30 juin 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/14434

Pôle 6 - Chambre 2

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 30 JUIN 2016



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/14434



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2015 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 13/01055





APPELANTE



REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

prise en la personne de ses représentants légaux

N° SIRET : 775 663 4388

[Adresse 2]

[Adresse 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représentée par Me Marie-hélène BENSADOUN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438, avocat plaidant





INTIME



SYNDICAT AUTONOME TOUT RATP

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 3]

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant

Représenté par Me Thierry RENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R046, avocat plaidant











COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 14 avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré



GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats



MINISTERE PUBLIC :

Représenté lors des débats par Madame Annabel ESCLAPEZ, avocat général, qui a fait connaître son avis





ARRET :



- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.



**********



Statuant sur l'appel formé par la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS d'un jugement rendu, le 5 mai 2015, par le tribunal de grande instance de Paris qui a':

- rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription sur le fondement de l'article L.3245-1 du code du travail et du caractère imprécis des demandes,

- déclaré le SYNDICAT AUTONOME TOUT RATP recevable en ses demandes,

- déclaré l'article 3.1 de l'instruction générale n°506 du 26 janvier 2005, dans son paragraphe intitulé «'droits à congés en cas d'arrêt de travail'», l'article 59 sur le point relatif à l'arrêt maladie et l'article 71 alinéa 2 du statut du personnel inopposables aux agents de la RATP en ce qu'ils concernent l'acquisition des congés payés pendant les périodes de congés maladie car étant en contrariété avec l'article 7 de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,

- condamné la RATP à régulariser, depuis le 2 août 2004, la situation des agents concernés en leur attribuant sur leur compte «'temps de congés'» les jours de congés dont ils n'ont pas bénéficié en application de ces articles,

- débouté le SYNDICAT AUTONOME TOUT RATP de sa demande tendant à voir déclarer inopposables aux agents de la RATP les notes du département de Gestion et Innovation sociales, en date des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005, et les articles 58 et 71 alinéa 3 du statut du personnel relatifs à l'écrêtement des congés payés et aux reports en cas de maladie de l'agent car étant en contrariété avec les dispositions de l'article 7 de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,

- rejeté la demande de régularisation de la situation des agents corrélative,

- condamné la RATP au paiement au SYNDICAT AUTONOME TOUT RATP de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession,

- condamné la RATP au paiement au SYNDICAT AUTONOME TOUT RATP de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la RATP aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître RENARD Thierry conformément à l'article 699 du code de procédure civile';



Vu les dernières conclusions, reçues le 9 mars 2016, de la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS, ci-après dénommée la RATP, qui demande à la Cour'de :



* à titre principal,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a':

- débouté le SYNDICAT AUTONOME TOUT RATP de sa demande tendant à voir déclarer inopposables aux agents de la RATP les notes du département de Gestion et Innovation sociales, en date des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005, et les articles 58 et 71 alinéa 3 du statut du personnel relatifs à l'écrêtement des congés payés et aux reports en cas de maladie de l'agent pour contrariété avec les dispositions de l'article 7 de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,

- rejeté la demande de régularisation de la situation des agents corrélative,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a':

- retenu que l'article 3.1 de l'instruction générale n°506 du 26 janvier 2005, dans son paragraphe intitulé «'droits à congés en cas d'arrêt de travail'», l'article 59 sur le point relatif à l'arrêt maladie et l'article 71 alinéa 2 du statut du personnel inopposables aux agents de la RATP en ce qu'ils concernent l'acquisition des congés payés pendant les périodes de congés maladie car étant en contrariété avec l'article 7 de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,

- condamné la RATP à régulariser, depuis le 2 août 2004, la situation des agents concernés en leur attribuant sur leur compte «'temps de congés'» les jours de congés dont ils n'ont pas bénéficié en application de ces articles,

- condamné la RATP au paiement au SYNDICAT AUTONOME TOUT RATP de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession,

- condamné la RATP au paiement au SYNDICAT AUTONOME TOUT RATP de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la RATP aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître RENARD Thierry conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner le SYNDICAT AUTONOME TOUT RATP au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



* à titre subsidiaire,

- rejeter tout argument du syndicat tendant aux mêmes fins,



* à titre très subsidiaire,

- saisir à titre préjudiciel, sur le fondement de l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne, la Cour de Justice de l'Union Européenne de la question de savoir s'il y a lieu de maintenir le principe de cette «'invocabilité'» à l'encontre d'un organisme distinct de l'Etat, mais investi d'une mission de service public, soumis à son contrôle et doté de pouvoirs exorbitants, lorsque cet organisme intervient sur un secteur en voie d'ouverture à une concurrence régulée et risque de se retrouver, du fait de cette «'invocabilité'», dans une position concurrentielle artificiellement défavorable contraire aux objectifs d'ouverture du marché,

- sursoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne,



* à titre infiniment subsidiaire,

- «'constater que l'acquisition et le cumul de congés payés durant de longues périodes d'absences du salarié ne saurait être limité et appliquera, en conséquence, à l'acquisition de ces droits à congés payés durant les périodes de longues absences du salarié, le principe d'un report limité à un an tel que les premiers juges l'ont évoqué dans leur décision sans en tirer les conséquences de droit'»';



Vu les dernières conclusions signifiées le 17 février 2016 et reçues par le Cour, le même jour, par RPVA, du SYNDICAT AUTONOME TOUT RATP, ci-après dénommé le syndicat SAT RATP, qui demande à la Cour'de :



- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a'retenu que l'article 3.1 de l'instruction générale n°506 du 26 janvier 2005, dans son paragraphe intitulé «'droits à congés en cas d'arrêt de travail'», l'article 59 sur le point relatif à l'arrêt maladie et l'article 71 alinéa 2 du statut du personnel inopposables aux agents de la RATP en ce qu'ils concernent l'acquisition des congés payés pendant les périodes de congés maladie car étant en contrariété avec l'article 7 de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,

- condamner la RATP à régulariser depuis le 2 août 2004 la situation des agents concernés en leur attribuant sur leur compte temps de congés les jours de congés payés dont ils n'ont pas bénéficié en application de ces articles,

- condamner la RATP aux entiers dépens,

- condamner la RATP au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a'débouté de sa demande tendant à voir déclarer inopposables aux agents de la RATP les notes du département de Gestion et Innovation sociales, en date des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005, et les articles 58 et 71 alinéa 3 du statut du personnel relatifs à l'écrêtement des congés payés et aux reports en cas de maladie de l'agent pour contrariété aux dispositions de l'article 7 de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et rejeté la demande de régularisation de la situation des agents corrélative,

- dire et juger que l'instruction générale RATP n°405, les notes du département de gestion et innovation sociales, en date des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005, et l'instruction générale n°506 doivent être déclarées inopposables aux salariés en ce qui concerne l'écrêtement des congés payés en ce qu'elles sont contraires à la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail en matière de congés payés,

- condamner la RATP à régulariser, depuis le 4 novembre 2003, la situation de l'ensemble des agents concernés en leur attribuant sur leur temps de congés les jours de congés payés écrêtés à tort à l'occasion de leurs positions, maladies, accidents du travail et maladies professionnelles,

- rejeter la demande de question préjudicielle présentée par la RATP,

- rejeter la prétendue impossibilité matérielle d'appliquer le jugement dont appel,

- condamner la RATP au paiement de la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession,

- condamner la RATP au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la RATP aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT conformément à l'article 699 du code de procédure civile';



Vu les observations écrites et orales du Ministère Public';



Vu la possibilité offerte aux parties de reprendre la parole après le Ministère Public';



SUR CE, LA COUR




FAITS ET PROCEDURE



Le syndicat SAT RATP a fait assigner la RATP devant le tribunal de grande instance de Paris, par acte d'huissier du 23 janvier 2013, pour voir dire et juger'que :



- l'instruction générale RATP n°405, les notes du département de gestion et innovation sociales, en date des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005, et l'instruction générale n°506 étaient inopposables aux salariés, car discriminatoires et contraires à la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,



- cette directive devait être appliquée à l'ensemble des agents de la RATP,



- la RATP devait régulariser, depuis le 4 novembre 2003, la situation de l'ensemble des agents concernés en leur attribuant, sur les comptes «'temps de congés'», les jours de congés écrêtés à tort à l'occasion de leurs positions, maladies, accidents du travail et maladies professionnelles,



- la RATP devait lui verser la somme de 30.000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession résultant de l'écrêtement indu sur les congés payés des agents.



Le tribunal de grande instance, par jugement du 5 mai 2015, a'fait partiellement droit à ces demandes en déclarant'que :



- l'article 3.1 de l'instruction générale n°506 du 26 janvier 2005, dans son paragraphe intitulé «'droits à congés en cas d'arrêt de travail'», l'article 59 sur le point relatif à l'arrêt maladie et l'article 71 alinéa 2 du statut du personnel, relatifs à l'acquisition des congés payés pendant les périodes de congés maladie, étaient inopposables aux agents de la RATP car contraires à l'article 7 de la directive invoquée,



- la RATP devait régulariser, depuis le 2 août 2004, la situation des agents concernés en leur attribuant sur leur compte «'temps de congés'» les jours de congés dont ils n'avaient pas bénéficié en application de ces articles,



- la RATP devait être condamnée au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession.



La RATP a interjeté appel du jugement.




MOTIVATION



Sur les fins de non-recevoir



Considérant que la RATP ne soutient plus que la demande du syndicat SAT RATP relative à la période antérieure au 23 janvier 2008 serait irrecevable en application des dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail en raison de l'acquisition de la prescription quinquennale';



Qu'elle ne soutient également plus que la demande de régularisation de la situation des agents concernés par les dispositions dont l'inopposabilité est sollicitée par le syndicat SAT RATP serait irrecevable en raison de son caractère général et imprécis';



Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur ces deux points ;



Sur la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail



Considérant que le syndicat SAT RATP soutient que les instructions générales de la RATP n°405 et n°506, ainsi que les notes du département de Gestion et Innovation sociales de la RATP du 20 décembre 2000 et du 20 juin 2005 sont contraires à certaines dispositions de la directive'2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;



Que la RATP répond qu'elle doit être considérée comme «'un particulier'» auquel la directive litigieuse ne peut être imposée, faute d'avoir été transposée en droit français';



Considérant que la jurisprudence constante de la Cour de Justice de l'Union Européenne (notamment l'arrêt du 19 janvier 1982, Beckcr/Hauptzollamt Münster-Innenstadt) admet que «'lorsque les autorités communautaires ont, par voie de directive, obligé les États membres à adopter un comportement déterminé, l'effet utile d'un tel acte se trouverait affaibli si les justiciables étaient empêchés de s'en prévaloir en justice et les juridictions nationales de le prendre en considération en tant qu'élément du droit communautaire'», qu'«'en conséquence, l'État membre qui n'a pas pris, dans les délais, les mesures d'exécution imposées par la directive ne peut opposer aux particuliers le non-accomplissement par lui-même des obligations qu'elle comporte'» et, qu'en conséquence, «'dans tous les cas où des dispositions d'une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées, à défaut de mesures d'application prises dans les délais, à l'encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu'elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'État'»';



Que la Cour de Justice de l'Union Européenne a également jugé que, lorsque les justiciables sont en mesure de se prévaloir d'une directive à l'encontre de l'État, ils peuvent le faire quelle que soit la qualité en laquelle agit ce dernier, employeur ou autorité publique'(arrêt du 26 février 1986 Marshall) ;



Que sur la base de ces considérations, la Cour de Justice de l'Union Européenne a ainsi jugé que les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d'une directive pouvaient être invoquées par les justiciables à l'encontre d'organismes et d'entités, quelle que soit leur forme juridique, lorsque ceux-ci sont chargés en vertu d'un acte de l'autorité publique d'accomplir, sous le contrôle de cette dernière, d'un service d'intérêt public et disposent, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers (arrêt du 12 juillet 1990 Foster contre British Gas plc.)';



Considérant, par ailleurs, que la directive invoquée prévoit qu'elle «'s'applique à tous les secteurs d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE, sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19'»';



Considérant que la RATP'est un établissement public industriel et commercial qui tire de la loi sa mission d'assurer un service public de transport en commun de voyageurs sous le contrôle de l'Etat';



Que la Cour de cassation a déjà, dans un arrêt du 17 février 2010, admis que les dispositions de l'article 17 de la directive du 4 novembre 2003 «'peuvent être invoquées directement à l'encontre de la RATP en ce qu'elle est chargée en vertu d'un acte de l'autorité publique d'accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service public et dispose à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers'» ;



Qu'il importe peu':



- que l'Etat n'exerce pas de pouvoirs directs sur la RATP, étant observé qu'elle dépend du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), qui est un établissement public administratif dont les membres sont la Région Île-de-France et les départements de la région,



- qu'elle intervienne dans un secteur en voie d'ouverture à une concurrence régulée et risque de se retrouver, du fait de l'«'invocabilité'» de la directive, dans une position concurrentielle artificiellement défavorable contraire aux objectifs d'ouverture du marché,



- que certains de ses agents relèvent du droit privé, alors qu'ils participent à une mission de service public de transport';



Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le syndicat SAT RATP peut invoquer les dispositions de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, notamment':



- l'article 7 qui prévoit':



«'Congé annuel

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail'»,



- l'article 15 qui prévoit':



«'Dispositions plus favorables

La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté [Établissement 1] membres d'appliquer ou d'introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ou de favoriser ou de permettre l'application de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs'»';



Sur les articles 59 et 71 alinéa 2 du statut du personnel et l'article 3.1 de l'instruction générale n°506 du 26 janvier 2005



Considérant que le statut du personnel prévoit':



- en son article 59 : «'n'a droit qu'à un congé proportionnel, dont la durée est fixée au prorata du temps de service effectué dans l'année en cours, l'agent ['] totalisant plus de trois mois de congé de maladie en une ou plusieurs périodes au cours de l'année légale'»,



- en son article 71, alinéa 2': «'lorsque leur durée [des congés de maladie dans les conditions prévues au titre VI] excède trois mois en une ou plusieurs périodes au cours de l'année légale, l'agent n'a droit qu'à un congé annuel proportionnel'»';



Que, par ailleurs, l'instruction générale n°506 du 26 janvier 2005 mentionne, en son article 3.1, dans le paragraphe intitulé «'droits à congés en cas d'arrêt de travail'»': «'les agents du cadre permanent de la RATP, victimes d'un accident du travail (y compris un accident de trajet) reconnu, conservent l'intégralité de leurs droits à congés annuels pendant toute la période d'indisponibilité - à concurrence d'une année - consécutive à leur blessure ou à une rechute dûment reconnue'»';



Considérant que le code du travail dispose, en matière de congés payés':



- en son article L.3141-5 que':



«'Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé [']':

5° Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle'» ;



- en son article L.3141-6 que':



«'L'absence du salarié ne peut avoir pour effet d'entraîner une réduction de ses droits à congé plus que proportionnelle à la durée de cette absence'».



Que ces dispositions excluent donc l'assimilation à un temps de travail effectif pour les périodes d'absence pour maladie non professionnelle et limite à un an celles relatives à les périodes d'absence pour accident du travail ou maladie professionnelle';



Considérant que la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt C-282/10 du 24 janvier 2012 Maribel Dominguez / Centre informatique du Centre Ouest Atlantique) a cependant dit'pour droit que :



- le droit au congé annuel payé doit être considéré comme un principe de droit social de l'Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en 'uvre par les autorités nationales ne peut être effectuée que dans les limites expressément fixées par la directive,



- la directive instaure une obligation pour les États membres de prendre les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins «'quatre semaines'» conformément aux législations nationales,



- ce droit ne peut être affecté lorsque le travailleur est en congé maladie dûment justifié que ce soit à la suite d'une maladie ou d'un accident survenu sur le lieu de travail, ou ailleurs,'ou à la suite d'une maladie de quelque nature ou origine qu'elle soit';



Qu'en conséquence, tout salarié doit bénéficier, même lorsqu'il a été absent pour raison de santé, à un minimum de quatre semaines de congés payés annuels';



Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions suivantes apparaissent en contradiction avec les dispositions de l'article 7 précité de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail':



- l'article 3.1 de l'instruction générale n°506 du 26 janvier 2005, dans son paragraphe intitulé «'droits à congés en cas d'arrêt de travail'»,



- l'article 59 du statut du personnel en ce qu'il prévoit que «'n'a droit qu'à un congé proportionnel, dont la durée est fixée au prorata du temps de service effectué dans l'année en cours, l'agent ['] totalisant plus de trois mois de congé de maladie en une ou plusieurs périodes au cours de l'année légale'»,



- l'article 71, alinéa 2'du statut du personnel en ce qu'il prévoit que «'lorsque leur durée [des congés de maladie dans les conditions prévues au titre VI] excède trois mois en une ou plusieurs périodes au cours de l'année légale, l'agent n'a droit qu'à un congé annuel proportionnel'»';



Que, dès lors, le syndicat SAT RATP est bien fondé à demander à ce que la situation des agents concernés soit régularisée en leur attribuant sur leur compte «'temps de congés'» les jours de congés dont ils n'ont pas bénéficié depuis le 2 août 2004, date d'entrée en vigueur de la directive'(article 28) ;



Qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'article 59 sur le point relatif à l'arrêt maladie et l'article 71 alinéa 2 du statut du personnel ainsi que l'article 3.1 de l'instruction générale n°506 du 26 janvier 2005, dans son paragraphe intitulé «'droits à congés en cas d'arrêt de travail'», inopposables aux agents de la RATP et condamné cette dernière à régulariser, depuis le 2 août 2004, la situation des agents concernés';



Sur les articles 58 et 71 alinéa 3 du statut du personnel et les notes des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005



Considérant que le statut du personnel prévoit':



- en son article 58 : le congé annuel «'doit être pris effectivement avant le 31 décembre de l'année en cours et ne peut être reporté sur l'année suivante, sauf exception prévue à l'article 71'»,



- en son article 71, alinéa 3': «'par dérogation à l'article 58, tout congé annuel n'ayant pu être pris pour cause de maladie est reporté sur l'année suivante'»';



Que le titre VI du statut du personnel visant, notamment, les maladies professionnelles et les accidents du travail, les dispositions du 3ème alinéa de l'article 71, relatives au report des congés payés, sont applicables aux salariés en congés pour ces deux motifs';



Que, par ailleurs':



- la note du département de Gestion et Innovation sociales, en date du 20 décembre 2000, rappelle que les «'comptes de temps seront apurés des jours de congé annuel de l'année «'n'» non pris ou non versés sur un compte épargne-temps avant le 1er mai de l'année «'n+1'», à compter de l'année 2000,



- la note du département de Gestion et Innovation sociales, en date du 20 juin 2005, rappelle «'que l'article 58 du statut du personnel prévoit que le congé annuel doit être pris effectivement avant le 31 décembre de l'année en cours et ne peut être reporté sur l'année suivante'» ;



Considérant que la mesure d'écrêtement prévue par ces textes consiste à limiter le nombre de jours de congés non pris et non placés dans un compte épargne-temps à 6 jours et à autoriser leur report jusqu'au 30 avril de l'année suivante, sauf lorsque le congé annuel n'a pu être pris pour cause de maladie auquel cas le congé peut être reporté sur l'année suivante';



Que si la directive précitée garantit quatre semaines de congé à tout travailleur quel que soit son état de santé, elle ne s'oppose pas à ce que des législations ou des pratiques nationales, telles que des conventions collectives, prévoient l'extinction du droit au congé annuel payé à la fin de la période de report';



Que, s'agissant de la durée de la période de report, la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne (arrêt du 22 novembre 2011, KHS AG/Winfried Schulte) pose le principe selon lequel «'toute période de report doit dépasser substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée'»'en reconnaissant la validité d'une période de report de quinze mois ;



Qu'en conséquence, une durée de report d'un an égale à la durée de référence doit être considérée comme insuffisante au regard de la directive du 4 novembre 2003';



Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déclarer inopposables aux agents de la RATP les notes du département de Gestion et Innovation sociales, en date des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005, et les articles 58 et 71 alinéa 3 du statut du personnel relatifs à l'écrêtement des congés payés et aux reports en cas de maladie de l'agent pour contrariété avec les dispositions de l'article 7 de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail';



Qu'il y a, dès lors, lieu de condamner la RATP à régulariser, depuis le 4 novembre 2003, la situation de l'ensemble des agents concernés en leur attribuant sur leur temps de congés les jours de congés payés écrêtés à tort à l'occasion de leurs positions, maladies, accidents du travail et maladies professionnelles';



Que le jugement doit être infirmé sur ces points';



Sur les dommages et intérêts sollicités par le syndicat SAT RATP



Considérant qu'il résulte de ce qui précède que depuis plusieurs années la RATP ne respecte pas l'intégralité des droits dont les salariés doivent bénéficier en matière de congés payés';



Qu'une telle violation porte manifestement atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat SAT RATP ;



Qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail et de confirmer le jugement sur ce point ;



Sur la question préjudicielle



Considérant que la RATP demande à la Cour, à titre subsidiaire, de saisir à titre préjudiciel, sur le fondement de l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne, la Cour de Justice de l'Union Européenne de la question de savoir s'il y a lieu de maintenir le principe de cette «'invocabilité'» à l'encontre d'un organisme distinct de l'Etat, mais investi d'une mission de service public, soumis à son contrôle et doté de pouvoirs exorbitants, lorsque cet organisme intervient sur un secteur en voie d'ouverture à une concurrence régulée et risque de se retrouver, du fait de cette «'invocabilité'», dans une position concurrentielle artificiellement défavorable contraire aux objectifs d'ouverture du marché';



Qu'elle demande également à la Cour de sursoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne';



Considérant qu'il y a lieu de rejeter ces deux demandes dans la mesure où le juge européen a déjà été amené à préciser que la forme juridique de l'entité importe peu du moment où elle exerce une mission de service public en vertu d'un acte de l'autorité publique et qu'elle dispose de pouvoirs exorbitants du droit commun (arrêt précité du 12 juillet 1990) et où la Cour de cassation a déjà admis que des dispositions de la directive du 4 novembre 2003 peuvent être invoquées directement à l'encontre de la RATP en ce qu'elle est chargée en vertu d'un acte de l'autorité publique d'accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service public et dispose à cet effet de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers'(arrêt précité du 17 février 2010) ;



Sur les frais irrépétibles et les dépens



Considérant qu'il y a lieu de condamner la RATP au paiement au syndicat SAT RATP des sommes de 2.000 euros, pour la procédure de première instance, en confirmant le jugement, et de 2.500 euros, pour la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';



Considérant qu'il y a lieu de condamner la RATP aux entiers dépens de première instance, en confirmant le jugement, et d'appel, dont distraction au profit de la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT conformément à l'article 699 du code de procédure civile';



PAR CES MOTIFS



Confirme déféré le jugement, sauf en ce qu'il a débouté le SYNDICAT AUTONOME TOUT RATP de ses demandes'tendant à voir :



- déclarer inopposables aux agents de la RATP les notes du département de Gestion et Innovation sociales, en date des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005, et les articles 58 et 71 alinéa 3 du statut du personnel relatifs à l'écrêtement des congés payés et aux reports en cas de maladie de l'agent pour contrariété avec les dispositions de l'article 7 de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,



- régulariser la situation des agents corrélative,



Le réformant de ce chef et y ajoutant,



Déclare inopposables aux agents de la RATP les notes du département de Gestion et Innovation sociales, en date des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005, et les articles 58 et 71 alinéa 3 du statut du personnel relatifs à l'écrêtement des congés payés et aux reports en cas de maladie de l'agent pour contrariété avec les dispositions de l'article 7 de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,



Condamne la RATP à régulariser, depuis le 4 novembre 2003, la situation de l'ensemble des agents concernés en leur attribuant sur leur temps de congés les jours de congés payés écrêtés à tort à l'occasion de leurs positions, maladies, accidents du travail et maladies professionnelles,



Rejette toutes les autres demandes,



Condamne la RATP au paiement au SYNDICAT AUTONOME TOUT RATP de la somme de 2.500 euros, pour la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la RATP aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.







LE GREFFIER LE PRESIDENT

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