1 juin 2010
Cour de cassation
Pourvoi n° 09-40.679

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2010:SO01133

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - employeur - modification dans la situation juridique de l'employeur - définition - transfert d'une entité économique autonome conservant son identité - entité économique - reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif - continuation du contrat de travail - conditions - détermination - portée - separation des pouvoirs - compétence judiciaire - domaine d'application - litige relatif à un service public géré par un organisme de droit privé - cas - activité de service public reprise par une personne morale de droit public - condition - exclusion - litige relatif à un contrat administratif - contrat de travail de droit public proposé à un salarié suite au transfert à une personne publique de l'entité économique de droit privé l'employant

A la suite du transfert d'une entité économique, employant des salariés de droit privé, à une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le personnel de l'entreprise et le nouvel employeur qui est tenu dés la reprise de l'activité de continuer à rémunérer les salariés transférés dans les conditions prévues par leur contrat de droit privé jusqu'à ce que ceux-ci acceptent le contrat de droit public qui leur sera proposé, ou jusqu'à leur licenciement, s'ils le refusent. Doit dés lors être approuvé l'arrêt qui condamne la communauté de communes, qui a repris l'activité d'une société employant des salariés de droit privé, à leur payer leurs salaires à compter de la date à laquelle cette activité lui a été transférée

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... était employé comme chauffeur poids-lourds par la société Coved qui assurait pour la communauté de communes La Domitienne la collecte et le traitement des déchets ; que cette dernière, qui a repris ces activités en régie directe à compter du 1er mai 2006, a proposé à M. X... le 24 novembre 2006 un contrat de droit public pour des fonctions de ripeur qu'il a refusées ; que celui-ci a saisi le conseil de prud'hommes le 19 avril 2007 pour demander que l'établissement public soit condamné à lui proposer un contrat de travail à durée indéterminée comme chauffeur" poids-lourds", sous peine d'une astreinte, et à lui payer des dommages-intérêts ;


Sur le premier moyen :


Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;


Sur le deuxième moyen :


Attendu que la communauté de communes fait grief à l'arrêt de la condamner à payer les salaires à M. X... avec effet rétroactif à compter du 1er mai 2006, à lui remettre les bulletins de paie, le tout sous astreinte, et de la condamner à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, alors, selon le moyen :


1°/ qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires ; qu'il ne résulte d'aucune disposition de ce texte que les contrats de travail seraient de plein droit et automatiquement transférés à la personne publique du jour de la reprise prétendue de l'activité, alors bien au contraire que le salarié a simplement vocation à un contrat de droit public, et que le transfert de son contrat est conditionnel, si bien qu'en condamnant rétroactivement la communauté de communes à compter du 1er mai 2006 à payer à M. X... les salaires correspondants avec remise des bulletins de paie, la cour d'appel, infirmant le jugement, n'a pas justifié légalement sa décision au regard du texte susvisé ;


2°/ et alors que comme l'avait mentionné la communauté de communes dans ses conclusions, M. X... avait lui-même invoqué la poursuite de son contrat de travail de droit privé le 1er mai 2006 avec la SA Cavet, si bien qu'en condamnant pourtant la personne publique à payer au salarié ses salaires et à lui remettre ses bulletins de paye à compter du 1er mai 2006, sans limiter la réparation au préjudice subi par le salarié en raison de l'absence prétendue de proposition d'un contrat de droit public, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005 ;


Mais attendu, d'abord, qu'à la suite du transfert d'une entité économique à une personne morale de droit public dans le cadre d'un service public administratif, les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le personnel de l'entreprise et le nouvel employeur, qui est tenu, dés la reprise de l'activité, de continuer à rémunérer les salariés transférés dans les conditions prévues par leur contrat de droit privé jusqu'à ce que ceux-ci acceptent le contrat de droit public qui leur sera proposé, ou jusqu'à leur licenciement, s'ils le refusent ;


Et attendu, ensuite, que le grief de la seconde branche manque en fait ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Mais sur le troisième moyen :


Vu l'article 20 de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 alors en vigueur, ensemble le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;


Attendu que lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette activité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public reprenant les clauses substantielles de leur contrat, notamment concernant la rémunération, et qu'en cas de refus des salariés d'accepter les modifications de leur contrat, la personne publique procède à leur licenciement dans les conditions prévues par le code du travail et par leur contrat ; que si le juge judiciaire est compétent pour statuer sur tout litige relatif à l'exécution et à la rupture du contrat de travail tant que le nouvel employeur n'a pas placé les salariés dans un régime de droit public, il ne peut, ni se prononcer sur le contrat de droit public proposé par la personne morale de droit public au regard des exigences de l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005, ni lui faire injonction de proposer un tel contrat ; qu'il peut seulement, en cas de difficulté sérieuse, surseoir à statuer en invitant les parties à saisir le juge administratif d'une question préjudicielle portant sur la conformité des offres faites par le nouvel employeur public aux dispositions législatives et réglementaires ;


Attendu que pour ordonner à la communauté de communes de proposer au salarié un contrat de droit public reprenant sa qualification et sa rémunération, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, après avoir constaté que M. X... avait refusé le contrat de droit public, comme ne correspondant pas à ses qualification et rémunération antérieures, retient que le contrat ainsi proposé n'était pas conforme aux prescriptions de la loi du 26 juillet 2005, en sorte qu'aucun contrat de droit public n'avait été conclu, ce dont il déduit que le juge judiciaire est compétent pour ordonner à la communauté des communes de proposer un autre contrat de droit public ;


Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui ne pouvait, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur la conformité d'un contrat de droit public aux dispositions de l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005, ni faire injonction à la communauté de communes de proposer un autre contrat de droit public, a violé le texte et les principes susvisés ;





CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné la communauté des communes La Domitienne à payer à M. X... une somme à titre de dommages-intérêts et les salaires à compter du 1er mai 2006, l'arrêt rendu le 12 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;


Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille dix.




MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la communauté des communes La Domitienne




PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à la COMMUNAUTE DE COMMUNES LA DOMITIENNE de proposer à Monsieur Christian X... un contrat de droit public à durée indéterminée (reprenant sa qualification et sa rémunération) avec effet rétroactif à compter du 1er mai 2006, avec paiement des salaires correspondants et remise de bulletin de paie à compter de la même date, le tout sous astreinte, et condamné la Communauté de Communes à payer à Monsieur Christian X... la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral, outre les frais irrépétibles de l'instance du salarié et de la SA COVED ;


AUX MOTIFS QUE les premiers juges ont à juste titre écarté, comme n'ayant aucune incidence sur le litige, le débat initié par la COMMUNAUTE DE COMMUNES LA DOMITIENNE sur les raisons pour lesquelles la SA COVED n'aurait pas ou mal soumissionné aux offres de marché ; qu'ils ont par ailleurs à juste titre également relevé que la question n'était pas de savoir si la SA COVED avait été transférée dans son intégralité, et d'autre part constaté que l'ensemble de la déchetterie de NISSAN LES ENSERUNE (mais aussi l'ensemble des prestations : collecte sélective et gardiennage) avait été dévolu à la COMMUNAUTE DE COMMUNES LA DOMITIENNE en tant qu'«ensemble structuré de personnes et d'éléments permettant l'exercice d'une activité économique et qui poursuit une activité propre», peu important que les camions soient restés la propriété de la SA COVED puisque les bâtiments de la déchetterie avaient toujours été la propriété de la collectivité publique et que les autres éléments matériels (toutes les bennes, bacs de récupération, containers, meubles, armoires, chaises, frigos) avaient été transférés, et ce dans la mesure où la notion de transfert d'entité économique autonome n'implique pas nécessairement un transfert intégral des actifs ; qu'ainsi, en rappelant que du personnel était clairement rattaché à cette activité, qui d'ailleurs avait continué de fonctionner sans interruption dès le 1er mai 2006, date de la fin du contrat liant la COMMUNAUTE DE COMMUNES LA DOMITIENNE à la SA COVED (cette dernière lui ayant transmis les clés et les différents mode d'accès la veille) et en jugeant qu'il y avait bien lieu en l'espèce à application de l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005, les premiers juges ont par une exacte analyse des éléments de la cause, développé des motifs pertinents que la Cour entend adopter pour confirmer leur décision ;


ET AUX MOTIFS, adoptés du jugement, QUE la loi du 26 juillet 2005 parle de «transfert» sans faire aucune distinction entre les causes de ce transfert, de sorte que le débat initié par la COMMUNAUTE DE COMMUNES LA DOMITIENNE sur les raisons pour lesquelles la SA COVED n'a pas soumissionné aux offres, ou mal soumissionné, n'a aucune incidence sur le présent litige ; quelles qu'en soient les raisons, et même s'il y avait eu attitude fautive de la SA COVED, le Conseil doit rechercher simplement si les conditions d'application de la loi du 26 juillet 2005 sont réunies ;


ALORS QUE la simple expiration du contrat de concession d'un marché public de gestion de déchetteries et de collecte sélective n'emportait pas transfert de l'entité économique en cause à la COMMUNAUTE DE COMMUNES LA DOMITIENNE, si bien qu'en refusant, sur le principe, de rechercher, en réfutation des conclusions de l'exposante, si la SA COVED n'avait pas fait volontairement le choix, d'abord en soumissionnant à un prix prohibitif supérieur de 30% au tarif antérieur, puis ensuite en ne soumissionnant pas lors de la seconde procédure d'appel d'offres, de renoncer au marché en cause, ce qui excluait tout transfert de l'entité économique à la Communauté de Communes, tenue d'assurer la continuité du service public, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005.




DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire par rapport au premier)


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à la COMMUNAUTE DE COMMUNES LA DOMITIENNE de proposer à Monsieur Christian X... un contrat de droit public à durée indéterminée (reprenant sa qualification et sa rémunération) avec effet rétroactif à compter du 1er mai 2006, avec paiement des salaires correspondants et remise de bulletin de paie à compter de la même date, le tout sous astreinte, et condamné la Communauté de Communes à payer à Monsieur Christian X... la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral, outre les frais irrépétibles de l'instance du salarié et de la SA COVED ;


AUX MOTIFS QU'il convient de constater que, dès le 1er mai 2006, la COMMUNAUTE DE COMMUNES LA DOMITIENNE avait l'obligation (en application des dispositions susvisées) de proposer à Christian X... un contrat de droit public à durée indéterminée, reprenant les clauses substantielles du contrat dont il était le titulaire en terme tant de qualification que de rémunération ;


ALORS QU'aux termes de l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires ; qu'il ne résulte d'aucune disposition de ce texte que les contrats de travail seraient de plein droit et automatiquement transférés à la personne publique du jour de la reprise prétendue de l'activité, alors bien au contraire que le salarié a simplement vocation à un contrat de droit public, et que le transfert de son contrat est conditionnel, si bien qu'en condamnant rétroactivement la COMMUNAUTE DE COMMUNES LA DOMITIENNE à compter du 1er mai 2006 à payer à Monsieur Christian X... les salaires correspondants avec remise des bulletins de paie, la Cour d'Appel, infirmant le jugement, n'a pas justifié légalement sa décision au regard du texte susvisé ;


ET ALORS QUE, comme l'avait mentionné la COMMUNAUTE DE COMMUNES LA DOMITIENNE dans ses conclusions, Monsieur Christian X... avait lui-même invoqué la poursuite de son contrat de travail de droit privé le 1er mai 2006 avec la SA COVED, si bien qu'en condamnant pourtant la personne publique à payer au salarié ses salaires et à lui remettre ses bulletins de paye à compter du 1er mai 2006, sans limiter la réparation au préjudice subi par le salarié en raison de l'absence prétendue de proposition d'un contrat de droit public, la Cour d'Appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005.




TROISIEME MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à la juridiction prud'homale de S'ETRE reconnue compétente pour ordonner à la COMMUNAUTE DE COMMUNES LA DOMITIENNE de proposer à Monsieur Christian X... un contrat de droit public à durée indéterminée (reprenant sa qualification et sa rémunération) avec effet rétroactif à compter du 1er mai 2006, avec paiement des salaires correspondants et remise de bulletin de paie à compter de la même date, le tout sous astreinte, et condamné la Communauté de Communes à payer à Monsieur Christian X... la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral, outre les frais irrépétibles de l'instance du salarié et de la SA COVED ;


AUX MOTIFS QU'en relevant d'une part que le contrat qui avait été proposé à Christian X... n'était pas conforme aux prescriptions de la loi du 26 juillet 2005, d'autre part qu'aucun contrat de droit public n'avait été signé, en sorte que le salarié n'avait pas été placé dans un régime de droit public, et en jugeant la juridiction prud'homale compétente, les premiers juges ont fait une exacte analyse des éléments de la cause ;


ALORS QU'il appartient au seul juge administratif d'interpréter la portée d'un contrat administratif ; qu'il n'était pas contesté que le 24 novembre 2006, la COMMUNAUTE DE COMMUNES LA DOMITIENNE avait proposé à Monsieur Christian X... un contrat de droit public, qui, selon les termes du courrier en question, reprenait les clauses substantielles du contrat qui liait le salarié à la SA COVED, si bien qu'en se déclarant compétente pour interpréter la portée de ce contrat administratif, et juger qu'il n'aurait pas été «conforme aux prescriptions de la loi du 26 juillet 2005», la Cour d'Appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs, et la loi du 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III.

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