31 janvier 2006
Cour de cassation
Pourvoi n° 02-21.121

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2006:C100139

Titres et sommaires

REGIMES MATRIMONIAUX - immutabilité des conventions matrimoniales - atteinte - cas - convention modifiant la répartition entre les biens propres et les biens communs sans intervention judiciaire - communaute entre epoux - actif - composition - biens acquis au cours du mariage - définition - portée communaute entre epoux - nature - modification - portée regimes matrimoniaux - avantages matrimoniaux - exclusion - bien financé par des deniers communs conventionnellement requalifié de propre par les époux preuve par presomptions - présomptions légales - communauté entre époux - meuble ou immeuble acquêt de la communauté - critères - profits résultant directement du fonctionnement du régime matrimonial - portée - donation d'usufruit consentie entre époux divorce, separation de corps - effets - prononcé aux torts exclusifs - perte des avantages matrimoniaux - domaine d'application - donations d'usufruit consenties entre époux donation - donation entre époux - donation faite pendant le mariage - portée donation - révocation

La convention qui altère l'économie du régime matrimonial de la communauté de biens réduite aux acquêts en modifiant, sans intervention judiciaire, la répartition entre les biens propres et les biens communs telle qu'elle résulte des dispositions légales, est prohibée Par suite, encourt la cassation l'arrêt qui, pour retenir qu'un studio est un bien propre de l'épouse, énonce qu'il résulte d'une clause de remploi figurant à l'acte d'achat de cet immeuble que bien que l'acquisition soit intégralement financée par des deniers communs et aurait dû constituer, en application de l'article 1401 du code civil, un acquêt de communauté, l'achat était effectué au nom propre de l'épouse, ce dont il s'induit que le mari a voulu lui accorder un avantage matrimonial

Texte de la décision

Attendu que les époux X... se sont mariés le 22 décembre 1956 sous le régime conventionnel de la communauté de biens réduite aux acquêts ; que, le 25 février 1976, Mme Y... a acquis un studio à Abbeville avec stipulation par M. Z... d'une clause de remploi de laquelle il résulte que le bien acquis appartient en propre à son épouse ; que, par divers actes notariés, les époux Z... ont fait donation à leur fils de la nue-propriété de divers immeubles avec réserve à leur profit et au profit du survivant de l'usufruit des biens donnés ; qu'un jugement du 13 novembre 1991 a prononcé leur divorce aux torts exclusifs du mari ;


Sur le premier moyen, pris en sa première branche :


Vu les articles 1396, alinéa 3, et 1401 du Code civil ;


Attendu qu'est prohibée la convention qui altère l'économie du régime matrimonial de la communauté de biens réduite aux acquêts en ce qu'elle modifie, sans intervention judiciaire, la répartition entre les biens propres et les biens communs telle qu'elle résulte des dispositions légales ;


Attendu que pour retenir que le studio d'Abbeville était un bien propre de Mme Y..., l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte de la clause de remploi, bien que l'acquisition soit intégralement financée par des deniers communs et que le bien concerné aurait dû constituer, en application de l'article 1401 du Code civil, un acquêt de communauté, que l'achat avait été effectué au nom propre de l'épouse, ce dont il s'induit que le mari avait voulu lui accorder un avantage matrimonial ;


Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


Et sur le second moyen :


Vu les articles 267, alinéa 2, 1096 et 1527 du Code civil dans leur rédaction alors applicable ;


Attendu que les avantages matrimoniaux qui résultent directement du fonctionnement du régime matrimonial sont constitués par les seuls profits que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle ou qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes ;


Attendu qu'après avoir relevé que M. Z... entendait révoquer les donations d'usufruit par lui consenties à Mme Y..., l'arrêt énonce qu'une telle clause n'a pas pour effet de réaliser une donation entre époux soumise aux dispositions de l'article 1096 du Code civil, mais constitue un simple avantage matrimonial au profit du survivant des époux, de sorte que le divorce ayant été prononcé aux torts exclusifs du mari, Mme Y... bénéficie des dispositions de l'article 267, alinéa 2, du Code civil, tandis que M. Z... perd de plein droit, en vertu de l'alinéa 1er de ce texte, l'avantage matrimonial résultant pour lui de la clause litigieuse insérée à chacun des actes de donation ;


Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les donations d'usufruit consenties entre les époux, qui sont indépendantes du fonctionnement du régime matrimonial, ne peuvent être assimilées à des avantages matrimoniaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé, d'abord, que le studio d'Abbeville était un bien propre de Mme Y... et a, en conséquence, d'une part, condamné M. Z... à payer à Mme Y... une indemnité d'occupation globale de 5 183,27 euros pour la période courant du 29 mai 1990 au 31 mars 1993 et une indemnité mensuelle d'occupation de 259,16 euros à compter du 1er août 1997 jusqu'à la restitution des clés et, d'autre part, exclu toute récompense due par la communauté à M. Z... au titre des dépenses exposées par ce dernier pour l'immeuble, ensuite, en ce qu'il a dit que les libéralités consenties entre les époux aux termes des actes de donation à M. François Z... des 27 février 1976, 7 avril 1988 et 17 février et 3 mars 1989, constituaient des avantages matrimoniaux et, en conséquence, dit que M. Z... ne pouvait révoquer ceux qu'il avait consentis à Mme Y... tandis qu'il perdait de plein droit ceux qui lui avaient été consentis, l'arrêt rendu le 11 juin 2002, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;


Condamne Mme Y... aux dépens ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille six.

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