieu de relever que ces demandes relèvent de la compétence exclusive du juge d'instance et ce, conformément aux dispositions de l'article L. 145-5 du Code du travail.


ALORS QUE les Conseils de prud'hommes règlent par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient ; que le litige relatif à l'application des dispositions L. 144-2 du Code du travail alors en vigueur, devenu article L. 3251-3 du Code du travail, relatives au remboursement d'avances faites par l'employeur au moyen de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles, constitue un litige s'élevant à l'occasion du contrat de travail relevant de la compétence de la juridiction prud'homale ; qu'en écartant sa compétence pour avoir à connaitre de cette demande de la salariée, après avoir constaté que « les parties ne contestent plus que la répétition de l'indu obéit au principe édicté par l'article L. 144-2 du Code du travail aux termes duquel les retenues sur salaire doivent s'opérer par des retenues d'excédant pas le dixième du montant des salaires exigibles », la Cour d'appel a violé les articles L. 511-1 alinéa 1 du Code du travail alors en vigueur, devenu article L. 1411-1 du Code du travail, et L. 144-2 du Code du travail alors en vigueur, devenu article L. 3251-3 du Code du travail.


ET ALORS QU'en écartant sa compétence au profit du juge d'instance en application des dispositions de l'article L. 145-5 du Code du travail alors en vigueur, actuellement article L. 3252-6 du Code du travail, quand ces dispositions sont applicables aux seules saisies et cessions des rémunérations et non aux retenues sur salaire effectuées par l'employeur pour son propre compte en application des dispositions de l'article L. 144-2 du Code du travail alors en vigueur, devenu article L. 3251-3 du Code du travail, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 144-5 alors en vigueur, actuellement article L. 3252-6 du Code du travail.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION


Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Maribel X... de sa demande tendant à se voir reconnaître le bénéfice du maintien du salaire et à voir limiter le montant à restituer à l'employeur à la somme de 8.741,75 euros.


AUX MOTIFS QUE Madame Maribel X..., victime d'un accident de trajet le 3 novembre 2005, a cumulé au cours de la période du 1er janvier au 26 juillet 2006, le bénéfice du maintien intégral de son salaire et le versement des indemnités journalières versées par la CPAM ; qu'aux termes de l'article 41 de la convention collective des organismes de sécurités sociale, le salarié a droit au maintien intégral du salaire en cas d'accident du travail ; que la loi de mensualisation du 19 janvier 1978 opère une distinction entre : - d'une part, le régime du maintien du salaire en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, - d'autre part, le régime applicable en cas de maladie, d'accidents de trajet et d'accidents de droit commun ; qu'en conséquence Madame X... ne saurait prétendre au maintien intégral de son salaire pendant toute la période litigieuse ; que conformément aux dispositions de l'article 41 de la convention collective applicable, Madame X... a droit au maintien intégral de son salaire pendant 180 jours, puis au versement d'un demi-salaire pendant 3 mois ; qu'eu égard à cet élément, il y a lieu d'entériner le tableau de calcul produit en cause d'appel par le CICOA (pièce n° 7), tableau aux termes duquel le trop-perçu s'élève à un total de 17.321,68 euros.


ALORS QUE l'accident de trajet est un accident du travail bénéficiant du même régime sauf à ce que le texte qui prévoit l'avantage en dispose autrement ; que la loi de mensualisation du 19 janvier 1978 exclut les salariés victimes d'un accident de trajet du seul bénéfice des dispositions applicables aux salariés victimes d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle relatives au délai de carence ; qu'en se fondant sur ce texte pour exclure Madame Maribel X..., victime d'un accident de trajet, du bénéfice du maintien intégral du salaire prévu par la convention collective, la Cour d'appel a violé la loi de mensualisation du 19 janvier 1978 par fausse application et l'article 41 de la convention collective des organismes de sécurité sociale par refus d'application.




TROISIEME MOYEN DE CASSATION


Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Maribel X... de sa demande tendant à se voir accorder 20 jours de congés et 2,5 jours de congés mobiles et subsidiairement à se voir accorder à ce titre une indemnité compensatrice de congés payés.


AUX MOTIFS QUE Madame X... ayant été absente pendant plus de douze mois à la suite d'un accident de trajet, l'employeur a à bon droit fait application des dispositions de l'article XIV du règlement type annexé à la convention collective des personnels des organismes de sécurité sociale ; que Madame X... ne saurait se prévaloir des dispositions applicables en cas d'accident du travail.


ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE l'employeur explique la comptabilisation des jours de congés pour la période de mai 2006 à juin 2007, ceci en appliquant les dispositions de droit et conventionnelles en vigueur, que le décompte est exact ; que le Conseil déboute Madame X... de sa demande à ce titre.


ALORS QUE l'accident de trajet est un accident du travail bénéficiant du même régime sauf à ce que le texte qui prévoit l'avantage en dispose autrement ; qu'en déboutant Madame Maribel X..., victime d'un accident de trajet, du bénéfice de l'assimilation de la période de suspension de son contrat de travail à du temps de travail effectif pour le calcul des congés payés, la Cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 223-4 du Code du travail alors en vigueur, actuellement article L. 3141-5 du Code du travail, et l'article XIV du règlement type annexé à la convention collective des organismes de sécurité sociale par refus d'application.

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