3 février 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-20.683

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00095

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Vérification et admission des créances - Admission - Créances fiscales - Absence de réclamation contentieuse adressée à l'administration fiscale

Les créances fiscales ne peuvent être contestées, en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, que dans les conditions prévues par le livre des procédures fiscales. En conséquence, doivent être admises les créances fiscales qui n'ont pas donné lieu à une réclamation contentieuse adressée à l'administration, conformément aux dispositions de ce livre

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 février 2021




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 95 F-P

Pourvoi n° Z 19-20.683




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 3 FÉVRIER 2021

1°/ Mme V... B..., domiciliée [...] ,

2°/ la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , en la personne de M. I... G..., agissant en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de Mme V... B...,

ont formé le pourvoi n° Z 19-20.683 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige les opposant au comptable public chargé du recouvrement du pôle de recouvrement spécialisé de la Marne, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la Marne et du directeur général des finances publiques, domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme B... et de la société [...], ès qualités, de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable public chargé du recouvrement du pôle de recouvrement spécialisé de la Marne, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la Marne et du directeur général des finances publiques, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 mai 2019), Mme B... a été mise en redressement judiciaire le 13 février 2018, la société [...] étant désignée mandataire judiciaire.

2. Le comptable public du pôle de recouvrement spécialisé de la Marne a déclaré des créances au passif de la procédure et a été avisé par le mandataire judiciaire le 3 septembre 2018 que la créance était discutée et qu'un rejet serait proposé. Le comptable a répondu au mandataire le 12 octobre suivant et a maintenu sa demande d'admission.

Examen des moyens

Sur les premier et le second moyens, réunis

Enoncé des moyens

3. Mme B... et le mandataire judiciaire font grief à l'arrêt d'admettre les créances déclarées, alors :

« 1°/ que l'absence de justificatifs joints à la déclaration de créance ne caractérise pas une irrégularité de la déclaration de créance ; qu'en retenant, pour autoriser le comptable public à discuter de la proposition de rejet de sa créance contenue dans la lettre de contestation du mandataire judiciaire du 3 septembre 2018 à laquelle il n'avait pas répondu dans le délai de trente jours, que cette lettre, en ce qu'elle indiquait que la déclaration de créance n'était assortie d'aucun justificatif, portait notamment sur la régularité de la déclaration de créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce ;

2°/ que s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées à l'article L. 625-1 du code de commerce, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications et le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances ; qu'en retenant, pour autoriser le comptable public à discuter de la proposition de rejet de sa créance contenue dans la lettre du mandataire judiciaire du 3 septembre 2018 à laquelle il n'avait pas répondu dans le délai de trente jours et admettre ladite créance, que cette lettre, en ce qu'elle indiquait que la déclaration de créance n'était assortie d'aucun justificatif, concernait la régularité de la déclaration, et contenait donc à la fois une contestation sur la régularité de la déclaration et une contestation sur une partie de la créance, quand la lettre de contestation qui mentionnait l'absence de justificatifs et en sollicitait la communication, contestait le montant de la créance et invoquait l'absence de prise en considération de paiements effectuées par Mme B..., débitrice en redressement judiciaire, et constituait donc une discussion sur tout ou partie de la créance au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce, la cour d'appel a violé l'article L. 622-27 du code de commerce ;

3°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que dans sa lettre du 3 septembre 2018 adressée à la direction générale des finances publiques du pôle recouvrement de la Marne, le mandataire judiciaire a indiqué que Mme B..., débiteur en redressement judiciaire, entendait "contester [la] créance" qui [n'était assortie d'aucun justificatif. Mme B... souhaiterait être en possession des différents rôles", et que "par conséquent" (
) en l'absence de justificatif, je proposerai le rejet de la totalité de votre créance au mandataire judiciaire", qu'en retenant néanmoins que le mandataire judiciaire avait contesté la régularité de la déclaration de créance, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre susvisée, a violé l'article 1103 du code civil, ensemble le principe susvisé ;

4°/ que les contestations relatives au recouvrement qui portent sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, et sur l'exigibilité de l'impôt relèvent, en matière d'impôts directs, de la compétence du juge administratif ; qu'en statuant sur le montant de la créance déclarée par l'administration fiscale au passif de Mme B... au titre de l'impôt sur le revenu et de la taxe d'habitation compte tenu des paiements effectués quand il lui appartenait de renvoyer les parties à faire trancher la question relative au montant de la dette compte tenu des paiements effectués, dont dépendait la solution du litige, par la juridiction administrative exclusivement, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 281 et L. 199 du livre des procédures fiscales. »

Réponse de la Cour

4. Les créances fiscales ne peuvent être contestées, en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, que dans les conditions prévues par le livre des procédures fiscales. Doivent donc être admises les créances fiscales qui n'ont pas donné lieu à une réclamation contentieuse adressée à l'administration, conformément aux dispositions de ce livre.

5. Il ressort de l'arrêt que Mme B... n'a pas présenté de réclamation à l'administration fiscale.

6. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

7. Le moyen ne peut donc être accueilli

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme B... et la société [...], en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de cette dernière, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme B... et la société [...], ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le défaut de réponse du comptable public du pôle recouvrement spécialisé de la Marne dans le délai de 30 jours de l'article L. 622-27 du code de commerce n'interdit pas l'admission de sa créance au passif du redressement judiciaire de Mme B... net d'AVOIR admis au passif du redressement judiciaire de Mme B... la créance du comptable public du pôle recouvrement spécialisé de la Marne pour les montants suivants : créances hypothécaires, subsidiairement privilégiées de 27 513,53 euros, créances privilégiées de 106 466,72 euros ;

AUX MOTIFS QUE sur le rejet des créances fondé sur le défaut de réponse dans les 30 jours : l'article L.622-27 du code de commerce dispose que s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications ; que le défaut de réponse de la part du créancier dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances ; l'article R.622-23 du code de commerce précise que la déclaration de créance doit contenir les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre et qu'à cette déclaration doivent être joints sous bordereau les documents justificatifs, ceux-ci pouvant être produits en copie ; qu'à tout moment, le mandataire judiciaire peut demander la production des documents qui n'auraient pas été joints ; il ressort du rapprochement de ces deux textes que la production des documents justificatifs est un élément qui conditionne la régularité de la déclaration de créance et que le défaut de production invoqué par le mandataire judiciaire ne peut être considéré comme constituant une "discussion sur tout ou partie d'une créance" ; les régimes applicables selon qu'il s'agit de "discussion sur tout au partie de la créance" ou de défaut de production de pièces justificatives sont d'ailleurs complètement différents : dans le premier cas la réponse doit être apportée par le créancier dans le délai impératif de 30 jours suivant l'avis de contestation adressé par le mandataire judiciaire au créancier, alors que dans le second cas, le mandataire judiciaire peut demander la production des pièces justificatives à tout moment et celles-ci peuvent être produites à tout moment sans que s'applique le délai impératif de trente jours (d'ailleurs, si le créancier n'a toujours pas produit ses pièces justificatives devant le juge-commissaire appelé à statuer, celui-ci ne peut rejeter la créance sans avoir lui-même demandé au créancier de produire les justificatifs) ; en l'espèce, le mandataire judiciaire a, par lettre recommandée avec AR du 3 septembre 2018, informé le Comptable du PRS 51 que sa créance était contestée sur plusieurs fondements : - déclaration de créances assortie d'aucun justificatif, - versements effectués entre les mains de l'huissier de justice non pris en compte, notamment concernant les impôts sur les revenus 2015 et 2016, - nécessité de fixer l'impôt sur le revenu 2017 à un solde de 9 757 euros ; si les deux derniers points sont constitutifs de contestations du montant de la créance déclarée par le Comptable du PRS 51, le premier point ne porte en revanche que sur la régularité de la déclaration ; or, le juge-commissaire a rejeté les créances déclarées par le Comptable du PRS 51 au motif que ce dernier n'avait pas fait valoir ses observations dans les 30 jours suivant cette lettre du 3 septembre 2018, alors que la sanction du délai de trente jours n'est pas applicable en cas de contestation sur la contestation de la régularité de la déclaration (quand bien même d'autres contestations porteraient parallèlement sur le montant de la créance déclarée) ; par conséquent, le Comptable du PRS 51 était recevable à faire valoir sa créance devant le juge-commissaire nonobstant l'absence de réponse de sa part dans le délai de 30 jours imparti par l'article L.622-27 précité ; aussi l'ordonnance déférée sera-t-elle infirmée sur ce point ;

1) ALORS QUE l'absence de justificatifs joints à la déclaration de créance ne caractérise pas une irrégularité de la déclaration de créance ; qu'en retenant, pour autoriser le comptable public à discuter de la proposition de rejet de sa créance contenue dans la lettre de contestation du mandataire judiciaire du 3 septembre 2018 à laquelle il n'avait pas répondu dans le délai de trente jours, que cette lettre, en ce qu'elle indiquait que la déclaration de créance n'était assortie d'aucune justificatif, portait notamment sur la régularité de la déclaration de créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce ;

2) ALORS QUE s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées à l'article L. 625-1 du code de commerce, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications et le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances ; qu'en retenant, pour autoriser le comptable public à discuter de la proposition de rejet de sa créance contenue dans la lettre du mandataire judiciaire du 3 septembre 2018 à laquelle il n'avait pas répondu dans le délai de trente jours et admettre ladite créance, que cette lettre, en ce qu'elle indiquait que la déclaration de créance n'était assortie d'aucun justificatif, concernait la régularité de la déclaration, et contenait donc à la fois une contestation sur la régularité de la déclaration et une contestation sur une partie de la créance, quand la lettre de contestation qui mentionnait l'absence de justificatifs et en sollicitait la communication, contestait le montant de la créance et invoquait l'absence de prise en considération de paiements effectuées par Mme B..., débitrice en redressement judiciaire, et constituait donc une discussion sur tout ou partie de la créance au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce, la cour d'appel a violé l'article L. 622-27 du code de commerce ;

3) ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que dans sa lettre du 3 septembre 2018 adressée à la direction générale des finances publiques du pôle recouvrement de la Marne, le mandataire judiciaire a indiqué que Mme B..., débiteur en redressement judiciaire, entendait « contester [la] créance » qui [n'était assortie d'aucun justificatif. Madame B... souhaiterait être en possession des différents rôles », et que « par conséquent » (
) en l'absence de justificatif, je proposerai le rejet de la totalité de votre créance au mandataire judiciaire », qu'en retenant néanmoins que le mandataire judiciaire avait contesté la régularité de la déclaration de créance, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre susvisée, a violé l'article 1103 du code civil, ensemble le principe susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR admis au passif du redressement judiciaire de Mme B... la créance du comptable public du pôle recouvrement spécialisé de la Marne pour les montants suivants : créances hypothécaires, subsidiairement privilégiées de 27 513,53 euros, créances privilégiées de 106 466,72 euros ;

AUX MOTIFS QUE sur le bien-fondé de la déclaration de créance du Comptable du PRS 51 : celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; le Comptable du PRS 51 produit aux débats la déclaration de créance qu'il avait adressée à la SCP [...] ès qualités et qui reprend en détail, rôle par rôle, les différents impôts dus par Mme B..., ainsi que les avis qui ont été adressés à cette dernière pour chacun des impôts correspondants ; Mme B... ne conteste pas les montants de ses impôts, se bornant à soutenir que la totalité de ses versements n'auraient pas été pris en compte ; c'est à elle qu'il appartient de prouver les paiements qu'elle aurait faits et qui ne seraient pas pris en compte par l'administration fiscale ; or, la comparaison entre, d'une part, la liste des versements pris en compte par le Trésor public, telle qu'elle figure aux pages 7 et 8 de ses dernières conclusions, et d'autre part les paiements surlignés par Mme B... sur les relevés de compte bancaire qu'elle produits, ne fait apparaître qu'un seul paiement non pris en compte par le fisc : il s'agit du chèque n° [...] débité le 21 octobre 2015 pour un montant de 1 000 euros ; toutefois, Mme B... ne produit pas la photocopie de ce chèque, de sorte qu'il est impossible de déterminer si ce chèque débité de son compte l'a bien été au profit du Trésor public ; il ressort de l'ensemble de ces éléments que les sommes réclamées par le Comptable du PRS 51 sont dues par Mme B... et doivent être admises au passif de son redressement judiciaire, à savoir les sommes suivantes : - créances hypothécaires subsidiairement privilégiées : 27 513,53 euros (dont 26 407,53 euros au titre des impôts sur le revenu et 1 106 euros au titre des taxes d'Habitation), - créances privilégiées : 106 466,72 euros (dont 102 737,15 euros au titre des impôts sur le revenu et 3 729,57 euros au titre des taxes d'habitation) ;

ALORS QUE les contestations relatives au recouvrement qui portent sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, et sur l'exigibilité de l'impôt relèvent, en matière d'impôts directs, de la compétence du juge administratif ; qu'en statuant sur le montant de la créance déclarée par l'administration fiscale au passif de Mme B... au titre de l'impôt sur le revenu et de la taxe d'habitation compte tenu des paiements effectués quand il lui appartenait de renvoyer les parties à faire trancher la question relative à au montant de la dette compte tenu des paiements effectués, dont dépendait la solution du litige, par la juridiction administrative exclusivement, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 281 et L. 199 du livre des procédures fiscales.

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