21 novembre 1991
Cour de cassation
Pourvoi n° 91-82.751

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE - assurances sociales - tiers responsable - recours de la victime - indemnité complémentaire - evaluation - prestations de sécurité sociale - déduction - partage de responsabilité - effet

La victime d'un accident de droit commun imputable à un tiers ne conserve le droit de demander la réparation de son préjudice que dans la mesure où ledit préjudice n'est pas réparé par les prestations sociales des tiers payeurs mentionnées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. Tel est le cas des frais de traitement médical et de rééducation pris en charge par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (1).

Texte de la décision

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-René,

- la compagnie d'assurances groupe Drouot, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, du 8 mars 1991, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... à payer à M. Y... la somme de 153 000 francs pour préjudice de droit commun ;

" aux motifs que la Cour possède les éléments d'appréciation suffisants pour fixer comme suit le préjudice soumis à recours subi par M. Y... :

"- frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation pris en charge par la DDASS : 169 154 Frs

"- ITT : 72 000 Frs

"- ITP à 50 % (3 mois) : 6 000 Frs

"- IPP à 30 % : 228 000 Frs

" Total : 475 154 Frs

" A déduire créance DDASS : 169 154 Frs

" Soit solde en faveur de la victime : 306 000 Frs dont X... sera tenu pour moitié, soit la somme de 153 000 francs et ce en raison du partage de responsabilité retenu ;

" alors, d'une part, qu'en vertu du partage de responsabilité définitif prononcé entre les parties, X... ne pouvait être condamné à prendre en charge que la moitié de la somme représentant le préjudice soumis à recours de M. Y..., c'est-à-dire la somme maximum de 237 577 francs (475 154 francs : 2) sur laquelle devait s'imputer en priorité celle de 169 154 francs représentant la créance de l'organisme social ; qu'il en résultait que le solde revenant à M. Y... ne pouvait dépasser la somme de 68 423 francs (237 577-169 154), que, dès lors, en accordant à M. Y... une somme complémentaire de 153 000 francs par application d'une méthode de calcul erronée, la cour d'appel a accordé à la victime une indemnisation supérieure au préjudice subi et condamné le prévenu au-delà de sa part de responsabilité ; qu'ainsi l'arrêt est entaché d'une violation des articles visés au moyen ;

" alors, d'autre part, que la Cour de Cassation disposant de tous les éléments de fait nécessaires pour corriger l'erreur commise par la cour d'appel, une cassation sans renvoi par voie de retranchement, pourra être prononcée en constatant que le maximum d'indemnité complémentaire revenant à M. Y... sur son préjudice soumis à recours est de 68 423 francs, le trop perçu devant être restitué " ;

Vu lesdits articles, ensemble l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 ;

Attendu que, si la responsabilité de l'auteur d'un accident est partagée avec la victime, celle-ci ne conserve le droit de demander la réparation de son préjudice, selon les règles du droit commun, que dans la mesure où ledit préjudice n'est pas réparé par les prestations des tiers payeurs mentionnées à l'article 29 susvisé ;

Attendu qu'appelée à se prononcer notamment sur le préjudice résultant de l'atteinte à l'intégrité physique d'Arthur Y..., victime d'un accident dont Jean-René X... a été déclaré responsable pour moitié, la juridiction du second degré, après avoir évalué ledit préjudice à 475 154 francs comprenant les frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation pris en charge par la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de l'Ille-et-Vilaine, impute sur cette somme celle de 169 154 francs représentant le montant des prestations de cet organisme ; que faisant ensuite application du partage de responsabilité, les juges condamnent Jean-René X... à payer à la victime, du chef précité, une indemnité complémentaire de 153 000 francs ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi alors qu'elle aurait dû, après avoir fixé l'importance de ce préjudice, faire immédiatement application du partage de responsabilité de manière à déterminer la part d'indemnité mise à la charge du tiers, à concurrence de laquelle la DDASS pouvait éventuellement exercer un recours en remboursement des frais de traitement médical qu'elle a versés, et ensuite seulement déduire de cette part d'indemnité les prestations sociales ayant contribué à la réparation du dommage, ce qui lui aurait permis de fixer l'indemnité complémentaire pouvant, le cas échéant, revenir à la partie civile, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 8 mars 1991, mais en ses seules dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à l'intégrité physique d'Arthur Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.

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