3 mai 2012
Cour de cassation
Pourvoi n° 11-14.008

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2012:CO00486

Titres et sommaires

IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Visites domiciliaires (article L. 16 B du livre des procédures fiscales) - Déroulement des opérations - Saisie de pièces et documents - Correspondance d'avocat - Secret professionnel - Etendue - Activités de gestion

Il résulte de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 qu'en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. Viole ce texte le premier président qui, pour rejeter le recours d'une société contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, retient que les courriels à l'en-tête de l'avocat de la société, pourvus d'un avis de confidentialité, se rapportaient non à des activités de défense mais de gestion relatives à la domiciliation des installations de la société au Luxembourg, à son raccordement téléphonique, à l'établissement de son bilan, aux retards de paiement de l'impôt au Luxembourg et au paiement des honoraires du commissaire aux comptes, qui auraient pu être exercées par un autre mandataire non protégé

Texte de la décision

COMM.

MFG

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 mai 2012


Cassation partielle


M. ESPEL, président


Arrêt n° 486 FS-P+B

Pourvoi n° D 11-14.008





R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société [D] [X], société à responsabilité limitée, dont le siège est 3 rue du Fort Rheinsheim, L-2419 Luxembourg (Luxembourg),

contre l'ordonnance rendue le 2 mars 2011 par la cour d'appel de Rouen (juridiction du premier président), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, représenté par le chef des services fiscaux direction nationale d'enquêtes fiscales-IV et Vèmes divisions, dont le siège est 6 bis rue Courtois, 93695 Pantin cedex,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 mars 2012, où étaient présents : M. Espel, président, M. Delbano, conseiller référendaire rapporteur, M. Petit, conseiller doyen, M. Jenny, Mmes Pezard, Laporte, Bregeon, M. Le Dauphin, Mme Mandel, MM. Grass, Fédou, Mme Mouillard, M. Zanoto, conseillers, Mme Michel-Amsellem, M. Pietton, Mme Tréard, conseillers référendaires, Mme Batut, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Delbano, conseiller référendaire, les observations de la SCP Odent et Poulet, avocat de la société [D] [X], de Me Foussard, avocat du directeur général des finances publiques, l'avis de Mme Batut, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel et les pièces produites, que, le 3 novembre 2010, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Evreux a autorisé des agents de l'administration fiscale à procéder à des visite et saisies dans les locaux et dépendances sis 1, avenue Pierre et Marie Curie à Aubevoye, susceptibles d'être occupés par la SARL LR logistique et (ou) la société [D] [X] SARL, sis 66, grande rue à Port Mort, susceptibles d'être occupés par la SARL [D] associés et (ou) la SA Cat et (ou) la SA Noao et (ou) Mme [R] et (ou) M. [D] et (ou) la société [D] [X] SARL, et sis 56, rue Saint-Louis à Vernon, susceptibles d'être occupés par Mme [R] et(ou) M. [D] et (ou) la SA Cat et (ou) la société Saint-Louis immobilière SA et (ou) l'association Société des auteurs de Normandie et (ou) la société [D] [X] SARL, en vue de rechercher la preuve de la fraude de la société [D] [X] SARL (la société) au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ; que les opérations se sont déroulées le jour même et que la société a fait appel de l'ordonnance et formé recours à l'encontre du déroulement des opérations de visite ;

Sur le premier moyen :

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Attendu, selon ce texte, qu'en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ;

Attendu que, pour rejeter le recours de la société contre le déroulement des opérations de visite et de saisies, l'ordonnance retient que les courriels à l'en-tête de l'avocat luxembourgeois de la société, pourvus d'un avis de confidentialité, se rapportaient non à des activités de défense mais de gestion relatives à la domiciliation des installations de la société au Luxembourg, à son raccordement téléphonique, à l'établissement de son bilan, aux retards de paiement de l'impôt au Luxembourg et au paiement des honoraires du commissaire aux comptes, qui auraient pu être exercées par un autre mandataire non protégé ;

Attendu qu'en statuant ainsi, le premier président a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a rejeté le recours de la société [D] [X] contre le déroulement des opérations de visite et de saisie l'ordonnance rendue, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Rouen le 2 mars 2011 ; remet en conséquence, sur ce point, la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant la dite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Caen ;

Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour la société [D] [X].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé une ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé une perquisition dans divers locaux et dépendances ;

AUX MOTIFS QUE le juge des libertés et de la détention doit se prononcer au vu des simples présomptions résultant des pièces qui lui sont présentées sans avoir à apprécier la réalité juridique de la soustraction frauduleuse à l'impôt qui en serait le fondement ; que la reprise par l'ordonnance frappée d'appel des arguments développés par l'administration fiscale s'analyse en une adoption de motifs pure et simple, laquelle ne saurait supposer l'absence de contrôle du juge sur les prétentions de la requérante, mais la parfaite adéquation de deux raisonnements distincts ; que sur la notion d'établissement stable, il résulte des pièces versées au débat par l'administration fiscale que la stabilité au Luxembourg de l'établissement de la société [D] [X] est sujette à caution et qu'en revanche celle de son établissement en France paraît suffisamment établie et qu'enfin, sur le caractère limitatif des éléments constitutifs de la soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt, c'est au juge de l'impôt qu'il reviendra, le cas échéant, de se prononcer ;

1°/ ALORS QUE les simples présomptions que le juge des libertés et de la détention peut s'approprier par adoption de motifs doivent être suffisamment qualifiées et précises pour justifier l'autorisation de visite domiciliaire ; qu'en se bornant à reprendre les termes de la demande dont l'administration fiscale l'avait saisi, le juge du fond a méconnu les prescriptions de l'article L.16 B du LPF ;

2°/ ALORS QU'elles et ne doivent pas être constitutives de simples motifs dubitatifs ou hypothétiques ; qu'en n'ayant pas satisfait à cette double condition, l'ordonnance attaquée est entachée d'un double défaut de motivation au regard des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir considéré que les saisies de correspondances d'avocats effectuées lors des visites domiciliaires avaient été régulières ;

AUX MOTIFS QUE ces pièces, émanant de Me [U] et pourvues d'un avis de confidentialité, étaient en réalité relatives à des prestations étrangères à la mission confidentielle qui doit être protégée d'un avocat dans l'exercice de sa mission de défense et que Me [U] était intervenu en qualité de scrutateur lors des assemblées générales de la société [D] [X] ;

ALORS QUE le principe de confidentialité qui protège les relations entre un avocat et son client s'étend, par définition, à l'ensemble des pièces utilisées par l'Administration dans le contentieux qui l'oppose au contribuable ;qu'ainsi, en restreignant le secret professionnel à certaines seulement des pièces échangées entre l'avocat et son client et relatives au litige en cause, le magistrat délégué de la cour d'appel de Rouen a entaché son ordonnance d'une violation de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, modifiée par la loi du 7 avril 1997, et de l'article L. 16 B du LPF

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