3 décembre 2008
Cour de cassation
Pourvoi n° 07-19.348

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2008:C101211

Titres et sommaires

REGIMES MATRIMONIAUX - avantages matrimoniaux - définition - exclusion - cas - donation - partage consentie à des donataires mariés sous le régime légal avec stipulation expresse que les biens donnés doivent tomber dans la communauté de biens - critères - profits résultant directement du fonctionnement du régime matrimonial - portée divorce, separation de corps - effets - prononcé aux torts exclusifs - perte des avantages matrimoniaux - domaine d'application

Viole les articles 267, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et 1527 du code civil, la cour d'appel qui retient que constitue un avantage matrimonial la donation-partage consentie à des donataires mariés sous le régime légal avec stipulation expresse que les biens donnés doivent tomber dans la communauté de biens existant entre les donataires et leurs conjoints respectifs, alors qu'une telle opération ne constitue pas un avantage matrimonial susceptible de révocation, les avantages matrimoniaux qui résultent directement du fonctionnement du régime matrimonial étant constitués par les seuls profits que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle ou qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :






Attendu que M. X... et Mme Y... se sont mariés sans contrat préalable le 2 avril 1976 ; que, par donation-partage du 17 juin 1978, Mme Y... a reçu de ses parents un immeuble sis à Salmbach, " avec stipulation expresse que les biens donnés doivent tomber dans la communauté de biens existant entre les donataires et leurs conjoints respectifs, ce qui est accepté par les donataires " ; que le divorce des époux X...-Y... a été prononcé le 18 janvier 1999 aux torts exclusifs du mari ; que M. X... a fait assigner son ex-épouse afin de faire juger que l'immeuble litigieux constituait un bien commun faisant partie de la masse partageable ;


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :


Vu l'article 1134 du code civil ;


Attendu que pour débouter M. X... de sa demande, l'arrêt retient que Mme Jeannine Y... et ses deux soeurs étaient les seules bénéficiaires de la donation-partage effectuée par leurs parents et que c'est à tort que M. X... et le premier juge à sa suite ont cru devoir tirer de la stipulation selon laquelle " les biens donnés doivent tomber dans la communauté de biens existant entre les donataires et leurs conjoints respectifs ", la conséquence que M. et Mme Robert Y... ont étendu la donation-partage au conjoint de Mme Jeannine Y..., alors que celle-ci était réservée " aux trois enfants et seuls présomptifs héritiers chacun pour un tiers, donataires aux présentes pour même quotité " et que la stipulation faite au profit de la communauté entre époux était soumise à la seule acceptation de la donataire, soit en l'espèce de Mme Jeannine Y... ;


Qu'en statuant ainsi, alors que l'acte litigieux stipulait que les biens donnés devaient tomber dans la communauté de biens existant entre les donataires et leurs conjoints respectifs de sorte que ceux-ci étaient également bénéficiaires de la donation, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de donation-partage et violé le texte susvisé ;


Et sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :


Vu les articles 267 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et 1527 du même code ;


Attendu que les avantages matrimoniaux qui résultent directement du fonctionnement du régime matrimonial sont constitués par les seuls profits que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle ou qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes ;


Attendu que la cour d'appel a débouté M. X... de sa demande pour les motifs susénoncés ;


Qu'en statuant ainsi, alors que la donation-partage consentie à des donataires mariés sous le régime légal avec stipulation expresse que les biens donnés doivent tomber dans la communauté de biens existant entre les donataires et leurs conjoints respectifs, ne constitue pas un avantage matrimonial susceptible de révocation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen unique :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a infirmé le jugement qui avait dit que l'immeuble litigieux constituait un bien commun, l'arrêt rendu le 3 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;


Condamne Mme Y... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille huit.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt.


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour M. X....


Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de Monsieur X... tendant à ce qu'il soit jugé que l'immeuble de SALMBACH ayant fait l'objet d'une donation-partage le 17 juin 1978 était un bien commun faisant partie de la masse partageable à la suite du divorce des époux et tendant à ce que Madame Y... soit déclarée redevable d'une indemnité d'occupation pour avoir occupé ce bien à titre privatif ;


AUX MOTIFS QUE par l'acte de donation-partage du 17 juin 1978, Monsieur et Madame Robert Y... ont donné leur bien immobilier situé à SALMBACH, à savoir un terrain sur bâti de la maison d'habitation qu'ils occupaient avec les bâtiments accessoires, à leurs trois enfants communs, Jeannine, Marie-Madeleine et Annette Y..., désignée expressément comme donataires et copartageantes, chacune pour un tiers de la masse à partager ; qu'il a ainsi été attribué à Madame Jeanine Y... l'immeuble susvisé à charge pour celle-ci de verser à chacune de ses deux soeurs une soulte correspondant à leurs droits dans la masse à partager, soit un tiers de la valeur nette de l'immeuble donné en partage ; qu'il est précisé dans l'acte, sous le " titre II. Conventions " : " Les donateurs susnommés (Monsieur et Madame Robert Y...) font par ces présentes donation entre vifs à titre de partage anticipé, conformément aux dispositions des articles 1075 et suivants ainsi que de l'article 1438 du Code civil, à : Madame B..., née Y... Marie-Madeleine, Madame C..., née Y... Annette, Madame X..., née Y... Jeannine, leurs trois enfants et seuls présomptifs héritiers, chacun pour un tiers donataires aux présentes pour la même quotité, avec stipulation expresse que les biens donnés doivent tomber dans la communauté de biens existant entre les donataires et leurs conjoints respectifs, ce qui est accepté par lesdits donataires … " ; qu'il se déduit sans équivoque de ces stipulations que Madame Jeannine Y... et ses deux soeurs sont les seules bénéficiaires de la donation-partage effectuée par leurs parents ; que c'est à tort que Monsieur X... et le premier juge à sa suite ont cru devoir tirer de la stipulation selon laquelle " les biens donnés doivent tomber dans la communauté de biens existant entre les donataires et leurs conjoints respectifs ", la conséquence que Monsieur et Madame Robert Y... ont étendu la donation-partage au conjoint de la défenderesse, alors que celle-ci était réservée " aux trois enfants et seuls présomptifs héritiers chacun pour un tiers, donataires aux présentes pour même quotité ", et que la stipulation faite au profit de la communauté entre époux était soumis à la seule acceptation de la donataire, soit en l'espèce de Madame Jeannine Y... ; que dès lors, il ne peut être soutenu que l'immeuble en litige a été donné par Monsieur et Madame Robert Y... aux parties conjointement, donc à la communauté existant entre les époux X..., alors que ce bien a été partagé entre leurs seuls enfants, ceux-ci, dont Madame Jeannine Y..., acceptant ensuite d'attribuer leurs parts respectives à la communauté constituée avec chacun de leurs époux ; que cette attribution constitue bien en conséquence un avantage matrimonial au sens de l'article 267 ancien du Code civil applicable au litige, procuré par le conjoint et non par un tiers ; qu'aux termes de cet article, alinéa premier : " quand le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux, celui-ci perd de plein droit toutes les donations et tous les avantages matrimoniaux que son conjoint lui avait consentis, soit lors du mariage, soit après " ; qu'i est constant que par jugement définitif prononcé le 18 janvier 1999, le Tribunal de grande instance de STRASBOURG, le divorce de Monsieur Robert X... et de Madame Jeannine Y... a été prononcé aux torts exclusifs de Monsieur X..., celui-ci perdant dès lors de plein droit l'avantage consenti en cours du mariage par son épouse, seule bénéficiaire de la donation-partage du 17 juin 1978 ; que l'immeuble occupé par Madame Y... constituant un bien propre exclu de la masse partageable en conséquence de l'application de l'article 267 du Code civil susvisé, la demande de Monsieur X... tendant à dire que l'indivision a droit à une indemnité d'occupation pour la jouissance privative de la maison ne peut donc prospérer ;


ALORS, D'UNE PART, QUE l'acte de donation-partage consenti le 17 juin 1978 par Monsieur et Madame Y... au profit de leurs filles et de leurs conjoints, et notamment de Monsieur Robert X... et de Madame Jeannine Y..., stipule (p. 6) que " les biens donnés doivent tomber dans la communauté de biens existant entre les donataires et leurs conjoints respectifs " et que la donation doit être acceptée " pour le compte de la communauté de biens existant entre les donataires et leurs conjoints respectifs " ; qu'en affirmant dès lors que Madame Jeannine Y... et ses deux soeurs étaient " les seules bénéficiaires de la donation-partage effectuées par leurs parents " (arrêt attaqué, p. 5 in fine), cependant que les conjoints des enfants Y... étaient également désignés dans l'acte en qualité de " donataires " et que les biens faisant l'objet de la donation étaient expressément destinés à accroitre la communauté conjugale, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte du 17 juin 1978 et a violé l'article 1134 du Code civil ;


ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'avantage matrimonial est constitué par l'enrichissement que le seul fonctionnement du régime matrimonial procure à un époux par rapport à son conjoint ; qu'en estimant que la donation-partage du 17 juin 1978 constituait un avantage matrimonial, sans expliquer en quoi l'enrichissement de la communauté conjugale avait été favorisé par le fonctionnement du régime matrimonial adopté par les deux époux, cet enrichissement étant en réalité le résultat de la volonté des parents de Madame Y..., donateurs, la cour d'appel n'a caractérisé aucun des éléments permettant de retenir l'existence d'un avantage matrimonial et n'a donc pas légalement justifié sa décision au regard des articles 267 et 1527 du Code civil, dans leur rédaction applicable en l'espèce ;


ALORS, ENFIN, QU'en affirmant que le bien litigieux avait été donné dans un premier temps à Madame Jeannine Y..., puis que celle-ci avait accepté d'attribuer ce bien à la communauté constituée avec son époux, ce dont résultait l'existence d'un avantage matrimonial (cf. arrêt attaqué, p. 6 § 1), cependant que l'acte de donation-partage du 17 juin 1978 indique clairement (p. 6) que l'intégration du bien donné à la communauté conjugale est une condition de la donation, de sorte qu'en acceptant la donation, les donataires ont reçu le bien immédiatement pour le compte de la communauté, la cour d'appel a dénaturé l'acte du 17 juin 1978, violant ainsi l'article 1134 du Code civil.

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