25 novembre 1991
Cour de cassation
Pourvoi n° 90-85.813

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

CHEQUE - action civile - emission de chèque sans provision - remboursement - action en paiement portée devant la juridiction commerciale - allocation de dommages - intérêts - emission sans provision - recevabilité - chèque

Justifie sa décision, au regard des dispositions de l'article 71, alinéa 1er, du décret-loi modifié de 30 octobre 1935, l'arrêt qui, après avoir condamné le prévenu, dirigeant d'une société, pour émission de chèques sans provision, refuse de rembourser à la victime du délit, partie civile, le montant desdits chèques et ne lui octroie que des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, en constatant que cette dernière a choisi d'agir en paiement de sa créance devant la juridiction commerciale, en la produisant dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire dont la société débitrice était l'objet (1).

Texte de la décision

REJET du pourvoi formé par :

- la société anonyme Comptoir électrique francais, dite CEF, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Pau, du 22 août 1990, qui, dans des poursuites exercées contre Jean-Luc X..., déclaré coupable d'émission de chèques sans provision, a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation proposé et pris de la violation des articles 71 du décret-loi du 30 octobre 1935, 2, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'indemniser totalement le préjudice subi par la partie civile ;

" aux motifs que les premiers juges ont considéré que le préjudice qu'ils avaient à réparer était distinct de celui de la créance déclarée et qu'il était d'ordre uniquement moral ; que selon l'article 71 du décret-loi du 30 octobre 1935, la partie civile est recevable à demander devant les juges de l'action publique une somme égale au montant du chèque et, si elle le préfère, elle peut agir en paiement de sa créance devant la juridiction ordinaire ; que les premiers juges ont constaté que la société CEF avait produit sa créance entre les mains du représentant des créanciers ; que cette démarche, qui aboutit à une décision judiciaire d'admission ou de rejet, conformément à la procédure prévue par la loi du 25 janvier 1985, constitue le recours ordinaire ; qu'en agissant ainsi, la partie civile s'est privée du droit de solliciter le paiement de sa créance devant le juge pénal ;

" alors que, d'une part, le préjudice directement causé par le délit d'émission de chèques sans provision est totalement distinct du préjudice résultant du défaut de paiement du chèque ; qu'aussi bien, l'action en réparation du préjudice causé par le délit d'émission de chèque sans provision ne se confond pas avec l'action en remboursement de la créance que la remise du chèque prétendait éteindre ; qu'en l'espèce, en s'abstenant de rechercher si le préjudice directement causé par l'infraction d'émission de chèques sans provision était établi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

" alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pu, sans contradiction, tenir pour constante l'émission par X... de chèques sans provision et débouter la partie civile de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette infraction " ;

Attendu qu'après avoir déclaré Jean-Luc X..., président de la société Intergest, coupable de l'émission en cette qualité de trois chèques sans provision à l'ordre de la société CEF, la cour d'appel, statuant sur l'action civile de cette dernière, énonce qu'elle a produit sa créance entre les mains du représentant des créanciers de la société Intergest en redressement judiciaire depuis le 10 mai 1989 ; que, par suite, conformément aux termes de l'article 71 du décret-loi modifié du 30 octobre 1935, la société CEF, ayant, pour le remboursement de sa créance, choisi la juridiction ordinaire, son action au pénal ne pouvait s'analyser qu'en une demande de réparation du préjudice moral que les agissements du prévenu lui avaient causé, et qu'à ce titre, 4 000 francs de dommages-intérêts paraissaient de nature à réparer l'intégralité de son préjudice ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, les juges ont fait l'exacte application de l'article 71, alinéa 1er, du décret-loi du 30 octobre 1935 modifié et ont exercé le pouvoir qui leur appartient d'apprécier souverainement l'indemnité propre à réparer le préjudice causé par l'infraction ;

Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

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