19 novembre 1991
Cour de cassation
Pourvoi n° 90-86.215

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

CASSATION - pourvoi - délai - point de départ - signification - signification de l'arrêt en mairie - jour de la signification - conditions - lettre recommandée - expédition sans délai - nécessité - chambre d'accusation - composition - président et conseillers - président - désignation par décret - régularité - présomption - arrêts - arrêt de refus d'informer - faits ne pouvant comporter une poursuite ou ne pouvant admettre aucune qualification pénale

A l'égard d'un arrêt de la chambre d'accusation prononçant un non-lieu, le délai de pourvoi court, envers la partie civile, en vertu des articles 217 et 568 du Code de procédure pénale, à compter de la signification. Selon l'article 558 du même Code, l'huissier doit informer l'intéressé, sans délai, par lettre recommandée, de la remise en mairie de l'exploit de signification qui lui est adressé. A défaut d'accomplissement de cette formalité dans le temps exigé, la signification n'est pas parfaite et ne fait pas courir le délai de pourvoi (1).

Texte de la décision

REJET du pourvoi formé par :

- X... Maurice, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble, en date du 14 septembre 1990, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction portant refus d'informer sur sa plainte avec constitution de partie civile contre la direction des services fiscaux de l'Isère, des chefs notamment de concussion et usure.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur la recevabilité du pourvoi :

Attendu que l'arrêt attaqué a été signifié à la partie civile, suivant exploit de Y..., huissier de justice, en date du 20 septembre 1990 ; que l'acte mentionne, en l'absence de personne susceptible de le recevoir à l'adresse du destinataire, sa remise en mairie, et l'envoi de la lettre recommandée avec avis de réception prévue par l'article 557 du Code de procédure pénale, " conformément à la loi " ;

Mais attendu qu'il ne résulte d'aucune mention de l'exploit, ni d'aucune pièce de la procédure que ladite lettre recommandée ait été expédiée sans délai à l'intéressé, ainsi que le prescrit l'alinéa 3 de l'article 558 dudit Code, et non l'article 557 ; qu'au contraire, l'enveloppe de lettre jointe à l'exploit porte la date d'expédition du 24 septembre 1990 ;

Qu'il s'ensuit que la signification ne peut être considérée comme parfaite, et que le délai de pourvoi résultant des dispositions combinées des articles 217 et 568 du Code de procédure pénale n'a pu commencer à courir contre la partie civile ;

Que, dès lors, le pourvoi déclaré le 27 septembre 1990, n'est pas tardif ;

Et vu l'article 575, alinéa 2. 1°, du Code de procédure pénale ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 191, 575. 6° et 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt mentionne que la chambre d'accusation était composée de M. Chanas, président de chambre d'accusation, Mme Manier et M. Armingaud, conseillers, tous deux désignés à ces fonctions par assemblée générale de la Cour en vertu de l'article 191 du Code de procédure pénale ;

" alors qu'aux termes de ce texte, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1987, le président de la chambre d'accusation est désigné par décret après avis du Conseil supérieur de la magistrature ; qu'en s'abstenant de préciser le mode de désignation du président de la chambre d'accusation, l'arrêt attaqué n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de la composition de cette juridiction " ;

Attendu que la mention du titre de président de la chambre d'accusation suffit à établir, en l'absence de toute contestation à l'audience, la régularité de la désignation de M. Chanas au regard des dispositions de l'article 191 du Code de procédure pénale ;

Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 174 du Code pénal, 6 de la loi du 28 décembre 1966, 8, 86, 575. 1°, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant refusé d'informer sur la plainte de la partie civile ;

" aux motifs que les seuls faits dénoncés qui ne fussent pas atteints par la prescription étaient relatifs au mémoire établi par le directeur des services fiscaux le 6 novembre 1989 ; que l'établissement d'un mémoire dans le cadre d'une procédure administrative constituait un acte habituel devant la juridiction administrative et n'était pas susceptible de recevoir une qualification pénale ; qu'ainsi, l'ordonnance déférée devait être confirmée en application de l'article 86, alinéa 3, du Code de procédure pénale ;

" alors que, d'une part, la chambre d'accusation ne peut fonder sa décision sur la prescription sans avoir donné toutes les précisions permettant à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle ; qu'en affirmant péremptoirement que les seuls faits non atteints par la prescription auraient été relatifs au dépôt d'un mémoire effectué le 6 novembre 1989 par l'administration fiscale devant la juridiction administrative, sans préciser les raisons pour lesquelles elle estimait que les autres faits dénoncés dans la plainte se seraient trouvés prescrits, la chambre d'accusation n'a pas mis la Cour régulatrice en mesure d'exercer son contrôle sur la réalité de la prescription qu'elle a déclarée acquise ;

" alors que, d'autre part, la chambre d'accusation a laissé sans réponse les conclusions du demandeur qui objectait que si le juge d'instruction avait consulté le dossier fiscal qui lui était présenté, il aurait constaté que, commencée en avril 1980, l'information fiscale n'avait jamais été interrompue pendant 10 ans et n'était toujours pas terminée, ce dont il résultait nécessairement que la prescription n'était point acquise au regard des faits reprochés à l'administration fiscale ;

" alors qu'enfin, le refus d'informer n'est justifié que lorsque les faits dénoncés sont insusceptibles de comporter une qualification pénale ; qu'au lieu de déclarer, par un motif abstrait et général, que l'établissement d'un mémoire devant la juridiction administrative était un acte habituel insusceptible de recevoir une qualification pénale, la chambre d'accusation se devait de rechercher si les éléments contenus dans le mémoire du 6 novembre 1989, auxquels le demandeur s'était concrètement référé, étaient de nature à recevoir une qualification pénale " ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction prononçant, sur les réquisitions du procureur de la République, un refus d'informer, la chambre d'accusation, après avoir analysé, à travers la plainte et le mémoire déposé devant elle, les faits dénoncés par la partie civile, relève qu'ils ont été accomplis en 1980 et 1985, et qu'ils ont trait au contentieux fiscal ; qu'elle énonce que les seuls faits qui ne soient pas atteints par la prescription sont relatifs au mémoire établi par le directeur des services fiscaux le 6 novembre 1989, en défense devant la cour administrative d'appel, et que l'établissement d'un mémoire devant la juridiction administrative constitue un acte procédural qui n'est pas susceptible de recevoir une qualification pénale ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui répondent aux articulations essentielles du mémoire de la partie civile, et qui caractérisent, pour certains des faits incriminés l'absence d'infraction pénale, et pour les autres l'extinction de l'action publique par la prescription, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.