4 mars 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-15.695

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C200183

Titres et sommaires

PROCEDURE CIVILE - Procédure de la mise en état - Conseiller de la mise en état - Ordonnance du conseiller de la mise en état - Voies de recours - Déféré - Pouvoirs - Etendue - Détermination - Portée

Si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l'occasion du déféré pour contester l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel, statuant sur déféré, ne peut connaître de prétentions qui n'ont pas été soumises au conseiller de la mise en état

COURS ET TRIBUNAUX - Cour d'appel - Ordonnance déférée à la cour d'appel - Pouvoirs - Etendue - Détermination - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mars 2021




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 183 FS-P

Pourvoi n° C 19-15.695




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

La société Provence golf prestige, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 19-15.695 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à M. W... X..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Provence golf prestige, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 janvier 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Durin-Karsenty, Maunand, conseillers, M. de Leiris, Mmes Lemoine, Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 avril 2019), la société Provence golf prestige a interjeté appel, le 15 décembre 2017, d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à M. X....

2. La société Provence golf prestige a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant dit caduque la déclaration d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La société Provence golf prestige fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes aux fins d'irrecevabilité de la constitution de l'intimé et dire la déclaration d'appel caduque, alors « qu'en tout état de cause, l'appelant peut faire valoir, pour la première fois devant la cour d'appel saisie sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état prononçant l'irrecevabilité de son appel, tout moyen de défense pour contester le bien-fondé de cette irrecevabilité ; qu'en énonçant, pour dire l'appel de la société Provence golf prestige caduc, que le moyen invoqué par elle, tiré de ce qu'il disposait d'un délai de quatre mois pour notifier ses conclusions à l'intimé puisque le conseil de l'intimé ne lui avait pas régulièrement notifié sa constitution, était irrecevable comme n'ayant pas été soumis au conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé les articles 914 et 916 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l'occasion du déféré pour contester l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel, statuant sur déféré, ne peut connaître de prétentions qui n'ont pas été soumises au conseiller de la mise en état.

6. Ayant retenu que l'appelante ne s'était pas prévalue devant le conseiller de la mise en état de l'irrégularité de la notification à son égard de la constitution de l'intimé et des conclusions d'incident et de déféré de celui-ci, laquelle constituait un incident qui devait être préalablement soumis au conseiller de la mise en état en application de l'article 914 du code de procédure civile, c'est à bon droit que la cour d'appel a déclaré irrecevables les demandes de la société Provence golf prestige.

7. Le moyen est, dès lors, non fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne la société Provence golf prestige aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé le quatre mars deux mille vingt et un, par mise à disposition au greffe de la Cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par le président et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire empêché, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Provence golf prestige

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, D'AVOIR déclaré irrecevable les demandes de la société Provence Golf Prestige aux fins d'irrecevabilité de la constitution de l'intimé et dit la déclaration d'appel caduque ;

AUX MOTIFS QUE « l'intérêt d'une bonne justice commande d'ordonner la jonction des dossiers enrôlés sous les numéros 18/13759 et 18/13754 du répertoire général. En application de l'article 916 alinéa 2 du code de procédure civile, les ordonnances du conseiller de la mise en état peuvent être déférées à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance. Le déféré formé le 14 août 2018 à l'encontre de l'ordonnance du 1er août 2018 est en conséquence recevable. La requête en déféré est un acte de procédure qui s'inscrit dans le déroulement de la procédure devant le conseiller de la mise en état et ne peut être assimilée à un recours à un deuxième degré de juridiction au sens de 543 du code de procédure civile. Il s'ensuit que, saisie dans le cadre d'un déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel ne peut statuer que sur les questions qui ont été soumises à ce magistrat. En l'espèce, si devant le conseiller de la mise en état, l'EURL golf Provence Prestige a soulevé l'irrecevabilité de la demande aux fins de caducité et répondu sur la caducité soulevée par l'intimé, elle n'a pas invoqué l'irrecevabilité de cette demande tenant à l'irrégularité de la notification à son égard de la constitution de l'intimé et de ses conclusions d'incident et de déféré. Ces demandes seront déclarées irrecevables comme n'ayant pas été soumises au conseiller de la mise en état. L'EURL Provence golf Prestige critique l'ordonnance déférée en ce qu'elle n'a pas accueilli sa demande aux fins de voir dire l'intimé irrecevable en son incident de caducité alors qu'elle avait conclu au fond le 4 avril 2018 avant de saisir le conseiller de la mise en état de cet incident le 9 avril 2018. Cependant, ce magistrat a relevé à bon escient que l'incident soulevé, tiré du non-respect du délai imposé par l'article 908 du code de procédure civile, ne s'analyse pas en un incident de procédure, qui doit être soulevé in limine litis, de sorte que cette irrecevabilité ne peut prospérer. Selon l'article 908 du code de procédure civile, étant observé que la simple erreur matérielle dans les conclusions initiales quant à la numérotation de cet article, au demeurant réparée depuis, est sans incidence sur le bien-fondé de l'incident, l'appelant doit à peine de caducité de la déclaration d'appel remettre ses conclusions au greffe dans le délai de trois à compter de ladite déclaration. L'article 911 lui fait obligation, sous la même sanction, dans le même délai de notifier ces mêmes conclusions aux avocats constitués des intimés lorsque ceux-ci y ont procédé. En l'espèce, il est constant que l'EURL Provence golf Prestige a remis ses conclusions au greffe par voie électronique le 14 mars 2018, soit dans le délai de trois mois qui expirait le jeudi 15 mars 2018. Cependant, elle ne justifie pas avoir notifié ses conclusions à l'intimé avant cette date. Alors qu'elle savait que l'avocat constitué pour l'intimé, identique à celui étant intervenu en première instance, était extérieur au ressort de la cour (pièces 2 et 3) devant laquelle en matière prud'homale la postulation n'est pas obligatoire, elle ne pouvait ignorer qu'il n'était pas possible de procéder à la notification simultanée par voie électronique des conclusions d'appelant à ce dernier. La cour observe d'ailleurs que le message d'envoi des conclusions de l'appelant à la cour ne portent aucun nom après la mention "copie à". Ce n'est qu'après avoir reçu un message de son confrère l'alertant de l'absence de notification de ses conclusions, que l'avocat de l'appelante a notifié à Me R..., ses premières conclusions par lettre recommandée datée du 19 mars 2018, portant le tampon de la poste du 20 mars 2018, soit postérieurement au délai de trois mois susvisé. En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a déclaré caduque la déclaration d'appel. L'EURL Provence golf Prestige supportera les dépens d'appel et de déféré et sera condamnée à payer à M. W... X... la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « L'article 908 du code de procédure civile dispose que : « A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe ». Il sera tout d'abord relevé que l'appelante a respecté les dispositions de ce texte dès lors qu'elle a bien communiqué ses conclusions au greffe de la cour par message RPVA du 14 mars 2018, c'est-à-dire dans le délai de trois mois à compter de l'appel interjeté le 15 décembre 2017. L'article 911 du même code précise que : « Sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat. La notification de conclusions au sens de l'article 910-1 faite à une partie dans le délai prévu aux articles 905-2 et 908 à 910 ainsi qu'à l'alinéa premier du présent article constitue le point de départ du délai dont cette partie dispose pour remettre ses conclusions au greffe. L'intimé n'est plus recevable à soulever une exception de nullité de la signification des conclusions de l'appelant dès lors qu'il a préalablement fait valoir sa défense au fond ». En l'espèce, l'intimé sollicite la caducité de la déclaration d'appel faute pour l'appelante de lui avoir notifié ses conclusions dans les trois mois de son appel. L'appelante soutient que l'intimé est irrecevable à solliciter la caducité de la déclaration d'appel dès lors qu'elle a conclu au fond avant même de soulever l'incident. Le conseiller de la mise en état retient que si, comme l'expose justement l'appelante, en application des articles 74 et 112 du code de procédure civile une exception de nullité de la signification des conclusions de l'appelante ne saurait être reçue alors que l'intimé avait, préalablement à l'introduction de l'incident, fait valoir sa défense au fond, en l'espèce le débat ne porte pas sur une exception de procédure mais sur une fin de non-recevoir dont la temporalité se trouve réglée par les dispositions de l'article 914 du code de procédure civile qui dispose que : « Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à prononcer la caducité de l'appel ; déclarer l'appel irrecevable et trancher à celle occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été, déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ; déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1 Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant ta cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci. Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur ta caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal ». En effet, l'intimé ne critique pas la signification des conclusions de l'appelante mais fait uniquement valoir que cette signification est tardive pour avoir été réalisée par lettre recommandée du 19 mars 2018, soit postérieurement au délai de trois mois de l'article précité. En conséquence, l'intimé est recevable à soulever la fin de non-recevoir tirée de la caducité de l'appel que de toute manière le conseiller de la mise en état aurait eu sinon l'obligation de relever d'office. L'avocat de l'appelante qui accède au RPVA de la cour devant laquelle il a interjeté appel doit notifier ses conclusions à l'avocat de l'intimé dans le délai de leur remise au greffe même si ce dernier est inscrit à un barreau extérieur, il procède alors notamment par lettre recommandée. Tel n'a pas été le cas en l'espèce et dès lors la déclaration d'appel est caduque. »

1°/ ALORS QUE pour dire l'appel de la société Provence Golf Prestige caduc, la cour d'appel a énoncé que le moyen invoqué par elle, tiré de ce qu'elle disposait d'un délai de quatre mois pour notifier ses conclusions à l'intimé puisque le conseil de l'intimé ne lui avait pas régulièrement notifié sa constitution, était irrecevable comme n'ayant pas été soumis au conseiller de la mise en état ; qu'en se déterminant ainsi, bien que la société Provence Golf Prestige ait soulevé, devant lui, la question des conditions de communication entre avocat de sorte que celle relative à l'irrégularité de la notification de la constitution de l'avocat du défendeur était en discussion devant ce magistrat, la cour d'appel qui a méconnu les termes du litige a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ ET ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; que la demande tendant à voir juger que l'intimée n'avait pas régulièrement communiqué à la société Golf Provence Prestige sa constitution ce dont il résultait que cette dernière disposait d'un délai d'un mois supplémentaire pour notifier ses conclusions à l'intimé tendait aux mêmes fins que celle soumise au conseiller de la mise en état visant à ce que l'incident formulé par l'intimé soit rejeté ; qu'en déclarant cependant la première demande irrecevable comme non soumise au conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile ;

3°/ ET ALORS QUE, en tout état de cause, l'appelant peut faire valoir, pour la première fois devant la cour d'appel saisie sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état prononçant l'irrecevabilité de son appel, tout moyen de défense pour contester le bien-fondé de cette irrecevabilité ; qu'en énonçant, pour dire l'appel de la société Provence Golf Prestige caduc, que le moyen invoqué par elle, tiré de ce qu'il disposait d'un délai de quatre mois pour notifier ses conclusions à l'intimé puisque le conseil de l'intimé ne lui avait pas régulièrement notifié sa constitution, était irrecevable comme n'ayant pas été soumis au conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé les articles 914 et 916 du code de procédure civile.

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