14 décembre 1999
Cour de cassation
Pourvoi n° 97-41.995

Chambre sociale

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

TRAVAIL REGLEMENTATION - droit d'expression des salariés - exercice - remise d'un document aux membres du comité de direction (non) - conditions - réunions collectives organisées sur les lieux et pendant le temps de travail - contrat de travail, execution - employeur - pouvoir de direction - etendue - libertés fondamentales - liberté d'expression - restrictions - limites - protection des droits de la personne - distinction

La remise par un salarié aux membres du comité de direction, auquel il appartenait, d'un document critiquant la nouvelle organisation mise en place par l'employeur n'entre pas dans le cadre du droit d'expression des salariés sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail prévu à l'article L. 461-1 du Code du travail, qui s'exerce seulement dans le cadre de réunions collectives organisées sur les lieux et pendant le temps de travail ; sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression ; il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; l'intéressé, chargé d'une mission administrative, comptable et financière de très haut niveau dans des circonstances difficiles pouvait être amené à formuler, dans le cadre de ses fonctions et du cercle restreint du comité directeur dont il était membre, des critiques, mêmes vives, concernant la nouvelle organisation proposée par la direction, dès lors que le document litigieux ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Texte de la décision

Sur le moyen unique :


Vu l'article L. 120-2 du Code du travail ;


Attendu que M. X..., directeur administratif et financier de la société Sanijura, a été licencié le 6 décembre 1994 ; qu'il lui était reproché d'avoir remis aux membres du comité de direction, auquel il appartenait, un document critiquant la nouvelle organisation mise en place par l'employeur et d'avoir ainsi manqué à son obligation de réserve ;


Attendu que pour décider que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué retient que le document diffusé par l'intéressé aux membres du comité directeur ne rentre pas dans le cadre du droit d'expression du salarié et constitue des critiques vives de l'organisation administrative, financière et comptable mise en place à la suite de la prise de contrôle de l'entreprise ; que la rédaction et la diffusion dudit document révèlent une grande détermination du salarié, qui avait la possibilité de retenir sa plume et de modérer ses ardeurs et que le contenu du document va au-delà du simple devoir d'expression critique d'un cadre dirigeant ;


Attendu, cependant que, si, à bon droit, la cour d'appel a jugé que l'acte reproché au salarié ne pouvait se rattacher au droit d'expression des salariés sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail prévu à l'article L. 461-1 du Code du travail, qui s'exerce seulement dans le cadre de réunions collectives organisées sur les lieux et pendant le temps de travail, elle a méconnu que, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, qu'il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ;


Qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'il résultait de ses constatations que l'intéressé était chargé d'une mission administrative, comptable et financière de très haut niveau dans des circonstances difficiles, de sorte qu'il pouvait être amené à formuler, dans l'exercice de ses fonctions, et du cercle restreint du comité directeur dont il était membre, des critiques, même vives, concernant la nouvelle organisation proposée par la direction, et alors que le document litigieux ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 7 mars 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.

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