19 janvier 2000
Cour de cassation
Pourvoi n° 98-13.773

Troisième chambre civile

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

BAIL COMMERCIAL - procédure - prescription - prescription biennale - suspension - impossibilité d'agir - action en paiement de l'indemnité d'occupation due jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction - action en désignation d'expert (non) - indemnité d'occupation - action du bailleur en paiement - action en désignation d'expert: - prescription civile - interruption - acte interruptif - action en justice - etendue de l'interruption - demande en paiement d'une indemnité d'éviction - demande en fixation d'une indemnité d'occupation - demandes ayant des objets différents

Une mesure d'instruction tendant à recueillir les éléments d'évaluation d'une indemnité d'occupation ne place pas le bailleur dans l'impossibilité juridique ou matérielle d'introduire une demande en fixation d'une telle indemnité et ne suspend donc pas la prescription de l'action ouverte de ce chef.

Texte de la décision

Sur le moyen unique :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 1998), que la société civile immobilière (SCI) Victoire 14, bailleresse de locaux à usage commercial, a, le 16 juillet 1991, rétracté l'offre de renouvellement contenue dans le congé qu'elle avait donné à la société Island, preneuse, pour le 30 juin 1990 ; que, le 13 septembre 1991, elle a fait désigner en référé un expert ayant mission de réunir les éléments d'appréciation de l'indemnité d'éviction ; que la même ordonnance a chargé l'expert commis de rechercher les faits devant permettre de fixer l'indemnité d'occupation ; que, le 29 juin 1992, le rapport d'expertise déposé, la société Island a assigné la SCI Victoire 14 en fixation de l'indemnité d'éviction ; que la SCI Victoire 14 a conclu le 20 mai 1994, dans la procédure, à la fixation de l'indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 1990 ; que, mise en redressement judiciaire, ses actifs immobiliers ont été repris, en vertu d'un plan de cession du 23 juillet 1996, par la société Groupement fournisseurs associés au développement (société GFAD) ;



Attendu que la société GFAD et M. X..., ès qualités d'administrateur de la SCI Victoire 14, font grief à l'arrêt de déclarer prescrite la demande en fixation de l'indemnité d'occupation, alors, selon le moyen, 1° qu'une assignation doit contenir, à peine de nullité, l'indication de l'objet de la demande avec l'exposé des moyens et des pièces propres à la fonder ; qu'en l'espèce, eu égard à la mission de l'expert désigné par l'ordonnance du juge des référés du 13 septembre 1991, la SCI Victoire 14 était dans l'impossibilité matérielle, sauf à introduire une assignation conservatoire dont le seul objet aurait été d'interrompre le délai de prescription biennale, de régulariser au fond une demande en fixation de l'indemnité d'occupation avant le dépôt du rapport de l'expert, intervenu le 27 décembre 1993, fournissant les éléments permettant de déterminer le montant de cette indemnité et de fonder sa demande ; qu'en fixant néammoins l'expiration du délai de prescription au 13 septembre 1993, la cour d'appel a violé les articles 2244 du Code civil et 56 du nouveau Code de procédure civile, ensemble, l'article 33 du décret du 30 septembre 1953 ; 2° que la société GFAD et M. X..., ès qualités, faisaient valoir dans leurs conclusions que l'impossibilité à agir de la SCI Victoire 14 résultait de l'attitude dilatoire adoptée par la société Island dans le cadre des opérations d'expertise, de sorte que l'expert, qui devait initialement déposer son rapport le 15 février 1992, avait dû solliciter des prorogations de délai ayant empêché la SCI Victoire 14 de régulariser sa demande en fixation de l'indemnité d'occupation avant le 13 septembre 1993 ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire de nature à établir que l'absence des agissements de la société Island aurait, en toute hypothèse, permis à la SCI Victoire 14 de former sa demande en temps utile, et que le délai de prescription devait être considéré comme suspendu jusqu'au jour du dépôt du rapport intervenu le 27 décembre 1993, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 3° que l'interruption de la prescription de l'action principale entraîne l'interruption de la prescription de l'action qui, ayant un objet distinct, tend néammoins au même but, de telle sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, la demande en fixation de l'indemnité d'éviction introduite par la société Island le 19 juin 1992 sur le fondement de l'article 20 du décret du 30 septembre 1953 tendait nécessairement au même but que la demande en fixation de l'indemnité d'occupation, à savoir la liquidation des obligations financières résultant du contrat de bail à la suite de la signification du congé avec refus de renouvellement ; qu'en décidant néammoins que l'interruption de la prescription de l'action en fixation de l'indemnité d'éviction n'avait pas entraîné l'interruption de la prescription de l'action en fixation de l'indemnité d'occupation, la cour d'appel a violé les articles 2244 du Code civil et 33 du décret du 30 septembre 1953 ;





Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses énonciations rendaient inopérantes, a relevé à bon droit que la mesure d'instruction ordonnée en référé n'avait nullement placé la SCI Victoire 14 dans l'impossibilité matérielle ou juridique d'introduire une demande en fixation d'indemnité d'occupation, déterminée en son objet et donc conforme à l'article 56 du nouveau Code de procédure civile ; qu'elle en a justement déduit que cette société ne pouvait se prévaloir de la suspension de la prescription de l'action qui lui était ouverte de ce chef ;



Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient exactement que, les actions en fixation des indemnités d'éviction et d'occupation étant distinctes par leur objet et par leur cause, la mise en oeuvre de l'une n'a pas pour effet d'interrompre le cours de la prescription de l'autre ;



D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;



PAR CES MOTIFS :



REJETTE le pourvoi.

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