16 juin 2011
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-17.092

Deuxième chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2011:C201057

Titres et sommaires

FONDS DE GARANTIE - fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante - demande d'indemnisation - prescription - prescription décennale - délai - point de départ - détermination - computation - modalités - détermination fonds de garantie - dispositions transitoires - droit à indemnisation atteint par la prescription quadriennale - réouverture du droit à indemnisation - conditions - portée

Selon l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, la demande d'indemnisation d'une victime d'une maladie liée à une exposition à l'amiante adressée au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA), se prescrit par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, l'aggravation ou le décès. Il est tenu compte, dans la computation, du délai déjà écoulé depuis l'établissement du premier certificat médical, ce dernier étant réputé avoir été établi le 1er janvier 2004 lorsqu'il l'a été à une date antérieure. L'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 prévoit, au titre des dispositions transitoires, que pour bénéficier de la réouverture de son droit à indemnisation atteint par la prescription, la victime peut saisir à nouveau le FIVA à condition de se désister, le cas échéant, de son action en cours à l'encontre de la décision de rejet. Est en cours, au sens de ce texte, l'action non encore irrévocablement jugée, ce dont il résulte que le droit nouveau peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique, pris en sa première branche, et le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :


Vu les articles 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, et le décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 ;


Attendu, selon le second de ces textes, dans sa rédaction issue du troisième, que la demande d'indemnisation d'une victime d'une maladie liée à une exposition à l'amiante adressée au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA), se prescrit par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, l'aggravation ou le décès ; qu'il est tenu compte, dans la computation, du délai déjà écoulé depuis l'établissement du premier certificat médical, ce dernier étant réputé avoir été établi le 1er janvier 2004 lorsqu'il l'a été à une date antérieure ; que le troisième de ces textes prévoit, au titre des dispositions transitoires, que pour bénéficier de la réouverture de son droit à indemnisation atteint par la prescription, la victime peut saisir à nouveau le FIVA à condition de se désister, le cas échéant, de son action en cours à l'encontre de la décision de rejet ; qu'est en cours, au sens de ce texte, l'action non encore irrévocablement jugée, ce dont il résulte que le droit nouveau peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... est atteint d'une maladie liée à une exposition à l'amiante diagnostiquée le 16 mai 2002 prise en charge au titre de la législation professionnelle par décision de l'organisme social du 25 novembre 2002, le taux d'incapacité ayant été notifié le 14 novembre 2007 ; que M. X... a saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation le 13 mai 2008 ;


Attendu que pour déclarer cette demande prescrite, l'arrêt retient que le jour de la connaissance du lien entre la pathologie et l'exposition à l'amiante représente le point de départ de la prescription quadriennale, ce qui rejoint, tant dans l'esprit que dans la lettre, les dispositions concernant les maladies professionnelles qui énoncent que la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle, est assimilée à la date de l'accident ; qu'en l'espèce, le requérant a connu son diagnostic, ci-dessus précisé, le 16 mai 2002, date non contestée ; que, dans l'intérêt de la victime, le FIVA considère que le délai ne pouvait courir, dans la présente procédure, avant le 21 janvier 2003, date de mise en place de son barème indicatif ;


Que la cour d'appel ayant relevé que la maladie avait été diagnostiquée le 16 mai 2002, il en résulte qu'en application de la loi du 20 décembre 2010, le point de départ du délai de prescription de dix ans applicable est le 1er janvier 2004 ; qu'en conséquence, l'arrêt doit être annulé ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :


ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;


Condamne le FIVA aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du FIVA, le condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille onze.





MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour M. X...



Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré prescrite la demande adressée par M. René X... au FIVA tendant à l'indemnisation des préjudices liés à son exposition à l'amiante et ayant donné lieu au diagnostic de la présence de plaques pleurales,


AUX MOTIFS QUE le FIVA est "un établissement public national à caractère administratif doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière" selon l'article 53 II de la loi du 23 décembre 2000 ; que ce n'est que par dérogation au principe général de la séparation des autorités judiciaires et administratives que le législateur a institué une compétence d'attribution au profit de l'ordre judiciaire; que le FIVA rappelle la jurisprudence constante à la fois du Tribunal des Conflits et des juridictions de l'ordre judiciaire selon laquelle le fait que l'appréciation de la créance détenue sur une personne publique relève de la compétence du juge judiciaire, n'est pas de nature à écarter la prescription quadriennale ; qu'il est d'ailleurs à noter que le requérant, à la barre de la Cour, ne remet pas en cause ce principe ; qu'il est également à rappeler que la Cour de Cassation, par avis en date du 18 janvier 2010, a confirmé que les demandes d'indemnisation adressée au FIVA par les victimes d'une exposition à l'amiante sont soumises à la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 ; que le litige provient par contre de la détermination du point de départ de la prescription quadriennale ; que le requérant fait valoir que le fait générateur de la créance est la date de la consolidation de l'état du demandeur et que le point de départ de la prescription quadriennale est donc le 1er janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle le demandeur a eu connaissance de la consolidation de son état ; qu'en l'espèce la connaissance de la consolidation ne peut provenir que de la notification de son taux d'IPP, le 14 novembre 2007 ; qu'ainsi son action ne saurait être prescrite avant le 1er janvier 2012; que par contre le FIVA fait valoir la jurisprudence du Conseil d'Etat qui instaure le point de départ de la prescription à la date du fait générateur du dommage si ce dernier est aussitôt apparu, ou, dans la négative, à la date de la révélation dudit dommage ; que cette position a été renforcée par un arrêt du 11 juillet 2008 qui énonce que le point de départ est fixé à "la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine de ce dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes" ; qu'ainsi, le jour de la connaissance du lien entre la pathologie et l'exposition à l'amiante représente le point de départ de la prescription quadriennale; que cette position rejoint, tant dans l'esprit que dans la lettre, les dispositions concernant les maladies professionnelles qui énoncent que la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle, est assimilée à la date de l'accident ; qu'en l'espèce, le requérant a connu son diagnostic, ci-dessus précisé, le 16 mai 2002, date non contestée ; que pour être favorable à la victime, le FIVA considère que le délai ne pouvait courir, dans la présente procédure, avant le 21 janvier 2003, date de mise en place du barème indicatif du FIVA; qu'ainsi, c'est à juste titre que le FIVA a considéré que la prescription quadriennale devait courir à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les conséquences dommageables du fait générateur du dommage ont pu être appréciées dans toute leur étendue ; que ce délai était forclos le 31 décembre 2007 et l'action de René X... en date du 13 mai 2008, prescrite,


ALORS, D'UNE PART, QUE si la demande d'indemnisation adressée au Fonds est soumise à la prescription quadriennale prévue par l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, celle-ci ne peut commencer à courir tant que la consolidation du dommage n'a pas été constatée et qu'il ne peut s'agir du jour où la victime a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante ou de la date de mise en place du barème indicatif du FIVA ; qu'en statuant ainsi, cependant que M. X... n'avait été informé du taux d'IPP et donc de sa consolidation que le 14 novembre 2007 et que sa demande adressée au FIVA le 13 mai 2008 était donc recevable, la cour d'appel a violé les articles 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, ensemble l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et le décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001,


ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge est tenu de répondre aux moyens des parties ; qu'en omettant de répondre au moyen soulevé M. X... aux termes duquel pour être recevable l'opposition de la prescription quadriennale devait, s'agissant d'un établissement public administratif, préalablement avoir fait l'objet d'une décision spéciale de l'autorité administrative compétente en l'occurrence l'autorité ayant la qualité d'ordonnateur principal de la personne publique débitrice qui a la gestion des crédits sur lesquels la dépense est imputée et qu'en l'espèce cette autorisation ne résultait pas des éléments de la procédure, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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