10 février 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-26.704

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00148

Titres et sommaires

COMPETENCE - Compétence territoriale - Règles particulières - Faute délictuelle - Réparation du dommage - Tribunal du lieu où le dommage a été subi - Détermination - Cas

Si le lieu où a été commis le manquement du commissaire aux comptes, qui s'est abstenu de révéler des faits délictueux au procureur de la République et de mettre en oeuvre la procédure d'alerte auprès du président du tribunal, est celui de son domicile professionnel ou du siège de sa société, le lieu où le dommage a été subi est celui du siège de la société contrôlée. Il s'ensuit qu'est territorialement compétent, pour connaître d'une action en responsabilité formée contre une société de commissaires aux comptes et le salarié chargé de la mission par le liquidateur judiciaire de la société contrôlée, le tribunal judiciaire du lieu du siège social de cette société

COMPETENCE - Compétence territoriale - Tribunal judiciaire - Faute délictuelle - Tribunal du lieu où le dommage a été subi - Applications diverses

SOCIETE ANONYME - Commissaire aux comptes - Responsabilité - Action dirigée contre lui - Tribunal compétent - Critère - Lieu où le dommage a été subi - Cas - Siège de la société contrôlée

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 février 2021




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 148 F-P

Pourvoi n° Y 18-26.704










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 FÉVRIER 2021

1°/ la société Visas 4 commissariat, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

2°/ M. A... T..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° Y 18-26.704 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Alliance MJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société MDP, mandataires judiciaires associés, prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Oxxa,


2°/ à M. I... D..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Visas 4 commissariat et de M. T..., de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Alliance MJ, es qualités, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué et les productions (Lyon, 13 septembre 2018), la société Visas 4 commissariat a été désignée en qualité de commissaire aux comptes de la société Oxxa par décision de l'assemblée générale de cette société du 23 juin 2010. M. T..., commissaire aux comptes salarié de la société Visas 4 commissariat, a été chargé de la mission auprès de la société Oxxa.

2. Invoquant des manquements, dans l'exercice de leur mandat, de la société Visas 4 commissariat et de M. T..., la société Alliance MJ, agissant en qualité de liquidateur de la société Oxxa, dont le siège social avait été transféré à Lyon le 3 octobre 2013, les a assignés devant le tribunal de grande instance de cette ville en réparation du préjudice subi.

3. Domiciliés à Clermont-Ferrand, la société Visas 4 commissariat et M. T... ont soulevé l'incompétence territoriale de la juridiction saisie.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Visas 4 commissariat et M. T... font grief à l'arrêt de rejeter leur exception d'incompétence, alors :

« 1°/ qu'en matière délictuelle, l'article 46 du code de procédure civile permet au demandeur de saisir la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; que lorsque le fait dommageable est une faute, ces deux options renvoient au lieu où la faute a été commise, à l'exclusion de celui où ont pu ultérieurement être mesurées les conséquences financières des agissements allégués ; qu'une entreprise ne peut ainsi assigner son commissaire aux comptes devant les juridictions de son propre domicile au motif qu'elle y aurait mesuré les conséquences financières de ses agissements ; qu'en l'espèce, pour retenir la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Lyon, la cour d'appel a retenu que "les fautes reprochées au commissaire aux comptes se sont poursuivies en l'espèce après le transfert du siège social de la société Oxxa [la société contrôlée] à Lyon", ce dont elle a cru pouvoir déduire que "le fait dommageable invoqué a donc été commis, au moins pour partie, à Lyon et le dommage éventuel de l'entreprise a été subi à Lyon, de la même façon que celui ayant été subi, dans le cadre de la procédure collective ouverte par le tribunal de commerce de Lyon à l'encontre de la société Oxxa, par la collectivité des créanciers" ; qu'en assimilant ainsi au lieu où le dommage avait été subi celui du siège social de l'entreprise demanderesse, où avaient seulement été mesurées les conséquences financières des agissements allégués, la cour d'appel a violé l'article 46 du code de procédure civile ;

2°/ que la faute commise par un commissaire aux comptes dans l'exercice de ses fonctions doit être localisée là où il a concrètement exercé son activité ; que ce fait dommageable est donc commis au sein des bureaux du commissaire aux comptes s'il a travaillé sur des données numériques ou au sein des locaux de l'entité contrôlée s'il s'y est effectivement déplacé ; qu'en l'espèce, le commissaire aux comptes faisait valoir qu'il avait essentiellement effectué ses contrôles au sein de son propre cabinet en raison de la transmission informatique des livres comptables, et, de manière résiduelle, au siège administratif de la société contrôlée à Chamalières ainsi que sur son site de production à Yssingeaux ; que pourtant, pour retenir la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Lyon, la cour d'appel s'est bornée à relever que "les fautes reprochées au commissaire aux comptes se sont poursuivies en l'espèce après le transfert du siège social de la société Oxxa [la société contrôlée] à Lyon" pour en déduire que "le fait dommageable invoqué a donc été commis, au moins pour partie, à Lyon" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, où le commissaire aux comptes avait concrètement exercé son activité et notamment s'il s'était déplacé au sein des bureaux lyonnais de l'entité contrôlée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 46 du code de procédure civile ;

3°/ que la mission du commissaire aux comptes réside dans la certification des comptes ; qu'il en résulte que le seul fait dommageable susceptible d'être la cause d'une action en responsabilité contre le commissaire aux comptes réside dans la certification de comptes irréguliers ou non sincères ; qu'à l'inverse, le défaut de révélation, par le commissaire aux comptes, de faits délictueux ou de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, ne constitue pas un fait dommageable autonome, puisqu'il n'est que la conséquence d'un défaut de diligences du commissaire dans le cadre de sa mission de certification des comptes ; que pourtant, pour retenir la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Lyon au lieu de celle du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, juridictions du siège social de la société Visas 4 commissariat et du bureau d'où elle avait exercé ses contrôles, la cour d'appel a cru pouvoir énoncer que "les commissaires aux comptes soutiennent à tort en l'espèce que le fait dommageable invoqué à l'encontre du commissaire aux comptes dans le cadre de l'action en responsabilité initiée ne peut être que la certification des comptes et non l'absence de révélation de faits délictueux au procureur de la République alors même que le fait dommageable imputé au commissaire aux comptes est constitué en l'espèce notamment, par le défaut de révélation des irrégularités" ; qu'en estimant ainsi que le défaut de révélation de faits délictueux et de mise en oeuvre d'une procédure d'alerte pouvaient constituer des faits dommageables autonomes, la cour d'appel a violé l'article L. 823-9 du code de commerce ;

4°/ que le défaut de révélation, par un commissaire aux comptes, de faits délictueux au procureur de la République comme le défaut de mise en oeuvre d'une procédure d'alerte auprès du président du tribunal de commerce constituent des faits négatifs, qui ne peuvent être commis qu'au sein des bureaux où le commissaire aux comptes exerce habituellement son activité professionnelle, à l'exclusion du domicile du procureur ou du président du tribunal auxquels il a omis de s'adresser ; qu'en l'espèce, pour retenir la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Lyon, la cour d'appel a estimé, par motifs adoptés du premier juge, que : "s'agissant de manquements aux obligations légales, les défendeurs ne sont pas fondés à soutenir que ces manquements ne pourraient être commis que de leurs bureaux alors même que, depuis le transfert du siège social décidé par les associés quand la société était in bonis, le tribunal de commerce et le Procureur, compétents pour recevoir leurs signalements, étaient à Lyon" ; qu'en estimant ainsi que le défaut de révélation de faits délictueux et de mise en oeuvre d'une procédure d'alerte reproché à un commissaire aux comptes pouvait être localisé dans le ressort du tribunal compétent pour recevoir des signalements qu'il n'avait, par hypothèse, pas effectués, la cour d'appel a violé l'article 46 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Si le lieu où a été commis le manquement du commissaire aux comptes, qui s'est abstenu de révéler des faits délictueux au procureur de la République et de mettre en oeuvre la procédure d'alerte auprès du président
du tribunal, est celui de son domicile professionnel ou du siège de sa société, le lieu où le dommage a été subi est celui du siège de la société contrôlée.

6. Il résulte des constatations de l'arrêt que le siège social de la société Oxxa se trouvait à Lyon à la date des manquements invoqués. Il s'ensuit que le tribunal de grande instance de Lyon était territorialement compétent pour connaître de l'action en responsabilité dirigée contre la société Visas 4 commissariat et M. T....

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Visas 4 commissariat et M. T... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Visas 4 commissariat et M. T... et les condamne à payer à la société Alliance MJ, en qualité de liquidateur de la société Oxxa, la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Visas 4 commissariat et M. T....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré le tribunal de grande instance de Lyon compétent.

AUX MOTIFS QUE « Monsieur A... T... et la société Visas 4 Commissariat soutiennent que la juridiction dans le ressort de laquelle le dommage a été subi s'entend de celle du lieu où ce dommage est survenu, lequel ne saurait être assimilé au lieu où ont pu ultérieurement être mesurées les conséquences financières des agissements allégués ; qu'ils ajoutent que le lieu du fait dommageable reproché à un commissaire aux comptes correspond au lieu d'exécution de sa mission locale ; qu'il ne peut être situé en l'espèce en un lieu ressortissant de la compétence des tribunaux de Lyon dans la mesure où la société Oxxa, dont le siège social lyonnais était fictif, n'a jamais eu une quelconque activité ou disposé d'un quelconque local dans le ressort de ces derniers ;

qu'ils ajoutent qu'au siège de la SELARL Alliance MJ ès qualités qui ne bénéficie d'aucun privilège de juridiction, n'ont été subies que les conséquences du prétendu dommage, peu important le lieu de la destination de la lettre de mission ou de la lettre d'alerte adressée au dirigeant ou encore la lettre de révélation au procureur de la république du tribunal de grande instance de Lyon ;

que la SELARL Alliance MJ ès qualités fait valoir quant à elle que la juridiction compétente en vertu du lieu du dommage qui correspond au lieu du non-respect par le commissaire aux comptes de ses obligations est celle de Lyon, le siège social lyonnais de la société Oxxa depuis le 2 octobre 2013 n'étant nullement fictif alors même que le fait dommageable s'est produit postérieurement à cette date ; qu'elle ajoute que la révélation de faits délictueux au procureur de la république est une faute autonome relevant d'une autre mission autonome du commissaire aux comptes, ne pouvant se confondre avec la certification ou des comptes de l'entité contrôlée ;

qu'elle fait encore valoir que le lieu où le dommage a été subi est bien le lieu du dommage subi par la collectivité des créanciers, dans l'intérêt duquel agit le liquidateur qui la représente ;

sur ce :

que l'article 42 du code de procédure civile dispose que "la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ;

que l'article 46 du même code prévoit par ailleurs qu'en matière de responsabilité délictuelle, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou elle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;

que l'action en responsabilité initiée par la SELARL Alliance MJ ès qualités a pour fondement la mise en cause de la responsabilité civile délictuelle du commissaire aux comptes et de la société de commissariat aux comptes ; qu'elle relève donc de la dualité de compétence territoriale ainsi proposée et que les parties s'opposent sur la détermination de la juridiction compétente en application de l'article 46 susvisé ;

qu'aux termes de l'assignation au fond délivrée le 1er décembre 2016 aux défendeurs, il est reproché à ces derniers "une faute d'une particulière gravité en ne révélant pas au procureur de la République des faits délictueux dont ils auraient dû avoir connaissance s'ils avaient procédé aux vérifications requises par leurs normes professionnelles" et en "n'alertant pas le président du tribunal de commerce des faits de nature à mettre en péril la continuation d'exploitation de la société Oxxa conformément à leurs normes professionnelles" ; qu'il est par ailleurs invoqué un préjudice subi par la collectivité des créanciers de cette société évalué à 2 482 411,05 euros et considéré comme étant en lien avec les deux fautes d'une particulière gravité susvisées ;

que le commissaire aux comptes exerce les missions légales prévues aux articles L. 823-9 à L. 823-12 du code de commerce, consistant dans une mission générale et permanente de vérification, contrôle et surveillance des comptes sociaux de la comptabilité donnant lieu à la certification des comptes, une mission d'information de l'assemblée générale ou de l'organe compétent des irrégularités et inexactitudes relevées par eux au cours de leurs opérations, une mission d'information du procureur de la république, du dirigeant et du président du tribunal de commerce dans le cadre de la procédure d'alerte et une mission d'information du procureur de la république à qui ils sont tenus de révéler les faits délictueux dont ils ont eu connaissance ;

qu'il n'est pas reproché en l'espèce à Monsieur T... et à la société Visas 4 commissariat d'avoir commis une erreur dans la certification des comptes mais d'avoir manqué à leurs obligations faute de révélation au procureur de la République de faits délictueux et faute d'alerte déclenchée auprès du président du tribunal de commerce ;

qu'aucun élément du dossier ne permet comme le soutiennent M. T... et la société Visas 4 commissariat de constater que le siège social de la société Oxxa, transféré à Lyon à compter du 2 octobre 2013, a un caractère fictif alors même que le commissaire aux comptes a été régulièrement convoqué à l'adresse lyonnaise du siège pour l'assemblée générale qui s'est tenue à cette date, que le tribunal de commerce de Lyon n'a pas jugé fictif le siège social de la société domicilée [...] en ouvrant une procédure de redressement judiciaire le 15 juillet 2014 et en prononçant sa liquidation judiciaire le 22 décembre 2015 et que la dernière lettre de mission établie par la société Visas 4 commissariat datant du 9 octobre 2014 a été adressée à la société Oxxa à son siège social lyonnais ;

qu'il ressort des éléments du dossier que les commissaires aux comptes ont adressé une lettre de révélation le 3 juillet 2015 au Procureur de la République de Lyon, visant les dispositions de l'article L. 823-12 alinéas 2 du code de commerce, faisant état de l'existence d'une forte incertitude sur la réalité et l'exhaustivité du chiffre d'affaires comptabilisé au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 ;

qu'il s'avère ainsi que le liquidateur, contrairement à ce que soutiennent les appelants, ne reproche pas uniquement à ces derniers l'absence de révélation de faits délictueux au procureur de la République et l'absence de mise en oeuvre de procédure d'alerte auprès du président du tribunal, au cours de l'exercice clos au 31 décembre 2012, certifié le 11 juin 2013, mais également au cours de l'exercice 2013 et jusqu'à l'ouverture de la procédure collective ;

que la mission permanente de contrôle des commissaires aux comptes laisse la possibilité à ces derniers d'intervenir à tout moment et non uniquement au moment de la certification des comptes et l'absence de révélation de faits délictueux au procureur de la République constitue une faute autonome ne se confondant pas avec la certification ou non des comptes sociaux de l'entité contrôlée ;

que les commissaires aux comptes soutiennent à tort en l'espèce que le fait dommageable invoqué à l'encontre du commissaire aux comptes dans le cadre de l'action en responsabilité initiée ne peut être que la certification des comptes et non l'absence de révélation de faits délictueux au procureur de la République alors même que le fait dommageable imputé au commissaire aux comptes est constitué en l'espèce notamment, par le défaut de révélation des irrégularités, qu'il les aient découvertes et tues ou qu'il les aient lui-même ignorées à cause de ses négligences ou de l'insuffisance de ses contrôles ;

que les fautes reprochées au commissaire aux comptes se sont poursuivies en l'espèce après le transfert du siège social de la société Oxxa à Lyon ;

que le fait dommageable invoqué a donc été commis, au moins pour partie, à Lyon et le dommage éventuel de l'entreprise a été subi à Lyon, de la même façon que celui ayant été subi, dans le cadre de la procédure collective ouverte par le tribunal de commerce de Lyon à l'encontre de la société Oxxa, par la collectivité des créanciers ;

que le tribunal de grande instance de Lyon doit donc être déclaré compétent et l'ordonnance critiquée mérite confirmation » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « selon l'article 42 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ; et selon l'article 46 du même code, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle du lieu où il a été subi ;

que la SAS Oxxa a été constituée le 24 juin 2010 ; qu'elle était initialement domiciliée à Yssingeaux dans le ressort de la juridiction du Puy en Velay ; que la première lettre de mission en date du 6 juin 2011 était d'ailleurs adressée à Yssingeaux ; qu'il est cependant acquis aux débats que le siège social de la société Oxxa est, depuis l'assemblée générale des associés en date du 2 octobre 2013 tenue en présence du commissaire aux comptes, qui la produit à la procédure, fixé à Lyon ;

que la procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 15 juillet 2014 par le tribunal de commerce de Lyon suite à la déclaration de cessation des paiements effectuée par son dirigeant à Lyon ;

que la dernière lettre de mission qui a été établie par la société Visas Commissariat en date du 9 octobre 2014 a été adressée à Oxxa Sas à son siège social à Lyon à l'attention de Monsieur C... ; que cette lettre rappelle au paragraphe 2-4 alinéa 2 les dispositions de l'article L. 823-12 du code de commerce, la mission d'information du procureur de la république relative à la révélation des faits délictueux ; qu'il est d'ailleurs justifié que le commissaire aux comptes a adressé au Procureur de la République de Lyon le 3 juillet 2015 une révélation relative au chiffre d'affaire inexact de la société en vertu de ses obligations légales ;

qu'il est constant que le commissaire aux comptes exerce les missions légales prévues aux articles L. 823-9 à L. 823-12 du code de commerce, à savoir une mission générale et permanente de vérification, contrôle et surveillance des comptes sociaux de la comptabilité, une mission d'information du dirigeant, du procureur de la république et du président du tribunal de commerce dans le cadre de la procédure d'alerte et une mission d'information du procureur de la république : la révélation des faits délictueux ;


qu'en l'espèce, dans son assignation le représentant des créanciers invoque les manquements du commissaire aux comptes à ses obligations légales de révélation découlant de l'article L. 823-12 du code de commerce et notamment la non-révélation des faits délictueux d'escompte de fausses factures et le non-déclenchement de la procédure d'alerte auprès du tribunal de commerce pour préserver la collectivité des créanciers ;

que le juge de la mise en état, qui n'est pas le juge du fond ne peut s'assurer, en contradiction avec ce qui est affirmé par le demandeur à l'incident, que la date du fait dommageable devrait être limitée au 11 juin 2013 alors que la mission du commissaire aux comptes s'est poursuivie jusqu'à sa liquidation et qu'en outre, dans leur plainte au procureur de la république, les défendeurs écrivaient : la suite montrera que ladite société avait mis en place, entre septembre 2012 et mai 2014 – époque à laquelle BNP Paribas Factor avait résilié le mandat de gestion et de recouvrement qu'auparavant elle avait confié à Oxxa – des stratagèmes de plus en plus élaborés pour dissimuler sa fraude ;

que par ailleurs s'agissant de manquements aux obligations légales, les défendeurs ne sont pas fondés à soutenir que ces manquements ne pourraient être commis que de leurs bureaux alors même que, depuis le transfert du siège social décidé par les associés quand la société était in bonis, le tribunal de commerce et le procureur, compétents pour recevoir leurs signalements, étaient à Lyon ;

qu'en application de l'article L. 822-17 du code de commerce, "les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l'égard de la personne morale ou de l'entité que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions ;

que dans le cadre d'une liquidation judiciaire, les créanciers de l'entité contrôlée sont représentés par le liquidateur judiciaire qui a tout pouvoir pour engager une action en dommages et intérêts dans l'intérêt collectif des créanciers sur le fondement de l'article L. 622-20 du code de commerce, applicable à la liquidation judiciaire par renvoi de l'article L. 641-4 et seul le représentant des créanciers peut exercer une action en réparation du préjudice résultant de la diminution de l'actif ou de l'aggravation du passif ;

qu'ainsi, le liquidateur judiciaire agit dans l'intérêt collectif des créanciers, en réparation d'un préjudice subi par la collectivité des créanciers et il est le seul à pouvoir exercer une action en responsabilité à l'encontre du commissaire aux comptes de sorte qu'en l'espèce le lieu où le dommage a été subi est le lieu du dommage subi par la collectivité des créanciers, à savoir le lieu où son représentant, le liquidateur judiciaire, exerce son activité dans le ressort du tribunal qui l'a désigné et où se trouvent les organes de la procédure de liquidation ;

que la juridiction territorialement compétente en vertu de l'article 46 du code de procédure civile est celle de Lyon, lieu où le dommage a été subi » ;

1°/ ALORS QU'en matière délictuelle, l'article 46 du code de procédure civile permet au demandeur de saisir la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; que lorsque le fait dommageable est une faute, ces deux options renvoient au lieu où la faute a été commise, à l'exclusion de celui où ont pu ultérieurement être mesurées les conséquences financières des agissements allégués ; qu'une entreprise ne peut ainsi assigner son commissaire aux comptes devant les juridictions de son propre domicile au motif qu'elle y aurait mesuré les conséquences financières de ses agissements ; qu'en l'espèce, pour retenir la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Lyon, la cour d'appel a retenu que « les fautes reprochées au commissaire aux comptes se sont poursuivies en l'espèce après le transfert du siège social de la société Oxxa [la société contrôlée] à Lyon » (v. arrêt attaqué p. 6, § 4), ce dont elle a cru pouvoir déduire que « le fait dommageable invoqué a donc été commis, au moins pour partie, à Lyon et le dommage éventuel de l'entreprise a été subi à Lyon, de la même façon que celui ayant été subi, dans le cadre de la procédure collective ouverte par le tribunal de commerce de Lyon à l'encontre de la société Oxxa, par la collectivité des créanciers » (v. arrêt attaqué p. 6, § 5) ; qu'en assimilant ainsi au lieu où le dommage avait été subi celui du siège social de l'entreprise demanderesse, où avaient seulement été mesurées les conséquences financières des agissements allégués, la cour d'appel a violé l'article 46 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE la faute commise par un commissaire aux comptes dans l'exercice de ses fonctions doit être localisée là où il a concrètement exercé son activité ; que ce fait dommageable est donc commis au sein des bureaux du commissaire aux comptes s'il a travaillé sur des données numériques ou au sein des locaux de l'entité contrôlée s'il s'y est effectivement déplacé ; qu'en l'espèce, le commissaire aux comptes faisait valoir qu'il avait essentiellement effectué ses contrôles au sein de son propre cabinet en raison de la transmission informatique des livres comptables, et, de manière résiduelle, au siège administratif de la société contrôlée à Chamalières ainsi que sur son site de production à Yssingeaux ; que pourtant, pour retenir la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Lyon, la cour d'appel s'est bornée à relever que « les fautes reprochées au commissaire aux comptes se sont poursuivies en l'espèce après le transfert du siège social de la société Oxxa [la société contrôlée] à Lyon » (v. arrêt attaqué p. 6, § 4) pour en déduire que « le fait dommageable invoqué a donc été commis, au moins pour partie, à Lyon » (v. arrêt attaqué p. 6, § 5) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, où le commissaire aux comptes avait concrètement exercé son activité et notamment s'il s'était déplacé au sein des bureaux lyonnais de l'entité contrôlée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 46 du code de procédure civile.

3°/ ALORS QUE la mission du commissaire aux comptes réside dans la certification des comptes ; qu'il en résulte que le seul fait dommageable susceptible d'être la cause d'une action en responsabilité contre le commissaire aux comptes réside dans la certification de comptes irréguliers ou non sincères ; qu'à l'inverse, le défaut de révélation, par le commissaire aux comptes, de faits délictueux ou de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, ne constitue pas un fait dommageable autonome, puisqu'il n'est que la conséquence d'un défaut de diligences du commissaire dans le cadre de sa mission de certification des comptes ; que pourtant, pour retenir la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Lyon au lieu de celle du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, juridictions du siège social de la société Visas 4 Commissariat et du bureau d'où elle avait exercé ses contrôles, la cour d'appel a cru pouvoir énoncer que « les commissaires aux comptes soutiennent à tort en l'espèce que le fait dommageable invoqué à l'encontre du commissaire aux comptes dans le cadre de l'action en responsabilité initiée ne peut être que la certification des comptes et non l'absence de révélation de faits délictueux au procureur de la République alors même que le fait dommageable imputé au commissaire aux comptes est constitué en l'espèce notamment, par le défaut de révélation des irrégularités » (v. arrêt attaqué p. 6, § 3) ; qu'en estimant ainsi que le défaut de révélation de faits délictueux et de mise en oeuvre d'une procédure d'alerte pouvaient constituer des faits dommageables autonomes, la cour d'appel a violé l'article L. 823-9 du code de commerce ;

4°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le défaut de révélation, par un commissaire aux comptes, de faits délictueux au Procureur de la République comme le défaut de mise en oeuvre d'une procédure d'alerte auprès du Président du tribunal de commerce constituent des faits négatifs, qui ne peuvent être commis qu'au sein des bureaux où le commissaire aux comptes exerce habituellement son activité professionnelle, à l'exclusion du domicile du Procureur ou du Président du tribunal auxquels il a omis de s'adresser ; qu'en l'espèce, pour retenir la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Lyon, la cour d'appel a estimé, par motifs adoptés du premier juge, que : « s'agissant de manquements aux obligations légales, les défendeurs ne sont pas fondés à soutenir que ces manquements ne pourraient être commis que de leurs bureaux alors même que, depuis le transfert du siège social décidé par les associés quand la société était in bonis, le tribunal de commerce et le Procureur, compétents pour recevoir leurs signalements, étaient à Lyon » (v. production n° 1, p. 7, § 5) ; qu'en estimant ainsi que le défaut de révélation de faits délictueux et de mise en oeuvre d'une procédure d'alerte reproché à un commissaire aux comptes pouvait être localisé dans le ressort du tribunal compétent pour recevoir des signalements qu'il n'avait, par hypothèse, pas effectués, la cour d'appel a violé l'article 46 du code de procédure civile.

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