25 février 2016
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 15/02755

CHAMBRE SOCIALE SECTION B

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 25 FEVRIER 2016



(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 15/02755

















Monsieur [Y] [W]



c/



Syndicat SUD CAISSE D'EPARGNE

SA CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTE





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 avril 2015 (R.G. n° F 14/1935) par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 30 avril 2015,







APPELANT :



Monsieur [Y] [W]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Thomas DE BEAUMONT, avocat au barreau de BORDEAUX







INTIMÉES :



Syndicat SUD CAISSE D'EPARGNE

pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]



non comparant non représenté bien que régulièrement convoqué



SA CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 3]



représentée par Me Jean-Marc CHONNIER, avocat au barreau de BAYONNE





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 20 janvier 2016 en audience publique, devant la Cour composée de :



Monsieur Marc SAUVAGE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère,



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Florence Chanvrit adjoint administratif principal faisant fonction de greffier





ARRÊT :



- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.




EXPOSE DU LITIGE



M. [Y] [W] a été engagé par la Caisse d Epargne Niort Deux Sèvres suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 12 décembre 1977 en qualité d agent de guichet stagiaire.



Il a successivement été salarié de la Caisse d Epargne Niort Deux Sèvres jusqu en 1989, puis de celle des Deux Sèvres en 1990, de la Caisse d Epargne Poitou Charentes (la CEAPC) de 1991 à 2007 et enfin de la Caisse d Epargne Aquitaine Poitou Charentes jusqu à ce jour.



Il a été affecté à divers postes et dès 1982, il a occupé diverses fonctions syndicales au sein de l entreprise pour devenir délégué syndical en 1986 jusqu'en 2007. Il est devenu représentant syndical au plan national en 2008 jusqu'en 2013 avec un crédit d'heures variables, et de 2009 à 2012 il a été élu membre suppléant du comité d'entreprise. En décembre 2007, au moment de la fusion entre les trois caisses, il a donné son accord pour une affectation au poste de logisticien commercial classification T2 situé à [Localité 1].



Le 29 juin 2012, il a écrit au Président du Directoire pour se déclarer disponible pour toute discussion dans le cadre de la cessation de son activité syndicale.



Par lettre en date du 19 décembre 2012, la Caisse d Epargne Aquitaine Poitou Charentes a pris acte de la fin de ses mandats syndicaux et lui a proposé une affectation à un poste de logisticien commercial de niveau T2, poste qu il a refusé.



Puis son employeur lui a proposé, par lettre datée au 9 avril 2013, un poste de conseiller commercial classé T3.



M. [W] a refusé le poste proposé et n a pas repris le travail par la suite.



Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 juin 2013, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 2 juillet 2013.



Le comité d'entreprise a rendu un avis défavorable au licenciement le 2 juillet 2013 et le conseil de discipline national, ainsi que la commission paritaire nationale contentieuse se sont par la suite mis en partage des voix.



L'inspection du travail a également rendu un avis défavorable le 14 novembre 2013 et, en janvier 2014, un nouveau poste classé TM4 a été proposé à M. [W], poste qu il a accepté.







M. [W] a par la suite saisi le conseil de Prud hommes de Bordeaux (section commerce) le 17 juillet 2014 aux fins de dire qu il a fait l objet de discriminations syndicales, d ordonner son reclassement en CM6 à compter du 1er janvier 2014, d ordonner le versement d un salaire brut annuel de 54.591 € à compter du 1er janvier 2014, d obtenir des dommages et intérêts pour perte de salaire, des dommages et intérêts pour préjudice patrimonial résultant de la perte sur les droits à la retraite et des dommages et intérêts pour préjudice moral.



Par jugement de départage en date du 13 avril 2015, le conseil de Prud hommes de Bordeaux, a :



constaté le désistement parfait de M. [W] sur ses demandes initiales étrangères à la discrimination, avec tous effets de droit,

dit que M. [W] a été victime de discriminations syndicales pendant la période non prescrite, soit à compter du 19 février 2009 jusqu à la date d introduction de la demande,rejeté sa demande de reclassement en CM6 à compter du 1er janvier 2014,

condamné la CEAPC à payer à M. [W] la somme de 8.000 € en réparation de son préjudice moral du fait de la discrimination,

rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

condamné la CEAPC, outre aux dépens, à payer à M. [W] la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l article 700 du code de procédure civile.



M. [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 30 avril 2015. La CEAPC a relevé appel incident sur la reconnaissance de la discrimination et les condamnations y afférentes.




Par conclusions déposées au greffe le 19 janvier 2016 et développées oralement à l audience, M. [W] sollicite de la Cour qu elle :



juge qu il a fait l objet de discriminations syndicales,

ordonne son reclassement en CM6 à compter du 1er janvier 2014,

ordonne les versements d un salaire brut annuel de 54.591 € à compter du 1er janvier 2014,

condamne la Caisse d Epargne Poitou Charentes à lui verser les sommes suivantes au titre de la réparation de son préjudice :

179.248 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice lié à la perte de salaires,

99.398 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice patrimonial résultant de la perte de ses droits à le retraite,

25.000 € au titre du préjudice moral,

3.000 € au titre de l article 700 du code de procédure civile.











Par conclusions déposées au greffe le 2 décembre 2015 et développées oralement à l audience, la Caisse d Epargne Aquitaine Poitou Charentes sollicite de la Cour qu elle :



confirme la décision du conseil de Prud hommes, sauf en ce qu il a constaté des faits discriminatoires et condamné la CEAPC à verser à M. [W] la somme de 8.000 € en réparation de son préjudice moral du fait de la discrimination,

déboute M. [W] de l intégralité de ses demandes,

condamne M. [W] à verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l article 700 du code de procédure civile.



M. [W] fait valoir concernant la prescription que celle-ci a été interrompue par l'action introduite en 2010 dont il ne s'est pas désisté et qui a été jointe par le conseil des prud'hommes à son action introduite en 2014, que dés lors il s'agit d'une seule et même instance et du fait des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 c'est la prescription trentenaire qui s'applique, que de plus, l entière période durant laquelle la discrimination a été constatée doit être prise en compte pour l'évaluation du préjudice sachant qu'il a pris conscience de l'étendue de la discrimination en 2012.



Il expose sur le fond qu'il n a jamais pu bénéficier de formation professionnelle, n a pas passé d entretien d appréciation, n a pas bénéficié d entretien de compétence ou de carrière, n a jamais pu bénéficier des dispositions conventionnelles relatives à la gestion prévisionnelle des carrières contrairement à 97 % des autres salariés, a subi une tentative de licenciement injustifiée et a vu sa carrière bloquée, que dès lors, en raison des agissements de l employeur à son encontre et du poste auquel il aurait pu prétendre s il n avait pas été victime de discrimination de la part de l employeur, il y a lieu non seulement de constater la discrimination syndicale dont il a fait l objet mais également de procéder à un rappel de salaire en prenant en compte un indice CM6 à compter de janvier 2014.



La Caisse d Epargne Aquitaine Poitou Charentes fait valoir sur la prescription que M. [W] ne peut invoquer de faits antérieurs à 2009 puisqu'il s'est désisté de son action introduite en 2010 et que compte tenu de son mandat syndical il disposait de tous les éléments de sorte que c'est la prescription quinquennale qui s applique .



Sur le fond la Caisse d Epargne Aquitaine Poitou Charentes rétorque que M. [W] n a jamais sollicité de formation professionnelle afin d évoluer dans son emploi sachant qu'il en a tout de même reçu, qu'il n'y a pas d'automaticité à la formation professionnelle qui doit émaner de l'initiative des deux parties et qu'il n'a jamais exprimé de difficultés d'adaptation à son emploi, qu'il a toujours refusé des aménagements de poste depuis la fusion de 2007 et n a jamais pris l initiative d effectuer un entretien de carrière lors des campagnes menées en ce sens, que la procédure de licenciement a été mise en 'uvre dans la forme du fait du statut protecteur du salarié et sur le fond en raison du refus de ce dernier d'exécuter des tâches entrant dans son emploi et sa qualification et qu'il n établit pas la preuve selon laquelle sa carrière aurait été bloquée par l employeur qui n'avait par ailleurs aucune obligation de reclassement préventive à l'égard de M. [W] à l'issue des mandats syndicaux puisqu'il devait retrouver le poste qui était le sien, sachant qu'il ne peut prétendre à la classification qu'il revendique compte tenu des qualifications qui sont les siennes, qu'il ne saurait donc être prétendu que M. [W], à défaut pour lui de rapporter la preuve de faits précis et concordants en ce sens, a été victime d un comportement discriminatoire de la part de l' employeur et il y aura donc lieu de le débouter de sa demande.



Le syndicat Sud Caisse d'Epargne, bien que régulièrement convoqué, ne s'est pas présenté à l'audience, son conseil en première instance ayant indiqué à la cour ne plus intervenir.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.




MOTIFS DE LA DECISION



Sur la prescription



En application de l'article Article 395 du code de procédure civile le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur. Toutefois, l'acceptation n'est pas nécessaire si le défendeur n'a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste, le désistement écrit du demandeur produisant immédiatement son effet extinctif prévu à l'article 385 du même code.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [W] a introduit au mois de mars 2010 une action relative à des avantages individuels acquis devant le conseil des prud'hommes de Bordeaux, qu'il s'est désisté de cette instance, enrôlée par la juridiction de premier degré sous le n 10/00809, par courrier du 22 novembre 2013, alors que la CEAPC n'avait pas conclu au fond et que le jugement déféré a constaté en avril 2015 que ce désistement était parfait.



Dans ces circonstances, nonobstant le constat de ce désistement fait par le conseil des prud'hommes dans le jugement déféré qui ne prononce pas la jonction des procédures, il convient de considérer que le courrier du 22 novembre 2013 avait, à sa date, produit son effet extinctif immédiat, de sorte que M. [W] ne pouvait plus se rétracter et qu'il ne peut plus revendiquer aujourd'hui une jonction de procédure entre celle introduite en 2010 et celle introduite en 2014, enrôlée sous le n 14/1935, la première étant éteinte et la seconde étant une action nouvelle ne s'inscrivant pas dans la continuité de la première instance.



Par voie de conséquence M. [W] ne peut donc pas davantage revendiquer l'effet interruptif de prescription de l'action engagée en 2010 et l'application des dispositions transitoires alors en vigueur. Les dispositions issues de la loi du 17 juin 2008 sont donc applicables à l'action qu'il a engagée en 2014.



À cet égard, aux termes de l'article L.1134-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n 2008-561 du 17 juin 2008, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

En l'espèce, compte tenu des mandats de représentation du personnel et des mandats syndicaux exercés par M. [W] depuis 1982 tant au sein de l'entreprise qu'au plan national, il était à l'évidence au fait des accords collectifs et des grilles de classification qui étaient applicables à sa situation et était donc à même d'identifier l'éventuelle dimension discriminatoire des faits qu'il invoque et dont il ne peut sérieusement contester avoir eu pleinement connaissance au fur et à mesure de leur survenance.



Il s'ensuit que la prescription quinquennale s'applique et que M. [W], qui doit rapporter la preuve d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination, ne peut fonder son action sur des faits antérieurs au 17 juillet 2009, son préjudice devant être évalué néanmoins en prenant en considération, le cas échéant, l'intégralité de la carrière du salarié.



Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.



Sur la discrimination

Selon les dispositions des article L.2141-5 alinéa 1er et L.2141-8 alinéa 2 du code du travail il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ; toute mesure prise par l'employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts.

Selon l'article L1134-1 du même code lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [W] invoque plusieurs faits qu'il convient d'examiner successivement.



Le premier est relatif à l'absence de formation professionnelle alors que l'accord collectif relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie du 10 juin 2005, dont l'application aux salariés de la CEAPC n'est pas discutée, prévoit la mise en 'uvre d'un plan de formation pour l'entreprise soumis à la consultation du comité d'entreprise et organisant trois catégories de formation, soit, celles destinées à l'adaptation au poste de travail, celles destinées à l'évolution des emplois et au maintien dans l'emploi, et celles participant au développement des compétences des salariés. Or il ressort des pièces produites aux débats que M. [W], qui ne le conteste pas, a bénéficié d'inscription à des formations sous le mode de l'elearning en 2012, 2013 et 2014, qu'il n'a suivie qu'en 2014, et de deux formations en avril et juillet 2014. Il n'est pas sérieusement contesté que les formations par elearning sont éligibles au plan de formation défini à l'article L 6321-1 du code du travail, elles doivent donc être prises en compte. Par ailleurs M. [W] ne démontre pas qu'il a sollicité d'autres formations, notamment délivrées sous une autre forme, et que l'employeur les lui a refusées.

Il s'ensuit que ce fait n'est pas établi.



Le second fait invoqué tient à l'absence d'entretiens de carrière et d'appréciation de compétences alors que l'accord national sur la carrière des salariés du 25 juin 2004, dont l'application aux salariés de la CEAPC n'est pas contestée, prévoit un entretien d'appréciation des compétences au minimum tous les 2 ans, et un entretien de carrière au minimum tous les 5 ans, le premier ayant pour objectif d'évaluer la maitrise de l'emploi et les besoins de formation et le second de faire le point sur l'expérience professionnelle du salarié, de valider un plan de progression et des formations professionnelles. La troisième circonstance, qui tient au non respect de l'accord collectif relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du groupe BPCE du 28 novembre 2011, recoupe le second grief, car à l'analyse cet accord précise les objectifs des entretiens d'évaluation et des entretiens de carrière définis comme rythmant le parcours du salarié et permettant à chaque salarié d'en être l'acteur en élaborant et mettant en 'uvre un projet de carrière tout au long de sa vie professionnelle au sein du groupe. L'accord collectif de novembre 2011, dont l'application n'est pas davantage discutée, comporte également une précision relative à la conciliation entre les activités professionnelles et les mandats électifs et à la préparation du retour à une activité professionnelle à plein temps au travers d'entretiens individuels pour les salariés concernés, l'accord rappelant expressément que les représentants du personnel qui exercent une activité professionnelle font l'objet du même suivi que les autres salariés.



Force est de constater que, sur la période considérée, M. [W] n'a bénéficié d'aucun entretien d'appréciation de ses compétences avant le 21 mai 2014, ni d'aucun entretien de carrière. L'entretien du 20 mars 2012, dont l'employeur produit le compte rendu et qui avait pour objectif d'évoquer l'attribution d'heures de délégation par son syndicat, l'absence de saisie de ses délégations dans le logiciel prévu à cet effet, son avenir professionnel dans le cas de la consommation totale de ces heures de délégation et le rythme de travail du mardi au samedi, étant d'une autre nature, il ne peut se substituer à l'un ou à l'autre.

Ces faits doivent donc être considérés comme établis.

S'agissant du quatrième élément de fait exposé par M. [W] et tenant à une tentative de licenciement injustifié, il résulte de l'ensemble des échanges entre l'employeur et le salarié, qui se sont déroulés entre le mois de juin 2012 et le mois de juin 2013, et des éléments de la procédure de licenciement pour faute, notamment la décision de refus d'inspecteur du travail d'autoriser de licenciements en date du 14 novembre 2013, les avis de partage des voix du conseil de discipline nationale du 6 août 201 et de la commission paritaire nationale contentieuse du 3 septembre 2013, que M. [W] avait demandé un rendez-vous en vue de sa reprise d'activité professionnelle à temps plein le 29 juin 2012, qu'il lui a été répondu le 19 décembre 2012 qu'il devait reprendre son poste initial à compter du 1er janvier 2013 après un rendez-vous avec le directeur des ressources humaines qui s'est déroulé le 19 septembre 2012 à sa demande, qu'il a refusé à plusieurs reprises ce poste ainsi qu'en dernier lieu un poste de conseiller commercial classé T3. Or l'employeur ne démontre pas avoir mis en 'uvre les mesures nécessaires à une reprise pertinente du plein exercice professionnel de M. [W], notamment des entretiens d'évaluation des compétences permettant d'affecter M. [W] sur un poste correspondant à ses qualifications et aux acquisitions qu'il a faites durant l'exercice de ses mandats de représentation.



Dans ces circonstances le fait pour M. [W] de ne pas occuper, à compter du 11 juin 2013, le poste de travail désigné par son employeur aux termes d'un courrier du 4 juin 2013, soit celui de logisticien commercial classé T2 à l'agence de [Localité 1], ne pouvait pas lui être exclusivement imputé ni justifier de facto son licenciement.

Cet élément de fait est donc également établi.



Enfin pour établir le dernier fait qu'il invoque tenant au ''blocage de sa carrière'', M. [W] produit plusieurs pièces et notamment, des documents qu'il a lui même dressés, soit, une fiche de reconstitution de sa carrière, une ''translation'' empirique de la grille de classification en vigueur avant 1986, pour les périodes de 1986 à 2004, puis pour la période postérieure à 2004, en application des accords collectifs successifs, un graphique reconstituant ce qu'il considère être une progression de carrière entre 1977 et 1982 et une rétrogradation postérieurement et un graphique de l'évolution de son salaire annuel net de 1977 à 2012. Toutefois à défaut pour M. [W] d'apporter des éléments de comparaison fiables et précis, ces pièces sont insuffisantes à apporter la preuve qu'à situation comparable au niveau de l'âge, de l'ancienneté, des qualifications, de la mobilité géographique et de la mobilité fonctionnelle, la carrière de M. [W] a subi une progression insuffisante laissant supposer qu'il existe à son égard une discrimination. La liste de personnel dressée pour l'élection du comité d'entreprise, pour une année au demeurant indéterminée, qu'il produit aux débats, ne peut constituer cet élément de comparaison puisqu'elle ne comporte pas de précisions sur la situation des salariés, hormis les mentions insuffisantes relatives à leur âge, à leur date d'entrée dans le groupe et leur classification en 2012, de sorte qu'il ne peut en être extrait un échantillonnage de comparaison valable.

Ce fait n'est donc pas établi.





Il ressort donc des motifs qui précédent qu'il existe des faits avérés, relatifs à la prise en compte de l'évolution de la carrière de M. [W] par la tenue d'entretiens d'appréciation des compétences et de carrière, qui laissent supposer que M. [W] a reçu un traitement discriminatoire à raison de sa qualité de représentant syndical.



Or à l'absence d'entretien d'appréciation des compétences et de carrière, la CEAPC ne peut sérieusement se contenter d'opposer l'absence d'initiative du salarié, lequel ne justifie pas en effet avoir sollicité en vain un entretien de cette nature avant juin 2012 dans le cadre de la cessation de ses fonctions syndicales, alors que dans une entreprise de la taille de la CEAPC, disposant de services dédiés à la gestion des ressources humaines, l'organisation du système d'évaluation et de promotion professionnelle repose principalement sur l'employeur qui doit en être l'initiateur. Or si la CEAPC prouve avoir informé son personnel des campagnes d'évaluation professionnelle pour les années 2011, 2012 et 2013, par courriel adressé à l'ensemble des salariés de l'entreprise, au rang duquel figure nécessairement M. [W], elle ne justifie pas avoir convoqué individuellement ce salarié qui se serait alors dérobé aux entretiens proposés.



Dans ces conditions la CEAPC ne démontre pas que le traitement appliqué à M. [W] est justifié par des éléments objectifs étrangers au mandat syndical exercé par le salarié et donc à toute discrimination.



Par conséquent il convient de considérer que M. [W] a subi une discrimination à raison de son appartenance syndicale de la part de son employeur qui ouvre droit à réparation par l'octroi de dommages-intérêts.



Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier d'une part, qu'existe, au sein du groupe, un système automatique de promotion et d'avancement dans la grille de classification à l'ancienneté et d'autre part que M. [W] détient les qualifications et les compétences lui permettant d'occuper les postes correspondant à la classification qu'il revendique aujourd'hui. Par ailleurs, il ne démontre pas qu'il aurait pu prétendre, au moment précis de sa carrière, à un poste en avancement qui lui aurait été refusé, ayant été au contraire débouté d'une contestation de sa classification en T2 en 2005. Enfin il n'est pas fondé à justifier le maintien à ce niveau de classification jusqu'en 2014 par le traitement discriminatoire qu'il a subi au niveau de l'accompagnement de sa carrière, ayant refusé au début de l'année 2012 d'évoquer son retour à un exercice professionnel à plein temps avec le responsable des ressources humaines et ne démontrant pas qu'il a perdu de ce fait une chance certaine d'évoluer dans la grille de classification avant la fin de ses mandats syndicaux.

Par conséquent sa demande de reclassification en CM6 n'est pas justifiée.



En définitive il conviendra de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, les premiers juges ayant par ailleurs procédé à une juste évaluation du préjudice moral de M. [W] au vu des circonstances de la cause, de l'absence de blocage de carrière et des pièces produites aux débats.



Succombant à l'instance à titre principal, la CEAPC sera condamné aux dépens et à payer à M. [W] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Elle sera déboutée de sa demande de ce chef.



PAR CES MOTIFS

LA COUR,



Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la CEAPC à payer à M. [W] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute la CEAPC de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la CEAPC aux dépens.



Signé par Monsieur Marc SAUVAGE, Président, et par Florence

CHANVRIT Adjointe Administrative Principale faisant fonction de greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Florence CHANVRIT Marc SAUVAGE

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