19 novembre 1991
Cour de cassation
Pourvoi n° 91-81.095

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

TRAVAIL - repos hebdomadaire - infractions - concours d'infractions - peines - amendes - cumul - contraventions relevées dans des établissements distincts - non - domaine d'application - contraventions relevées dans des établissements distincts (non)

S'il résulte des dispositions des articles R. 260-2, alinéa 2, et R. 262-1 du Code du travail qu'en cas de poursuite unique pour une pluralité de contraventions, l'amende n'est appliquée autant de fois qu'il y a de nouvelles infractions qu'en cas de récidive légale, cette dérogation au principe du cumul des peines contraventionnelles n'est pas applicable lorsque les contraventions ont été relevées dans des établissements distincts (1).

Texte de la décision

REJET du pourvoi formé par :

- X... Robert,

contre l'arrêt n° 35 de la cour d'appel de Toulouse, 3e chambre, en date du 17 janvier 1991 qui, pour infractions à l'article L. 221-17 du Code du travail, l'a condamné à trois amendes de 2 500 francs.





LA COUR,





Vu les mémoires produits en demande et en défense ;



Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 221-17, L. 221-18, R. 262-1, R. 260-2 du Code du travail, violation de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 1988, violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :



" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 1988 ;



" aux motifs que l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne visant notamment l'article L. 221-17 du Code du travail et l'accord du 21 novembre 1988 intervenu entre la chambre patronale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de la Haute-Garonne et des organisations syndicales de la Haute-Garonne, édicte en son article 1er qu'à compter du 15 janvier 1989, les boulangeries-pâtisseries et dépôts de pain du département de la Haute-Garonne seront fermés au public un jour par semaine et, en son article 2, que le choix du jour de fermeture sera adressé avant le 15 avril 1989 à la préfecture de la Haute-Garonne pour les commerçants exerçant leur profession dans les communes de l'arrondissement de Toulouse ; que le jour de fermeture devant être choisi par le boulanger de manière définitive avant le 15 avril 1989, l'arrêté ne prévoit que des modalités d'application conformes à l'accord professionnel préalable, et non des dérogations à un jour de fermeture imposé de manière obligatoire pour tous les établissements visés ;



" alors que l'article L. 221-17 du Code du travail qui permet au préfet d'ordonner la fermeture au public des établissements d'une profession pendant la durée du repos hebdomadaire ne l'autorise pas à prévoir des dérogations aux fermetures qu'il prescrit ; qu'en l'espèce, est illégale comme portant atteinte à l'égalité que la loi a voulu maintenir entre les membres d'une même profession la disposition de l'article 2 de l'arrêté préfectoral qui rend possible de telles dérogations ; qu'en raison du caractère indivisible des dispositions dudit arrêt, celui-ci se trouve entaché d'illégalité dans sa totalité " ;



Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'il a été constaté en 1989 par l'inspecteur du Travail que les trois boulangeries, exploitées à Toulouse par Robert X..., restaient ouvertes tous les jours de la semaine malgré les dispositions d'un arrêté préfectoral prescrivant que les boulangeries de la Haute-Garonne seraient fermées au public un jour par semaine et que chaque commerçant concerné devrait informer l'Administration du jour de fermeture par lui choisi et le faire connaître au public par une affiche apposée sur la porte du magasin ;



Attendu que le prévenu ayant soutenu que le choix laissé aux commerçants équivalait à créer des dérogations au jour de fermeture et que l'arrêté était de ce fait illégal, l'arrêt attaqué énonce à bon droit qu'aucun jour déterminé de fermeture n'étant imposé, le choix donné aux commerçants constitue non une dérogation à un tel jour mais une simple modalité d'application ;



D'où il suit que le moyen doit être écarté ;



Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 221-17, L. 221-18, R. 262-1, R. 260-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :



" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de non-respect de l'obligation de repos hebdomadaire ;



" aux motifs qu'il résulte d'un premier procès-verbal établi le 16 août 1989 par un contrôleur du Travail du département de la Haute-Garonne que celui-ci a constaté le 4 juillet 1989 que la boulangerie-pâtisserie X..., située ..., était ouverte au public, le contrôle des horaires affichés et des repos hebdomadaires des salariés de cet établissement laissant apparaître que le magasin était ouvert au public tous les jours de la semaine ; qu'il résulte d'un deuxième procès-verbal établi le 13 novembre 1989 par un contrôleur du Travail que celui-ci a constaté, le 28 septembre 1989, que la boulangerie-pâtisserie X..., située ..., était ouverte au public, le contrôle des horaires affichés et des repos hebdomadaires des salariés du magasin laissant apparaître que celui-ci était ouvert au public tous les jours de la semaine ; qu'enfin il résulte d'un troisième procès-verbal établi le 13 novembre 1989 par un contrôleur du Travail que celui-ci a constaté, le 3 octobre 1989, que la boulangerie-pâtisserie X... située ..., était ouverte au public ; qu'à l'occasion de chacun de ces trois contrôles, il a été constaté que l'examen des horaires affichés et des repos hebdomadaires des salariés de chacune des boulangeries laissait apparaître que chaque magasin était ouvert au public tous les jours de la semaine ; que ces trois magasins sont exploités par la société X... dont le gérant est Robert X... ; que celui-ci a reconnu, par courrier du 13 novembre 1990, que tous les magasins de la société ouvraient 7 jours sur 7 ; qu'il résulte donc suffisamment de ces éléments que le prévenu n'a pas respecté les dispositions de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 1988 ; qu'en particulier, chacune des boulangeries contrôlées est restée ouverte les 6 jours consécutifs ayant précédé le jour où le contrôle a été effectué dans chacune d'entre elles ; que X... doit donc être déclaré coupable des trois contraventions qui lui sont reprochées ;



" alors qu'il incombe aux parties poursuivantes, ministère public et parties civiles, conformément aux principes généraux qui régissent la charge de la preuve, d'établir que l'infraction a été commise par le prévenu, et non à ce dernier de prouver son innocence ; qu'en l'espèce, les juges du fond qui n'ont pu relever l'existence d'aucun élément susceptible d'établir la culpabilité du prévenu ont renversé la charge de la preuve et méconnu la présomption d'innocence en déclarant un prévenu coupable au motif que, le jour où le procès-verbal, base des poursuites, a été établi, la boulangerie-pâtisserie était ouverte alors que le jour de fermeture était laissé au choix du boulanger, sans établir que celle-ci était ouverte tous les autres jours de la semaine, la seule circonstance de l'absence d'affichette sur la porte du magasin du jour de fermeture n'étant pas pénalement sanctionnée ; qu'ainsi, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision " ;



Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'infraction aux dispositions de l'article L. 221-17 du Code du travail, la juridiction du second degré ne s'est pas bornée à relever que les boulangeries exploitées par Robert X... étaient ouvertes le jour du contrôle de l'inspecteur du Travail ; qu'elle a également observé qu'il résultait des vérifications des horaires de travail affichés et des repos hebdomadaires accordés aux salariés, ainsi que des déclarations du prévenu, que ces boulangeries étaient ouvertes au public 7 jours sur 7 ;



Attendu qu'en l'état de ces constatations la cour d'appel, qui n'a ni renversé la charge de la preuve ni méconnu la présomption d'innocence, a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;



Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 122.-17, R. 260-2 et R. 262-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :



" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné le prévenu à trois peines d'amende de 2 500 francs par mois ;



" au seul motif que X... doit être déclaré coupable des trois contraventions qui lui sont reprochées ; que trois peines d'amende doivent être prononcées à l'encontre du prévenu, s'agissant de trois contraventions distinctes ;



" alors qu'en prévoyant, en cas de récidive seulement, le cumul des peines contraventionnelles et, en tout autre cas, le prononcé d'amendes correspondant au nombre des personnes employées, les dispositions de l'article R. 260-2 du Code du travail ont institué, en matière d'infractions à la réglementation sur le repos hebdomadaire, un système de répression spéciale qui déroge au droit commun et selon lequel, s'il n'y a pas récidive, le nombre d'amendes prononcées en cas de pluralité d'infractions ne peut excéder le nombre des personnes irrégulièrement employées " ;



Attendu qu'il est vainement fait grief à la cour d'appel d'avoir prononcé trois amendes ; qu'en effet, s'il résulte des articles R. 260-2, alinéa 2, et R. 262-1 du Code du travail qu'en cas de poursuite unique pour plusieurs infractions à l'article L. 221-17 dudit Code, l'amende ne peut être appliquée autant de fois qu'il est relevé de nouvelles infractions que si la pluralité des contraventions entraîne l'état de récidive, cette dérogation au principe du cumul des peines contraventionnelles n'est pas applicable lorsque les infractions ont été relevées, comme en l'espèce, dans des établissements distincts ;



Que dès lors le moyen ne peut être admis ;



Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;



REJETTE le pourvoi.

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