15 octobre 2015
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 13/00378

8e Chambre C

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 15 OCTOBRE 2015



N° 2015/ 532













Rôle N° 13/00378







SCI 3A





C/



SA BNP PARIBAS FORTIS





















Grosse délivrée

le :

à :ERMENEUX

TRUPHEME

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 30 Novembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 09/6852.





APPELANTE



SCI 3A prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Jean Pierre CASTILLON, avocat au barreau de NICE





INTIMEE



SA BNP PARIBAS FORTIS anciennement SA FORTIS BANQUE

dont le siège est [Adresse 2])

représentée par Me Lise TRUPHEME de la SELARL CADJI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me MENASSE, avocat au barreau de BRUXELLE













*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Hélène COMBES, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :





Madame Hélène COMBES, Président

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller

Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller







qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2015







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2015,



Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***



























































EXPOSE DU LITIGE



La SCI 3 A qui a son siège social à Cagnes sur Mer, y est propriétaire de deux immeubles à usage d'hôtel qu'elle a envisagé de rénover courant 2007.



Elle a dans cette optique conclu divers contrats avec la société De Lisse, société de droit belge à laquelle elle a versé un acompte de 210.446 euros au mois de mai 2007.



La société De Lisse a déposé le bilan sans avoir avancé les travaux et la SCI 3 A n'a pu récupérer l'acompte versé.



Par acte du 12 novembre 2009, la SCI 3 A a assigné la société Fortis Banque qui a son siège social à Bruxelles devant le tribunal de grande instance de Grasse, pour obtenir le paiement de la somme de 360.446 euros en réparation de son préjudice.



Elle faisait valoir que contactée au mois de mai 2007, la société Fortis Banque lui avait délivré des informations inexactes sur la situation financière de la société De Lisse, informations qui l'avait déterminée à lui adresser l'acompte de 210.446 euros.



Par jugement du 30 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Grasse a condamné la société Fortis Banque à payer à la SCI 3 A la somme de 40.000 euros à titre de dommages intérêts ainsi que celle de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles.



La SCI 3 A a relevé appel le 15 janvier 2013.




Dans ses dernières conclusions du 26 janvier 2015, elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité de la banque Fortis, à son infirmation sur l'évaluation du préjudice et sollicite la condamnation de la banque à lui payer la somme de 360.446 euros à titre de dommages intérêts, soit 210.446 euros au titre de l'acompte qu'elle n'a pas récupéré et 150.000 euros au titre de ses préjudices annexes.



Elle invoque l'irrecevabilité en cause d'appel du moyen tiré de l'application du droit belge.



Après avoir repris la chronologie des échanges qu'elle a eus avec la société Fortis Banque, elle fait valoir que celle-ci a incontestablement engagé sa responsabilité en accréditant la thèse de la solvabilité de sa cliente, la société De Lisse, alors qu'elle savait qu'elle connaissait des difficultés financières.



Elle indique que ce sont les renseignements erronés que lui a communiqués la banque qui l'ont déterminée à adresser l'acompte à la société De Lisse.



Elle ajoute que le lien de causalité entre la faute et le préjudice ne peut être contesté.



Elle soutient que le premier juge n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et que dès lors qu'étaient consacrés la faute de la banque et le lien de causalité entre cette faute et le dommage causé, il devait être réparé dans son intégralité. Elle conteste toute légèreté de sa part.



S'agissant des préjudices annexes, elle invoque la perte d'exploitation du fait du retard à l'ouverture des hôtels.



Dans ses dernières conclusions du 27 janvier 2015, la société BNP Paribas Fortis, nouvelle dénomination de la société Fortis Banque conclut à l'infirmation du jugement et au rejet de toutes les demandes de la SCI 3 A.



Elle réclame 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.




Elle fait valoir en premier lieu qu'en raison d'éléments d'extranéité, les règles du droit international privé doivent conduire à l'application du droit belge en vertu duquel la SCI 3 A a commis des fautes ayant contribué à l'aggravation de son dommage.








Elle expose sur ce point que le fait générateur et le dommage sont survenus en Belgique.




Après avoir rappelé qu'elle n'entretenait aucune relation contractuelle avec la SCI 3 A elle réplique sur le fond qu'elle n'a commis aucune faute ;




qu'en effet, elle n'a en aucun cas donné sa garantie quant à la santé financière de la société De Lisse et conteste les affirmations péremptoires de la SCI 3 A qui ne sont corroborées par aucun élément de preuve.



Elle indique que le gestionnaire du compte de la société De Lisse s'est uniquement limité lors d'un entretien téléphonique informel avec la SCI 3 A, à transmettre des informations générales et neutres, indiquant qu'il n'y avait pas de problème particulier sur le compte de la société De Lisse.




Elle soutient encore que la SCI 3 A ne démontre pas qu'elle a subi un dommage et ne justifie ni qu'elle était en droit d'obtenir le remboursement intégral de l'acompte en l'état du commencement des travaux, ni qu'elle a tenté de le récupérer, ni qu'elle a subi une perte d'exploitation.




Elle ajoute que s'il était jugé qu'elle a commis une faute, la perte d'exploitation ne saurait lui être imputée, en ce qu'elle est uniquement la conséquence de la défaillance de la société De Lisse.




Elle conteste enfin l'existence d'un lien de causalité, faute pour la SCI 3 A de démontrer que les renseignements prétendument communiqués ont eu un caractère déterminant sur la décision de contracter avec la société De Lisse.




Elle invoque une faute de la SCI 3 A qui a agi avec légèreté sans se renseigner sur la santé financière de la société De Lisse auprès d'autres sources.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2015.




DISCUSSION



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.



Au soutien de sa demande, la SCI 3 A fait valoir, ainsi qu'elle le faisait devant le premier juge, que les renseignements erronés que lui a communiqués la banque Fortis, l'ont déterminée à adresser à la société De Lisse un acompte qu'elle n'a jamais pu récupérer en raison du dépôt de bilan de cette société.



La société BNP Paribas Fortis qui ne soulève pas l'incompétence de la juridiction saisie, demande à la cour d'appliquer le droit belge au motif que le dommage et le fait générateur sont survenus en Belgique.



Elle est parfaitement recevable à soulever en appel un moyen de défense nouveau.



Ce moyen ne peut toutefois prospérer dès lors :



- que c'est en France à Cagnes sur Mer, lieu du siège social de la SCI 3 A que le comportement imputé à la banque Fortis s'il a produit des effets, les a produits,



- qu'en droit international privé (le Règlement CE n° 864/2007 du 11 juillet 2007 n'étant pas applicable au litige), la loi territorialement compétente pour régir la responsabilité civile extra-contractuelle est la loi du lieu où le dommage a été subi.



La juridiction française territorialement compétente doit régler le litige au regard du droit français.



Il résulte des pièces produites aux débats que dans la perspective de la signature d'un contrat avec la société De Lisse, la gérante de la SCI 3 A a adressé le 9 mai 2007 un courrier électronique à la banque Fortis dans lequel elle l'interrogeait sur la santé financière de cette entreprise.



Elle indiquait très clairement qu'elle refusait que les acomptes qui seraient versés 'puissent servir à renflouer des comptes dans la mesure où cela mettrait en danger la réalisation finale de notre projet'.



S'il n'a pas été répondu par écrit à ce courrier électronique, la société BNP Paribas Fortis reconnaît qu'au mois de mai 2007, un entretien téléphonique a eu lieu entre les dirigeants de la SCI 3 A et un représentant de la banque Fortis, au cours duquel il a été indiqué que la banque ne rencontrait pas de 'problème particulier' avec la société De Lisse (voir courrier du 11 juin 2009).



Même s'il n'est pas établi comme la SCI 3 A le soutient en page 3 de ses conclusions que le représentant de la banque Fortis a évoqué une société en pleine expansion, il résulte de l'enchaînement des événements que ce sont les propos rassurants du représentant de la banque Fortis qui ont déterminé la SCI 3 A à verser à la société De Lisse un acompte de 210.446 euros.



Il résulte pourtant des relevés de compte produits aux débats que dans les jours précédant le versement de l'acompte, le compte de la société De Lisse présentait un solde débiteur de 292.981 euros excédant largement le découvert autorisé de 150.000 euros, de sorte que l'acompte a servi à renflouer les comptes de la société De Lisse, situation que la SCI 3 A voulait précisément éviter ainsi qu'elle l'avait écrit.



C'est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge a retenu le comportement fautif de la banque en ce que les renseignements erronés qu'elle a donnés à la SCI 3 A ont joué un rôle déterminant dans sa décision de verser l'acompte.



Ce comportement a causé le préjudice dont la SCI 3 A est bien fondée à solliciter réparation.



C'est tout aussi justement que le premier juge a considéré que la SCI 3 A a manqué de prudence en effectuant un versement de 210.446 euros sur la foi d'un simple entretien téléphonique et sans exiger d'autres justificatifs et garanties, contribuant ainsi à son propre dommage.



En cause d'appel, la SCI 3 A ne produit pas plus de documents qu'en première instance sur la perte d'exploitation qu'elle allègue



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a limité l'indemnisation due par la société BNP Paribas Fortis à la SCI 3 A à la somme de 40.000 euros.



Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La cour statuant publiquement, contradictoirement



- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.



- Y ajoutant, dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



- Condamne la SCI 3 A aux dépens d'appel.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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