11 juillet 2013
Cour de cassation
Pourvoi n° 12-15.402

Deuxième chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2013:C201180

Titres et sommaires

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - article 14 - interdiction de discrimination - violation - défaut - cas - interdiction à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur d'exercer contre celui - ci une action en réparation conformément au droit commun - premier protocole additionnel - article 1er - protection de la propriété - réparation spécifique des préjudices causés à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur securite sociale, accident du travail - action de la victime ou de ses ayants droit contre l'employeur - droit commun de la responsabilité - domaine d'application - exclusion - portée

Les dispositions des articles L. 451-1, L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, qui interdisent à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur, d'exercer contre celui-ci une action en réparation conformément au droit commun et prévoient une réparation spécifique des préjudices causés, n'engendrent pas une discrimination prohibée par l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention, du seul fait que la victime ne peut obtenir une réparation intégrale de son préjudice

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 2012), que M. X..., salarié de la société Alupac aux droits de laquelle vient la société Plus pack (l'employeur), a été victime, le 6 mai 2003, d'un accident qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle ; qu'un jugement irrévocable a dit que cet accident était dû à la faute inexcusable de l'employeur, majoré au taux maximum la rente allouée à la victime et ordonné une expertise médicale ; que statuant après dépôt du rapport d'expertise, la cour d'appel a rejeté l'exception de non-conventionnalité et fixé le montant des sommes allouées à la victime en réparation de ses préjudices ;


Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen :


1°/ que l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme prévoit que toute personne physique a le droit à la protection de ses biens étant entendu qu'une action peut constituer un bien au sens de ladite convention ; qu'en l'espèce, M. X... avait été victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur ; que la cour d'appel a reconnu que les dispositions du code de la sécurité sociale régissant l'indemnisation des dommages d'une victime d'un accident du travail même lorsque celui-ci est dû à la faute inexcusable de son employeur dérogent au principe de l'exacte réparation du préjudice de sorte que ces victimes sont privées du droit à la protection de leurs biens ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande de M. X... tendant à obtenir la réparation intégrale de son préjudice en relation avec cet accident que la législation française est conforme à la Convention, la cour d'appel a violé l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme ;


2°/ que l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme pose le principe de non-discrimination ; que constitue une discrimination le traitement différent de personnes se trouvant dans des situations semblables sans justification légitime ; qu'en l'espèce, M. X... avait été victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur ; qu'en retenant, pour rejeter la demande tendant à obtenir la réparation intégrale du préjudice résultant de cet accident, que la législation française qui le prive de la faculté d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice est conforme à la Convention en l'absence de discrimination au regard de la situation des victimes d'autres dommages jugés et indemnisés dans leur cadre et selon les moyens financiers propres à chacun d'entre eux, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, et l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;


Mais attendu que les dispositions des articles L. 451-1, L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, qui interdisent à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur, d'exercer contre celui-ci une action en réparation conformément au droit commun et prévoient une réparation spécifique des préjudices causés, n'engendrent pas une discrimination prohibée par l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du Protocole additionnel n° 1, à la Convention, du seul fait que la victime ne peut obtenir une réparation intégrale de son préjudice ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne M. X... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X....


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir dire que les articles L 451.1, L 452.1, L 452.3 et L 452.5 du code de la sécurité sociale sont contraires à l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et à l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales et de l'avoir débouté de ses demandes tendant à la réparation intégrale du préjudice subi à l'occasion de l'accident du travail du 6 mai 2003.


Aux motifs qu'en application des décisions du Conseil Constitutionnel « sont conformes à la constitution:
* le principe de la réparation forfaitaire de la perte de salaire ou de l'incapacité, l'exclusion de certains préjudices, et l'impossibilité pour la victime ou ses ayants droit d'agir contre l'employeur en cas d'accident du travail non causé par une faute inexcusable commise par l'employeur (motif n° 16),
* le plafonnement de la majoration de l'indemnité destinée à compenser la perte de salaire résultant de l'incapacité en cas de faute inexcusable commise par l'employeur (motif n°17),
* que les dispositions de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale ne font pas obstacle à ce que la victime d'un accident du travail causé par une faute inexcusable commise par l'employeur, ou, en cas de décès, ses ayants droit, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale (motif n° 18) ;
Qu'il s'ensuit que n'ouvrent droit devant la juridiction des affaires de sécurité sociale à aucune autre action de la victime d'un accident du travail causé par une faute inexcusable commise par l'employeur les préjudices déjà réparés, même forfaitairement ou avec limitation; qu'il y a lieu de rappeler que les postes de préjudice suivants sont couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale:
- les dépenses de santé actuelles et futures (article L 431 -1-1 a et L 432-1 à L 432-4),
- les frais de déplacement (article L 442-8)
- les dépenses d'expertise technique (article L 442-8)
- les dépenses d'appareillage actuelles et futures (articles L431-1, l432-1 et L 432-5)
- les incapacités temporaire et permanente (L 431-1, L 43361, L 434-2 et L 434-15)
- les pertes de gains professionnels actuelles et futures (articles L 433-1 et L 434-2),
- l'assistance d'une tierce personne après la consolidation (article L 434-2) ;
Que l'extension de la mission ne peut en conséquence concerner ni les chefs de préjudice ci-dessus énumérés ni ceux déjà énoncés dans l'arrêt du 30 septembre 2010 (incidence professionnelle -article L452-3-, souffrances endurées -article L452-3-, préjudice esthétique temporaire et permanent -article L452-3-, préjudice d'agrément {dont le préjudice sexuel et d'établissement sont deux des aspects} -article L 452-3-) et ne peut dès lors porter que sur les chefs de préjudice complémentaires suivants:
* l'assistance d'une tierce personne avant la consolidation
*les frais d'adaptation éventuel de logement et/ou de véhicule,
*le préjudice universitaire et de formation,
*les préjudices permanents exceptionnels atypiques directement liés aux handicaps permanents;
qu'il ne peut être soutenu que, ce faisant, il est porté atteinte aux droits de la victime au motif que les articles L 451-1, L 452-1, L 452-3 et L 452-5 du code de la sécurité sociale seraient contraires aux principes définis par la CEDH et ne pourraient faire obstacle à l'application du principe de la réparation intégrale du préjudice subi sans perte ni profit, ce mécanisme d'indemnisation dérogeant au droit commun de la responsabilité ;
en effet ces articles s'inscrivent dans la logique juridique et économique d'un système spécifique qui est celui de la Sécurité Sociale, en ce inclus celui afférent aux accidents du travail causés par la faute inexcusable de l'employeur ;
en conséquence que la victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur ne peut pas demander réparation de la perte de ses revenus professionnels déjà indemnisée par le versement de la rente mais seulement celle résultant d'une perte ou d'une diminution avérées des possibilités de promotion professionnelle;
que le plafonnement de cette indemnité n'institue pas une restriction disproportionnée aux droits des victimes d'accident du travail; qu'il ne peut être argué que celles-ci "perdent" du fait d'un tel sinistre un droit à réparation intégrale nonobstant la circonstance qu'au régime dérogatoire du droit des accidents du travail s'ajoute la faute de l'employeur, cette dernière étant elle même appréciée tant dans son principe que dans ses conséquences au regard du régime spécifique des articles L 451-1, L 452-1, L 452-3 et L 452-5 du code de la sécurité sociale précités;
qu'il en découle que le régime d'indemnisation applicable, en droit français, à chaque victime, n'établit aucune discrimination au regard de la situation des victimes d'autres dommages jugés et indemnisés dans leur cadre et selon les moyens financiers propres à chacun d'entre eux ;
que le moyen tiré de la non conformité des dispositions du Code de la Sécurité Sociale régissant l'indemnisation des dommages dus à la faute inexcusable de l'employeur au droit communautaire est rejeté, et, partant, la demande d'expertise formulée sur cette base. »


ALORS, D'UNE PART, QUE l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme prévoit que toute personne physique a le droit à la protection de ses biens étant entendu qu'une action peut constituer un bien au sens de ladite convention ; qu'en l'espèce, Monsieur X... avait été victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur ; que la cour d'appel a reconnu que les dispositions du code de la sécurité sociale régissant l'indemnisation des dommages d'une victime d'un accident du travail même lorsque celui-ci est dû à la faute inexcusable de son employeur dérogent au principe de l'exacte réparation du préjudice de sorte que ces victimes sont privées du droit à la protection de leurs biens; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande de Monsieur X... tendant à obtenir la réparation intégrale de son préjudice en relation avec cet accident que la législation française est conforme à la convention, la cour d'appel a violé l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la convention européenne des droits de l'homme.


ALORS, D'AUTRE PART, QUE, l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme pose le principe de non-discrimination, que constitue une discrimination le traitement différent de personnes se trouvant dans des situations semblables sans justification légitime ; qu'en l'espèce, Monsieur X... avait été victime d'un accident du travail du à la faute inexcusable de son employeur ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de Monsieur X... tendant à obtenir la réparation intégrale du préjudice résultant de cet accident, que la législation française qui le prive de la faculté d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice est conforme à la convention en l'absence de discrimination au regard de la situation des victimes d'autres dommages jugés et indemnisés dans leur cadre et selon les moyens financiers propres à chacun d'entre eux, la cour d'appel a violé l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme, et l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

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