13 juillet 2010
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-60.148

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2010:SO01720

Titres et sommaires

SYNDICAT PROFESSIONNEL - représentativité - détermination - critères - résultats des élections professionnelles - appréciation - résultats des élections des délégués du personnel - prise en compte - condition - portée

Aux termes de l'article L. 2121-1 5° du code du travail, la représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après (...) 5° : l'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 du code du travail, et aux termes de l'article L. 2122-1 du même code, dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel, ou, à défaut, des délégués du personnel. Il en résulte que l'audience recueillie par les organisations syndicales aux élections des délégués du personnel ne peut être prise en compte, pour apprécier leur représentativité, que s'il ne s'est pas tenu dans l'entreprise d'élections au comité d'entreprise ou à la délégation unique du personnel permettant de mesurer cette audience

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :






Sur le moyen unique, pris en sa première branche :


Vu les articles L. 2121-1, L. 2122-1 et L. 2143-3 du code du travail ;


Attendu, selon le premier de ces textes, que la représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après (...) 5° : l'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 du code du travail ;


Que selon le second, dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel, ou, à défaut, des délégués du personnel ;


Qu'il en résulte que l'audience recueillie par les organisations syndicales aux élections des délégués du personnel ne peut être prise en compte, pour apprécier leur représentativité, que s'il ne s'est pas tenu dans l'entreprise d'élections au comité d'entreprise ou à la délégation unique du personnel permettant de mesurer cette audience ;


Attendu, selon le jugement attaqué, que l'union départementale Force ouvrière Drôme-Ardèche (le syndicat FO) a désigné le 21 décembre 2009 Mme X... en qualité de déléguée syndicale au sein de l'URSSAF de l'Ardèche ; que contestant la représentativité du syndicat FO au motif que celui n'avait pas recueilli 10 % des suffrages aux élections des membres du comité d'entreprise mais seulement aux élections des délégués du personnel, l'URSSAF a saisi le tribunal d'instance en annulation de la désignation ;


Attendu que pour valider la désignation de la déléguée syndicale, le tribunal, après avoir relevé que le syndicat FO, qui n'avait pas présenté de candidat aux élections des membres du comité d'entreprise, avait obtenu 100% des suffrages exprimés au premier tour des élections des délégués du personnel du 17 mars, énonce que faute pour la loi du 20 août 2008 de dire précisément que les élections des délégués du personnel entrent de manière subsidiaire dans la mesure de la représentativité des syndicats au niveau ces entreprises, tout en étant prises en compte au même titre que les autres élections, pour ce qui est de la représentativité des délégués syndicaux, il convient d'écarter l'interprétation proposée par l'URSSAF et ainsi de retenir une absence de hiérarchie entre les trois instances citées, comité d'entreprise, délégation unique du personnel ou délégués du personnel ;


Qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé les textes susvisés ;


Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la seconde branche du moyen :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 18 février 2010, entre les parties, par le tribunal d'instance de Privas ;


DIT n'y avoir lieu à renvoi ;


ANNULE la désignation, par le syndicat union départementale Force ouvrière de Drôme-Ardèche, le 21 décembre 2009, de Mme X... en qualité de déléguée syndicale au sein de l'URSSAF de l'Ardèche ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de l'Ardêche




PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR débouté l'URSSAF de l'Ardèche de sa demande d'annulation de la désignation en date du 21 décembre 2009 de madame Rose Marie X... en qualité de déléguée syndicale par l'Union départementale Force Ouvrière Drôme Ardèche.


AUX MOTIFS QUE la demande d'annulation de la désignation de déléguée syndicale FO de madame Rose Marie X... doit être déclarée recevable, car formée le 4 janvier 2010, dans les 15 jours de sa désignation telle qu'elle a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception à l'URSSAF reçue le 22 décembre 2009, conformément aux dispositions de l'article L 2143-7 du Code du travail ; que, sur le fond, il y a lieu à titre liminaire d'examiner les moyens tendant à voir écarter l'application de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail au profit du protocole d'accord sur l'exercice du droit syndical dans les organismes de sécurité sociale du 1er février 2008 ; qu'en l'espèce, si l'article 19 énonce que «le présent protocole constitue un socle impératif de règles contribuant à faciliter un exercice du droit syndical et du dialogue social, toutes dispositions conventionnelles contraires, étant de nul effet», il n'en demeure pas moins que dans la hiérarchie des normes juridiques, il n'a pas vocation à prévaloir sur la loi précitée qui à n'en pas douter, prive de toute portée juridique, les modalités de désignation du délégué syndical telles que définies par le paragraphe 6 de l'article 16 en vertu desquelles le choix du délégué syndical s'opère librement parmi les salariés de l'organisme par l'organisation syndicale représentative et notamment celles ayant signé les conventions collectives nationales des 8 février 1957 et 25 juin 1968, dont relève incontestablement l'URSSAF ; qu'en effet, substituant un mécanisme d'administration de la preuve de la représentativité du syndicat dans l'entreprise d'une part mais aussi du délégué syndical désigné par la même organisation, d'autre part, les articles L 2143-3 alinéa 1 et 2122-1 du Code du travail instaurent deux mesures de la représentativité différentes selon l'interprétation qu'en fait l'URSSAF ; qu'il n'est pas contesté à cet égard par la demanderesse que madame Rose Marie X... nommée déléguée syndicale par FO, a obtenu 100 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des délégués du personnel du 17 mars 2009 et peut dès lors valablement être désignée comme déléguée syndicales conformément aux dispositions de l'article L 2143-3 alinéa 1 du Code du travail qui dispose que chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement de 50 salariés ou plus qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur ; que l'appréciation du caractère représentatif ou non des organisations syndicales est régie par l'article L 2122-1 qui semble calqué sur le texte précité et reprend logiquement les mêmes conditions en énonçant que sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères en énonçant que son représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ; que l'interprétation que retient la demanderesse de ce texte, conduit à instaurer au sein de l'entreprise une hiérarchie entre les instances élues représentatives du personnel, avec pour déclinaison essentielle, le caractère très subsidiaire des délégués du personnel comme mesure de la représentativité dans l'entreprise puisqu'ils ne seraient pris en compte qu'à défaut d'existence d'un comité d'entreprise ou d'une délégation unique du personne ; que cette lecture de l'article L 2122-1 suppose que le terme «à défaut» soit entendu comme signifiant à défaut d'existence alors même qu'il pourrait parfaitement être interprété comme voulant dire «à défaut de réunir 10% au niveau du comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel», en parfaite conformité avec l'article L 2143-3 alinéa 1, lequel texte de loi procède à l'énoncé de critères de représentativité sans conférer aux élections de délégués du personnel un caractère subsidiaire ; que faute pour la loi du 28 août 2008 de dire précisément que les élections des délégués du personnel entrent de manière subsidiaire dans la mesure de la représentativité des syndicats au niveau des entreprises, tout en étant prises en compte au même titre que les autres élections, pour ce qui est de la représentativité des délégués syndicaux, il convient d'écarter l'interprétation proposée par l'URSSAF et ainsi de retenir une absence de hiérarchie entre les trois instances citées, comité d'entreprise, délégation unique du personnel ou délégués du personnel ; qu'il échet dès lors de constater que l'Union Départementale FO est représentative au sein de l'URSSAF pour avoir réuni au premier tour des élections de délégués du personnel du 17 mars 2009, 100% des suffrages exprimés et que l'URSSAF doit être subséquemment déboutée de sa demande d'annulation de la désignation de Madame Rose Marie X... en qualité de déléguée syndicale FO.


1°) ALORS QU'en application de l'article L 2122-1 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 20 août 2008, un syndicat ne peut prétendre être représentatif, et pouvoir ainsi désigner un délégué syndical dans les conditions prévues par l'article L 2143-3 alinéa 1 dudit Code, que s'il justifie avoir recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, «à défaut», des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ; que ce n'est donc qu'à défaut d'existence d'un comité d'entreprise ou d'une délégation unique du personnel que les résultats des élections des délégués du personnel servent de base à la détermination de la représentativité qui se mesure ainsi en priorité au niveau des élections du comité d'entreprise et seulement à titre subsidiaire au niveau des élections des délégués du personnel ; qu'en retenant au contraire qu'il n'existe pas de hiérarchie entre le comité d'entreprise, la délégation unique du personnel ou les délégués du personnel pour mesurer la représentativité des syndicats au niveau des entreprises et en en déduisant faussement que l'Union départementale FO Drôme Ardèche est représentative au sein de l'URSSAF de l'Ardèche pour avoir réuni au premier tour des élections des délégués du personnel, en date du 17 mars 2009, 100% des suffrages exprimés et qu'elle avait donc pu valablement désigner madame X... en qualité de déléguée syndicale bien que ce syndicat n'ait pas recueilli 10% des suffrages exprimés au premier tour des élections du comité d'entreprise, le Tribunal d'Instance a violé les articles L 2122-1 et L 2143-3 alinéa 1 du Code du travail.


2°) ALORS QU'en toute hypothèse, une organisation syndicale ne peut désigner au sein d'une entreprise un délégué syndical remplissant lui-même la condition d'audience personnelle de 10% au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnelle ou des délégués du personnel que s'il remplit les critères de représentativité posés par l'article L 2121-1 du Code du travail et s'il a constitué une section syndicale dans cette entreprise ; qu'en déboutant l'URSSAF de l'Ardèche de sa demande d'annulation de la désignation de madame X... en qualité de déléguée syndicale FO sans même s'assurer ni de ce que ce syndicat remplissait les critères de représentativités énumérés par l'article L 2121-1 du Code de travail ni de l'existence d'une section syndicale au sein de l'entreprise, le Tribunal d'Instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L 2121-1 et L 2143-3 alinéa 1 du Code du travail.




SECOND MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR condamné l'URSSAF de l'Ardèche aux dépens de l'instance.


ALORS QU'en matière d'élections professionnelles, et notamment de contestation relative à la désignation des délégués syndicaux, la procédure est sans frais ; qu'en condamnant l'URSSAF de l'Ardèche aux dépens de l'instance, le Tribunal d'Instance a violé l'article R 2143-5 du Code du travail.

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