6 janvier 1999
Cour de cassation
Pourvoi n° 98-82.615

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

COUR D'ASSISES - arrêts - arrêt incident - motifs - motifs mentionnant des réponses de dépositions - déposition d'un témoin - motifs ne préjugeant pas le fond - arrêt rejetant des conclusions aux fins de mesures d'instruction complémentaire - arrêt rendu après achèvement de l'instruction à l'audience - arrêt statuant sur des mesures d'instruction sollicitées par l'accusé - appréciation souveraine

Pour motiver un arrêt incident, répondant à une demande de donner acte, la Cour ne peut, sans violer les dispositions de l'article 379 du Code de procédure pénale, faire état de la déposition d'un témoin, dès lors que le contenu de ladite déposition n'est pas relatée au procès-verbal des débats et qu'elle est en relation avec la culpabilité de l'accusé. C'est, dès lors, à bon droit que la Cour se déclare incompétente pour donner acte à la défense du refus d'un témoin à charge de répondre à une question de l'avocat de l'accusé(1).

Texte de la décision

REJET du pourvoi formé par :

- X...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de l'Ille-et-Vilaine, en date du 23 mars 1998, qui l'a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en portant la période de sûreté à 30 ans, pour viols en récidive sur mineure de 15 ans accompagnés de tortures ou d'actes de barbarie et meurtre sur mineure de 15 ans précédé de viols et de tortures ou d'actes de barbarie, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils.



LA COUR,



Vu les mémoires produits en demande et en défense ;



Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 315 et 316 du Code de procédure pénale :



" en ce que la Cour s'est déclarée incompétente pour connaître de la demande de donner acte, à X..., de ce que le major Y..., témoin, avait refusé de répondre par l'affirmative ou par la négative à la question suivante : "Etes-vous intervenu d'une manière quelconque dans l'enquête sur le meurtre de Z... à Pleine-Fougères ?" ;



" aux motifs qu'il y a lieu de rappeler en droit qu'une demande de donné acte contentieux a pour objet de permettre notamment à la défense de faire constater par la Cour soit la méconnaissance d'un droit, soit la réalité d'un obstacle apporté à l'exercice d'une faculté légale, dont elle aurait été privée ; que la demande de donné acte présentée par la défense revient en réalité à solliciter, de la Cour, la mention au procès-verbal des débats d'une question posée par cette dernière et de la réponse lui ayant été alors apportée par un témoin acquis aux débats ; que l'exercice d'une telle prérogative relève du seul pouvoir personnel, exclusif et incommunicable que confère au président de la cour d'assises l'article 379 du Code de procédure pénale ; que la Cour ne peut dès lors que se déclarer incompétente pour connaître de la demande (cf. procès-verbal des débats p. 32 paragraphes 4 à 7) ;



" alors que, un incident devient contentieux, dès lors que les prétentions d'une partie sur une question de procédure se heurtent à une contestation des autres parties ; qu'en l'espèce, le ministère public et la partie civile s'étaient opposés à la demande de X..., lequel avait fait valoir, dans ses conclusions, que la réponse à la question posée était nécessaire à la manifestation de la vérité, et que le refus de répondre à cette question, qui équivalait à un refus de témoigner, constituait en outre une violation grave des droits de la défense et une atteinte au principe de l'oralité des débats ; qu'il s'agissait dès lors là d'un incident contentieux, de sorte qu'en se déclarant incompétente, la Cour a violé les textes susvisés ;



Attendu que, pour refuser de donner l'acte requis, la cour d'assises se prononce par les motifs reproduits au moyen ;



Attendu qu'en statuant ainsi, il a été fait l'exacte application de la loi, dès lors qu'une demande de donner acte ne peut aboutir à contourner la prohibition prévue à l'article 379 du Code de procédure pénale qui interdit, sauf ordre du président, de faire mention au procès-verbal du contenu des dispositions des témoins ;



D'où il suit que le moyen doit être écarté ;



Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 315 et 316 du Code de procédure pénale :



" en ce que statuant par arrêt sur incident contentieux, la Cour a rejeté la demande de supplément d'information présentée par X... (procès-verbal des débats p. 33, alinéa 4) ;



" alors que les arrêts de la Cour, statuant sur un incident contentieux, doivent être motivés à peine de nullité ; qu'en se bornant à affirmer au soutien de sa décision, sans en justifier et sans répondre aux conclusions dont elle était saisie, qu' "au vu de l'instruction orale à laquelle il a été procédé, la demande de supplément d'information présentée par la défense n'apparaît pas indispensable à la manifestation de la vérité", la Cour a privé sa décision de motifs " ;



Attendu qu'à l'audience du 19 mars 1998, soit 3 jours après le début du procès, la défense a déposé des conclusions demandant à la Cour d'ordonner un supplément d'information aux fins d'identification et d'audition de l'enfant aperçue en compagnie de la jeune victime le 21 juillet 1995 à 18 h 15 dans un magasin de la ville ;



Qu'après avoir sursis à statuer jusqu'à la fin des débats, la Cour, par arrêt incident, a rejeté cette demande, au motif qu'au vu de l'instruction orale à laquelle il avait été procédé, un supplément d'information n'apparaissait pas nécessaire à la manifestation de la vérité ;



Attendu qu'en l'état de cette appréciation souveraine, et alors qu'il ne résulte d'aucune mention du procès-verbal des débats que l'instruction à l'audience avait révélé des éléments nouveaux de nature à justifier la mesure sollicitée, la Cour, qui n'était pas tenue de suivre l'accusé dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;



D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;



Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;



REJETTE le pourvoi.

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