22 septembre 2010
Cour de cassation
Pourvoi n° 09-60.435

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2010:SO01719

Titres et sommaires

REPRESENTATION DES SALARIES - cadre de la représentation - unité économique et sociale - reconnaissance - désignation d'un délégué syndical - conditions - détermination - syndicat professionnel - délégué syndical - désignation - désignation dans le cadre d'une unité économique et sociale - prise en compte de tous les suffrages obtenus par les syndicats affiliés à la même confédération syndicale syndicat professionnel - candidats ayant obtenu 10 % des voix - calcul - calcul dans le cadre d'une unité économique et sociale - modalités - mandat - expiration - portée

En application des articles L. 2121-1, L. 2133-3 et L. 2143-3 du code du travail, d'une part, les syndicats affiliés à la même confédération nationale ne peuvent désigner ensemble dans la même entreprise un nombre de délégués et représentants syndicaux supérieur à celui fixé par la loi ; et d'autre part, lorsque la désignation s'effectue au niveau d'une unité économique et sociale (UES), le seuil de 10 % fixé par l'article L. 2121-1 du code du travail se calcule en additionnant la totalité des suffrages obtenus lors des élections au sein des différentes entités composant l'UES. Il en résulte que le calcul de l'audience pour la désignation d'un délégué syndical au sein de l'UES tient compte de tous les suffrages ainsi obtenus par les syndicats affiliés à la même confédération syndicale

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon le jugement attaqué, qu'à la suite d'élections organisées au sein de l'unité économique et sociale (UES) CMA-CGM, le Syndicat national de personnels sédentaires des compagnies de navigation et connexes CGT (SNPS-CGT) a désigné, le 6 juillet 2009, M. X..., qui exerçait déjà cette mission antérieurement, en qualité de délégué syndical central CGT auprès de l'UES ; que, contestant la représentativité du syndicat SNPS-CGT au niveau de l'UES au regard de l'audience électorale, la société CMA-CGM a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de la désignation ;


Sur le premier moyen :


Attendu que le syndicat SNPS-CGT fait grief au jugement d'avoir dit recevable la contestation de l'employeur, alors, selon le moyen :


1°/ que la confirmation d'un mandat déjà détenu par un salarié ne fait pas courir un nouveau délai de contestation ; que le tribunal a relevé que le courrier du 6 juillet 2009 confirmait un mandat antérieur ; qu'en considérant néanmoins que le recours, introduit dans les quinze jours de la réception de la correspondance du 6 juillet 2009, était recevable, le tribunal a violé l'article L. 2143-8 du code du travail ;


2°/ qu'aucune disposition légale ne prévoit que le mandat de délégué syndical central prend fin automatiquement dès que les conditions de validité ne sont plus réunies ; qu'en affirmant que le mandat de délégué syndical central détenu par M. X... avant le scrutin a pris fin avec celui-ci, le tribunal a violé les articles L. 2143-5 et L. 2143-8 du code du travail ;


3°/ que la CMA-CGM, qui entendait contester le mandat au vu du résultat des élections intervenues le 19 mai 2009, devait saisir le tribunal dans le délai de quinze jours suivant celles-ci ; qu'il résulte des constatations du tribunal que le recours n'a été formé que le 21 juillet 2009 ; qu'en ne recherchant pas à quelle date avait eu lieu le scrutin et donc si le recours avait été engagé dans le délai de quinze jours, le tribunal a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 2143-8 du code du travail ;


Mais attendu que le mandat de délégué syndical prenant fin lors du renouvellement des institutions représentatives dans l'entreprise, la désignation, à l'issue de ces nouvelles élections, d'un délégué syndical, fait courir à compter de la date de cette désignation le délai prévu par l'article R. 2324-24 du code du travail même si le salarié désigné exerçait déjà cette mission avant le nouveau scrutin ;


Que le moyen n'est pas fondé ;


Mais sur le second moyen :


Vu les articles L. 2121-1, L. 2133-3 et L. 2143-3 du code du travail ;


Attendu, d'abord, que les syndicats affiliés à la même confédération nationale ne peuvent désigner ensemble dans la même entreprise un nombre de délégués et représentants syndicaux supérieur à celui fixé par la loi ; ensuite, que lorsque la désignation s'effectue au niveau d'une UES, le seuil de 10 % fixé par l'article L. 2121-1 du code du travail se calcule en additionnant la totalité des suffrages obtenus lors des élections au sein des différentes entités composant l'UES ; qu'il en résulte que le calcul de l'audience pour la désignation d'un délégué syndical au sein de l'UES tient compte de tous les suffrages ainsi obtenus par les syndicats affiliés à la même confédération syndicale ;


Attendu que pour annuler la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical CGT au sein de l'UES CMA-CGM, le tribunal d'instance relève que le seuil de 10 % invoqué par le syndicat SNPS-CGT au niveau de l'UES tient compte des suffrages obtenus par un autre syndicat, l'UGICT-CGT, et énonce qu'aucune disposition du code du travail ne permet en l'état du bouleversement opéré par la loi du 20 août 2008 de dire que du fait de la seule affiliation à une même confédération, leur représentation doit être appréciée globalement par le cumul de leurs résultats respectifs alors même que ces organisations syndicales n'ont manifesté aucune volonté en ce sens, en s'associant notamment par le biais de listes communes ;


Qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal a violé les textes susvisés ;




PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré l'action en contestation recevable, le jugement rendu le 5 novembre 2009, entre les parties, par le tribunal d'instance de Marseille ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Aubagne ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société CMA-CGM à payer au syndicat CGT, Syndicat national du personnel sédentaire, section CMA-CGM et à M. X... la somme globale de 2 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille dix.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour le syndicat CGT, Syndicat national du personnel sédentaire, section CMA-CGM


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR déclaré le recours recevable et fondé et d'avoir annulé la désignation de Monsieur Jean-Luc X... en qualité de délégué syndical central opérée par le syndicat national CGT des personnels sédentaires ;


AUX MOTIFS QUE le différend opposant les parties portant tant sur la représentativité du syndicat national des personnels sédentaires des compagnies de navigation et connexes CGT au sein de PUES CMA-CGM que sur la validité de la désignation du délégué syndical central CGT, opérée par courrier du 6 juillet 2009, suite aux élections professionnelles et à l'application de la loi du 20 août 2008, même s'il agissait en l'occurrence de la confirmation d'un mandat antérieur, le présent recours introduit dans les 15 jours de la réception de cette correspondance est recevable en la forme;


Et AUX MOTIFS QUE la loi du 20 août 2008 a bouleversé les règles d'appréciation de la représentativité des organisations syndicales et mis fin à la présomption irréfragable de représentativité reconnue à la CGT comme à la CFDT, F0, CFTC, et la CFE-CGC dont bénéficiaient de plein droit tous les syndicats et unions de syndicats qui y étaient affiliés; contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, le terme de syndicat représentatif mentionné à l'article L 2143-5 du Code du Travail ne vise pas expressément les cinq grandes centrales syndicales mais l'organisation syndicale qui satisfait aux critères précisés à l'article L2121-1 et a recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au ler tour des dernières élections de titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou à défaut des délégués du personnel quel que soit le nombre de votants, en additionnant les suffrages de l'ensemble des établissements compris dans ces entreprises; de manière analogue, l'audience d'un syndicat au sein d'une UES se calcule en faisant la somme des suffrages qu'il a obtenus dans chacune des entreprises composant cette entité; le syndicat national des personnels sédentaires des compagnies de navigation et connexes CGT et I'UGICT-CGT sont deux syndicats différents, qui disposent de statuts propres, distincts de ceux de la Confédération Générale du Travail, bénéficiant tous deux du droit de participer au ler tour des élections et d'obtenir la mesure de leur audience respective par la présentation d'une liste de candidats; aucune disposition du Code du travail ne permet en l'état du bouleversement opéré par la loi du 20 août 2008 de dire que du fait de la seule affiliation à la même confédération, leur représentativité doit être appréciée globalement par le cumul de leurs résultats respectifs alors même que ces organisations syndicales n'ont manifesté aucune volonté en ce sens, en s'associant notamment par le biais de listes communes; des différents procès-verbaux des élections versés aux débats, il ressort que sur les 2370 suffrages exprimés au ler tour des élections des titulaires au comité d'entreprise dans l'ensemble des entreprises composant I'UES en cause, seuls 195 d'entre eux se sont portés sur Je syndicat CGT qui n'a pas franchi le seuil de 10 % imposé par l'article L 2143-5 du Code du travail ; force est donc de constater que faute d'audience suffisante, le mandat de délégué syndical central détenu par Monsieur Jean-Luc X... avant ce scrutin a pris fin avec celui-ci; le recours formé par la SA CMA-CGM à l'encontre de la désignation de l'intéressé à ces mêmes fonctions opérée par courrier du 6 juillet 2009 sera en conséquence accueilli et cette désignation annulée;


ALORS QUE la confirmation d'un mandat déjà détenu par un salarié ne fait pas courir un nouveau délai de contestation ; que le Tribunal a relevé que le courrier du 6 juillet 2009 confirmait un mandat antérieur ; qu'en considérant néanmoins que le recours, introduit dans les 15 jours de la réception de la correspondance du 6 juillet 2009, était recevable, le Tribunal a violé l'article L 2143-8 du Code du travail ;


Et ALORS QU'aucune disposition légale ne prévoit que le mandat de délégué syndical central prend fin automatiquement dès que les conditions ne validité ne sont plus réunies ; qu'en affirmant que le mandat de délégué syndical central détenu par Monsieur Jean-Luc X... avant le scrutin a pris fin avec celui-ci, le Tribunal a violé les articles L 2143-5 et L 2143-8 du Code du travail ;


Et ALORS QUE la CMA CGM, qui entendait contester le mandat au vu du résultat des élections intervenues le 19 mai 2009, devait saisir le Tribunal dans le délai de 15 jours suivant celles-ci ; qu'il résulte des constatations du Tribunal que le recours n'a été formé que le 21 juillet 2009 ; qu'en ne recherchant pas à quelle date avait eu lieu le scrutin et donc si le recours avait été engagé dans le délai de 15 jours, le Tribunal a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 2143-8 du Code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)


Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR déclaré le recours recevable et fondé et d'avoir annulé la désignation de Monsieur Jean-Luc X... en qualité de délégué syndical central opérée par le syndicat national CGT des personnels sédentaires ;


AUX MOTIFS QUE le différend opposant les parties portant tant sur la représentativité du syndicat national des personnels sédentaires des compagnies de navigation et connexes CGT au sein de PUES CMA-CGM que sur la validité de la désignation du délégué syndical central CGT, opérée par courrier du 6 juillet 2009, suite aux élections professionnelles et à l'application de la loi du 20 août 2008, même s'il agissait en l'occurrence de la confirmation d'un mandat antérieur, le présent recours introduit dans les 15 jours de la réception de cette correspondance est recevable en la forme;


Et AUX MOTIFS QUE la loi du 20 août 2008 a bouleversé les règles d'appréciation de la représentativité des organisations syndicales et mis fin à la présomption irréfragable de représentativité reconnue à la CGT comme à la CFDT, F0, CFTC, et la CFE-CGC dont bénéficiaient de plein droit tous les syndicats et unions de syndicats qui y étaient affiliés; contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, le terme de syndicat représentatif mentionné à l'article L 2143-5 du Code du Travail ne vise pas expressément les cinq grandes centrales syndicales mais l'organisation syndicale qui satisfait aux critères précisés à l'article L2121-1 et a recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au ler tour des dernières élections de titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou à défaut des délégués du personnel quel que soit le nombre de votants, en additionnant les suffrages de l'ensemble des établissements compris dans ces entreprises; de manière analogue, l'audience d'un syndicat au sein d'une UES se calcule en faisant la somme des suffrages qu'il a obtenus dans chacune des entreprises composant cette entité; le syndicat national des personnels sédentaires des compagnies de navigation et connexes CGT et I'UGICT-CGT sont deux syndicats différents, qui disposent de statuts propres, distincts de ceux de la Confédération Générale du Travail, bénéficiant tous deux du droit de participer au ler tour des élections et d'obtenir la mesure de leur audience respective par la présentation d'une liste de candidats; aucune disposition du Code du travail ne permet en l'état du bouleversement opéré par la loi du 20 août 2008 de dire que du fait de la seule affiliation à la même confédération, leur représentativité doit être appréciée globalement par le cumul de leurs résultats respectifs alors même que ces organisations syndicales n'ont manifesté aucune volonté en ce sens, en s'associant notamment par le biais de listes communes; des différents procès-verbaux des élections versés aux débats, il ressort que sur les 2370 suffrages exprimés au ler tour des élections des titulaires au comité d'entreprise dans l'ensemble des entreprises composant PUES en cause, seuls 195 d'entre eux se sont portés sur le syndicat CGT qui n'a pas franchi le seuil de 10 % imposé par l'article L 2143-5 du Code du travail ; force est donc de constater que faute d'audience suffisante, le mandat de délégué syndical central détenu par Monsieur Jean-Luc X... avant ce scrutin a pris fin avec celui-ci; le recours formé par la SA CMA-CGM à l'encontre de la désignation de l'intéressé à ces mêmes fonctions opérée par courrier du 6 juillet 2009 sera en conséquence accueilli et cette désignation annulée;


ALORS QU'il résulte des résultats des élections tels que communiqués par la CMA CGM que, sur 2370 suffrages, la CGT avait obtenu 281 voix, soit 11, 86 % ; que le Tribunal a affirmé que " sur les 2370 suffrages exprimés au 1er tour des élections des titulaires au comité d'entreprise dans l'ensemble des entreprises composant l' UES en cause, seuls 195 d'entre eux se sont portés sur le syndicat CGT qui n'a pas franchi le seuil de 10 % " ; qu'en statuant comme il l'a fait, le Tribunal a dénaturé le document émanant de la CMA CGM intitulé " élections professionnelles 2009 " et violé l'article 1134 du Code Civil ;


Et ALORS subsidiairement QU'une centrale syndicale et les organisations syndicales qui lui sont affiliées ne peuvent désigner ensemble, sauf accord collectif contraire, qu'un seul délégué syndical central d'entreprise ; qu'il en résulte que la condition tenant au seuil de 10 % des suffrages pour la désignation d'un délégué syndical d'entreprise doit être appréciée en additionnant les suffrages obtenus par toutes les organisations syndicales affiliées à la même centrale syndicale ; qu'en décidant le contraire, le Tribunal a violé l'article L 2143-5 du Code du Travail.

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