22 octobre 2019
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 18/00413

Chambre 1-1

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 22 OCTOBRE 2019



N° 2019/ 569













RG 18/00413 -

N° Portalis DBVB-V-B7C-BBX5B







SELARL BOSIO EVRARD & ASSOCIES





C/



[Y] [H]

[J] [T] épouse [H]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT SCHMITTER



Me François TOUCAS











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 26 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 13/03026.





APPELANTE



SELARL BOSIO EVRARD & ASSOCIES, prise en la personne de son représentant légal

sise [Adresse 4]

représentée par Me David BERNARD de la SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT SCHMITTER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





INTIMES



Monsieur [Y] [H]

né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 7], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me François TOUCAS, avocat au barreau de TOULON



Madame [J] [T] épouse [H]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 6],demeurant [Adresse 3]

représentée par Me François TOUCAS, avocat au barreau de TOULON













*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :





Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, rapporteur,

Mme Danielle DEMONT, Conseiller







qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Mme Marcy FEDJAKH.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2019.







ARRÊT



contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2019,



Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Agnès SOULIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.








***



























































Exposé :



Par jugement contradictoire du 26 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Grasse a statué ainsi qu'il suit :

- écarte les fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt à agir et de la prescription, soulevées par la Selarl Bosio Evrard,

- déclare la Selarl Bosio Evrard, rédacteur de l'acte de cession des parts sociales de la société Café du Port responsable du préjudice subi par M et Mme [H] à raison du manquement de cette société d'avocats à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde,

- fixe le préjudice financier au titre de la perte de chance de ne pas contracter l'acte de cession de parts à la somme de 260'000 €,

- condamne en conséquence la Selarl Bosio Evrard à verser à M. et Mme [H] la somme de 260'000 € (130'000 € à chacun d'eux) au titre de la perte de chance, la somme de 10'000 € à chacun au titre de leur préjudice moral, la somme de 1200 € à chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejette la demande d'exécution provisoire,

- rejette les demandes plus amples,

- condamne la Selarl Bosio Evrard aux dépens.



Le tribunal a essentiellement considéré que les dispositions de l'acte en cause qui est un acte de cession de parts sociales étaient ambiguës car elles laissaient penser aux acquéreurs que leurs relations avec les concédants relevaient de la réglementation des baux commerciaux et qu'ils bénéficiaient du statut de la propriété commerciale alors qu'il n'en était rien ; qu'il appartenait en conséquence au rédacteur d'informer les acquéreurs de cette spécificité sur le titre de leur occupation susceptible d'hypothéquer l'exploitation pour l'avenir de l'établissement et les limites des droits de la société Café du Port au regard de la situation des locaux sur le domaine public maritime de la commune de [Localité 8] excluant l'application du décret du 30 septembre 1953 sur les baux commerciaux ainsi que du fait que la concession privée dépendait de la concession administrative, alors que les concessions privées possédaient les apparences (durée de neuf ans, droit au renouvellement, indemnité d'éviction) de l'application possible du décret du 30 septembre 1953.



Le tribunal a donc jugé que l'avocat avait commis une faute en ne s'assurant pas que les concédants avaient le droit de concéder à leur tour l'occupation par la vérification de leurs titres alors que ceux-ci leur donnaient un droit personnel, précaire et révocable et encore qu'il avait manqué à son devoir d'information, de conseil et de mise en garde à l'égard des cessionnaires sur les risques encourus du fait que l'exploitation d'un fonds de commerce dans des locaux situés sur le domaine public ne leur permettait pas de bénéficier du statut des baux commerciaux.

Il a retenu que c'est le caractère illicite des titres d'occupation qui a conduit à la mise en demeure d'enlèvement des différentes constructions ; que le préjudice consiste en une perte de chance de ne pas contracter et dans l'impossibilité de prétendre à la propriété commerciale, les risques encourus s'étant réalisés avec la mise en demeure.

Il a évalué le préjudice à 260'000 € en excluant les réclamations au titre des frais de l'acte, des frais financiers du prêt, de la perte par les époux [H] de leurs comptes courants et de la perte de l'investissement dans le développement de la société.



La Selarl Bosio Evrard a relevé appel de cette décision le 8 janvier 2018.





Elle a conclu le 28 juin 2018 en demandant de :

- réformer le jugement et rejeter les demandes des époux [H] qui ne font pas la preuve nécessaire à engager sa responsabilité professionnelle en ce qui concerne la faute en lien de causalité directe avec un préjudice né et certain,

- à titre subsidiaire, dire que la base de calcul de la réparation de la perte de chance devra être fixée à 186'597 €, soit, pour une perte de chance de 15 %, la somme de 27'989 €,

- rejeter les demandes plus amples,

- condamner M. et Mme [H] à lui verser la somme de 8000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.



M. et Mme [H] ont conclu le19 avril 2018 en demandant de :

- dire qu'en l'état de l'appel limité par la déclaration du 8 janvier 2018, le jugement est devenu définitif en ce qu'il a écarté les fins de non recevoir de prescription et de défaut de qualité, en ce qu'il a rejeté la demande de l'appelant pour procédure abusive,

- faire droit à leur appel incident,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'appelant à réparer les préjudices des époux [H] mais en réformer le montant,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de réparation au titre des frais d'acte, des frais financiers liés à la souscription du prêt, de la perte de leurs comptes courants d'associés et de l'indemnisation réclamée pour la perte de l'investissement dans le développement de la société Café du Port,

- condamner l'appelante à verser à M. et Mme [H], chacun pour moitié, au titre du préjudice né de la perte du prix d'achat des parts sociales la somme de 391'795,97 €, au titre du préjudice né de l'usure de l'argent les intérêts au taux légal échus sur les sommes précédentes depuis le 30 septembre 1997 avec anatocisme, au titre du préjudice né du coût du prêt souscrit à la BNP pour participer à l'acquisition des parts litigieuses la somme de 76'312,12 euros outre mémoire, au titre du préjudice né de la perte de l'investissement vain de M. [H] dans le développement de la société Café du Port la somme de 119'621,06€,

- condamner l'appelante à verser à M. [H] au titre de la perte du compte courant d'associés 7070,82 euros avec intérêts au taux légal depuis le 15 janvier 2001 et anatocisme, et la somme de 15'000 € au titre des préjudices moraux,

- condamner l'appelante à verser à Mme [H] au titre de la perte du compte courant 7409,68 euros avec anatocisme et intérêts au taux légal depuis le 15 janvier 2001, et au titre des préjudices moraux la somme de 15000€,

- condamner l'appelante à verser à M. [H] au titre du préjudice né de la perte de l'investissement vain dans le développement de la société Café du Port la somme de 59 810,53 euros et la même somme à Mme [H],

- subsidiairement au cas où la cour estimerait que l'expertise destinée à évaluer l'indemnité d'éviction n'est pas opposable à l'appelante, désigner un nouvel expert pour déterminer la plus-value apportée par chacun des époux [H] à la société Café du Port depuis le 30 août 1997 jusqu'au jour de la démolition effective des locaux ordonnée par le préfet des [Localité 5] ainsi que celle qui aurait été ultérieurement apportée dans l'hypothèse où l'exploitation commerciale aurait pu continuer légalement dans ces locaux,

- condamner l'appelante à leur verser à chacun à titre de provision 59'810,53 euros à valoir sur la réparation définitive de ce préjudice,

- très subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Selarl Bosio Evrard à réparer les préjudices respectifs de chacun des époux, mais le réformer à la hausse sur le montant des dommages et intérêts retenus de 260 000€,

- condamner l'appelante aux entiers dépens et à verser à chacun des époux la somme de 2400 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.





L'ordonnance de clôture a été prise le 25 juin 2019.



Postérieurement à cette ordonnance, le 12 septembre 2019, les intimés ont conclu et communiqué de nouvelles pièces.

L'appelant a conclu au rejet desdites pièces et conclusions.

Aucune cause grave n'étant cependant justifiée, les conclusions et les pièces ainsi communiquées seront déclarées irrecevables, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture étant, dans ces conditions, rejetée.






Motifs



L'appréciation des faits de la cause nécessite le rappel des éléments suivants :



Par acte sous seing privé du 30 septembre 1997, enregistré le 6 octobre 1997, les parts sociales de la société Café du Port qui exploitait un fonds de commerce de snack, bar, brasserie, restaurant dans les cellules 22, 23 et 24 du port de [Localité 8] en vertu de deux contrats de concession de droit privé, respectivement conclus le 22 mars 1985 et le 28 décembre 1987 par Mme [P] pour les deux premières cellules et par les époux [X] pour la troisième, contrats renouvelés en 1994 et 1996, ont été cédées à M. et Mme [H] moyennant le prix de 1'700'000 frs.

L'acquisition a été financée au moyen de deux prêts de 850'000 frs et 450'000 frs souscrits auprès de la BNP.



L'acte de cession de parts sociales a été rédigé par Me Evrard, membre de la Selarl Bosio Evrard, avocats.



Par un avis de police de grande voirie en date du 21 juin 2000, M. [H], en qualité de représentant de la société Café du Port, a été informé par la préfecture des [Localité 5] qu'il était occupant sans droit ni titre, depuis le 17 mai 2000, du domaine public portuaire concédé à la commune de [Localité 8] par des installations qu'il a été invité à enlever :

- dans un délai de six mois maximum pour la construction entièrement close et couverte dans l'avancée du bâtiment d'origine représentant une emprise au sol de 83 m² environ

- et dans un délai maximum d'un mois pour la terrasse d'environ 14 m² sous peine de verbalisation.



Le président du tribunal de grande instance de Grasse statuant en référé a, par ailleurs, le 11 octobre 2000, constaté le jeu de la clause résolutoire relativement au contrat d'occupation des cellules 22 et 23, a ordonné l'expulsion de la société Café du Port et a prononcé une condamnation au titre des redevances impayées depuis le mois de janvier 2000.



La liquidation de la société Café du Port a été prononcée par une décision du tribunal de commerce d'Antibes le 19 janvier 2001, Me [S] étant nommé liquidateur.



Enfin, le 2 février 2001, il a été procédé au démontage des installations visées par l'avis de police et le 5 septembre 2008, le tribunal de commerce d'Antibes a rejeté l'action en nullité de l'acte de cession des parts engagée par les époux [H] à l'encontre de leur cédant sur le fondement de l'absence de cause et d'objet et sur l'erreur, cette décision ayant été confirmée en appel par un arrêt du 17 décembre 2010.





Dans le cadre du présent litige, M et Mme [H] reprochent à la société d'avocats d'avoir manqué à son obligation d'efficacité et à son obligation de conseil et de mise en garde notamment en ne les alertant pas sur le caractère illicite des concessions des cellules abritant le local commercial exploité par la société Café du Port, situées sur le domaine public.



Il sera, en droit, au préalable rappelé :

- qu'en sa qualité de rédacteur d'acte, l'avocat a l'obligation d'assurer la validité et l'efficacité de l'acte qu'il établit et qu'il est également tenu d'une obligation contractuelle de conseil ainsi que d'une obligation d'information sur la portée exacte des conséquences juridiques de l'acte et sur les risques prévisibles consécutifs à cet acte, la charge de la preuve de l'exécution de ces obligations incombant au professionnel.



- que l'acte litigieux est un acte de cession de parts sociales, et non un acte de cession de fonds de commerce ou de cession de droit au bail, ou encore de cession d'un quelconque autre titre d'occupation ; que dans ce cadre, le rédacteur d'acte doit, certes, s'assurer de son efficacité, et s'exécuter de son obligation de conseil à l'égard des parties, mais que ces obligations doivent s'entendre par rapport à l'objet de l'acte, à savoir en l'espèce, une cession de parts ; qu'ainsi s'il doit de façon générale veiller à une absence de contradiction des dispositions de l'acte, il doit plus spécifiquement par exemple vérifier que les parts, objets de la cession, sont cessibles, notamment par rapport aux dispositions statutaires, également qu'elles ne sont pas nanties notamment par une vérification auprès du greffe du tribunal de commerce, et il doit aussi veiller aux intérêts des parties en ce qui concerne la garantie d'actif et de passif ; que dans ces conditions la question de la portée du titre d'occupation des locaux dans lesquels est exploité le fonds de la société dont les parts sont cédées est sans lien direct avec celle touchant à la validité ou aux conditions de la cession des valeurs mobilières en cause .



Ces différents principes ainsi posés, il sera considéré que l'acte de cession litigieux expose :

- que la cellule 24 a fait l'objet d'une concession de neuf années renouvelables, consentie par les époux [X], titulaires de 27 actions dans la société Yacht club international, affectées du droit privatif à l'exploitation et occupation du local commercial n°24 pour une redevance initiale de 43'200 frs par an, la concession étant arrivée à renouvellement le 31 décembre 1996,

- et que les cellules 22 et 23 font l'objet d'une concession de droit privé accordée par Mme [P], titulaire d'actions dans la société Yacht club international affectées d'un droit privatif à l'occupation et exploitation des locaux n° 22 et 23 pour une redevance initiale de 62'541 frs par an, cette concession étant venue à renouvellement le 31 mars 1994.

Que l'information ainsi donnée, extrêmement détaillée en ce qui concerne le titre d'occupation (sa date d'établissement, sa nature, le fait que le droit d'exploitation soit affecté aux actions, le visa exact du nombre d'actions donnant droit à la jouissance, le prix de la redevance à acquitter, le renouvellement accordé), n'évoque à aucun moment le principe d'une jouissance des locaux assise sur un droit au bail de nature commerciale ;

Qu'elle fait, en revanche, référence à des contrats expressément qualifiés de 'concession', qui de surcroît y sont annexés en leur intégralité, alors que s'agissant d'un acte de cession de valeurs mobilières, aucune obligation de joindre lesdits actes n'existait ni n'est au demeurant usuelle ;

Que s'il existe une utilisation de termes se référant à la notion de bail, les éléments par ailleurs donnés sur la nature du titre d'occupation sont suffisamment clairs, précis et explicites pour dissiper toute doute à ce sujet ;



Qu'en toute hypothèse, s'agissant du manquement à l'obligation d'efficacité, d'une part, aucune décision n'a jugé nul l'acte de cession de parts sociales, celles rendues à propos des époux [H] les ayant au contraire déboutés de leurs prétentions et celles rendues dans d'autres affaires l'ayant été relativement à des titres qualifiés 'bail commercial' ; que d'autre part, aucun élément ne vient démontrer, contrairement à ce que les époux [H] affirment, que les actes de concession sur lesquels l'exploitation du fonds de commerce est assise seraient nuls ou invalides, aucune décision n'étant, en effet, intervenue pour consacrer la situation ainsi prétendue et aucune information n'étant donnée sur la suite des assignations délivrées le 9 février 2000 par les époux [H] tendant à la nullité de la convention de cession de droits d'occupation et d'exploitation du 28 décembre 1987 concernant les époux [X] et de celle du 22 mars 1985 concernant Mme [P], les prétentions y exposées étant fondées sur les articles R 57 -7 du code du domaine de l'État et 1134 du Code civil.

Qu'enfin, il n'y a pas eu d'éviction des parts sociales cédées, le transfert de celles-ci ayant bien été réalisé et qu'aucun grief ne peut être fait à l'avocat en ce qui concerne la demande préfectorale de démolition des constructions visées par l'avertissement du 21 juin 2000, dès lors en effet qu'il n'était pas censé connaître l'existence de ces constructions, qu'il n'a pas visité les lieux, et que rien dans l'acte n'était susceptible d'éveiller son attention sur cette question.



Que s'agissant du manquement à l'obligation de conseil et de mise en garde, il ne peut être utilement prétendu qu'il n'y a pas de mention de la nature particulière du titre d'occupation dont découle sa précarité ainsi que des limites des droits de la société Café du Port, dans la mesure où il est mentionné, dès le préambule, du contrat de concession privée consenti par les époux [X], que les installations sont situées sur le domaine public maritime, que la concession expire en 2025, sauf retrait anticipé à l'initiative de l'État, et que s'il y est fait à plusieurs reprises effectivement référence à la législation sur les baux commerciaux, à aucun moment, ledit contrat n'est, en revanche, qualifié de bail commercial ;

Qu'en outre, en ce qui concerne l'indemnité d'éviction, elle y est prévue en son principe, mais d'une part, limitée à un non-renouvellement survenant pendant la durée de validité du sous-traité passé entre la commune et la société Yacht club international et d'autre part, aussitôt tempérée par le fait qu' à l'expiration du sous-traité ou en cas de retrait pour quelque cause que ce soit, les engagements des parties seront résolus de plein droit à la date effective de cessation du sous-traité sans indemnité à la charge du concédant.

Qu'ainsi, plusieurs dispositions de l'acte de concession passé par les époux [X] attiraient clairement l'attention des cessionnaires, vu les éléments détaillés y énoncés, sur tous les mécanismes contractuels y définis, sur les particularités en résultant pour leur titre d'occupation et sur les limites consécutives des droits de la société Café du Port.



Qu'il en est de même de l'acte passé entre Mme [P] et la société Café du Port, qui certes n'est pas identique au précédent, mais qui mentionne, dès les premières lignes de son exposé, que les cellules ont été édifiées sur le domaine maritime en vertu d'une concession consentie par l'État à la commune, ladite concession faisant l'objet d'un sous-traité passé avec la société Yacht club international, qui précise bien qu'en vertu de ces actes, la concession s'achève le 31 décembre 2025, et que les installations reviendront alors à l'État ou à la commune qui en sera le nouveau propriétaire ;

Que même si plusieurs des dispositions liant Mme [P] à la société Café du Port se réfèrent également à la notion de bail, le contrat s'intitule ' concession de droit privé' , reprend cette dénomination à plusieurs reprises dans son déroulé et qu'un autre tempérament est apporté au paragraphe sur l'indemnité d'éviction, ce contrat prévoyant, en effet, que Mme [P] s'engage à rétrocéder à la société Café du Port les indemnités qu'elle pourrait percevoir en sa qualité d'actionnaire.

Qu'ainsi, ces dispositions sont également très claires en ce que le titre d'occupation mentionne, dès le début de l'acte, le fait que l'occupation qu'il octroie concerne le domaine public maritime, de sorte qu'à raison de la situation ainsi indiquée et également de ses autres stipulations venant amodier les références aux dispositions du bail commercial, il n'est nullement assimilable à un bail commercial.



Dans ces conditions, la clause aux termes de laquelle les cédants reconnaissent qu'ils ne font pas actuellement et qu'ils ne sont pas susceptibles ultérieurement d'être l'objet de poursuites pouvant entraîner la confiscation totale ou partielle de leurs biens, ou concernant l'exploitation du fonds, susceptibles d'entraver l'exploitation par le cessionnaire ou de troubler la jouissance paisible à laquelle il peut prétendre et celle stipulant que rien dans leur situation juridique ne s'oppose à la libre disposition des parts sociales et à la jouissance de ces dernières par le cessionnaire, ne peuvent également s'entendre que par rapport à l'objet de l'acte (cession de parts) et aux conditions de la jouissance des locaux dont les cessionnaires savent, non seulement qu'elle s'exercera dans les limites de temps de la concession initiale ( 2025) avec de surcroît, une possibilité de retrait anticipé mais aussi les conséquences en ce qui concerne la stabilité de leur droit de jouissance, laquelle est directement liée à la durée de la concession et à cette faculté de retrait.



Enfin, même si la propriété commerciale est effectivement incompatible avec le domaine public maritime, aucun des actes en cause ne peut, vu les observations précédentes, être considéré comme donnant la propriété commerciale ou comme étant à ce propos entaché d'ambiguïté , étant à ce propos à nouveau rappelé que vu l'acte en cause qui ne visait donc qu'à un transfert de parts sociales, l'avocat, tenu d'un devoir de conseil s'appréciant dans les limites de l'objet de l'acte qu'il est chargé de dresser, ne peut se voir reprocher de ne pas avoir vérifié les titres d'occupation des locaux dans lesquels est exploité le fonds de la société dont les parts étaient cédées.



Aucune faute ne sera, par suite, retenue contre la société Bosio Evrard et le jugement sera, en conséquence, infirmé, sauf en ce qui concerne ses dispositions non critiquées relatives au rejet des fins de non recevoir, M. et Mme [H] se trouvant déboutés de toutes leurs demandes.



Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile en dernier ressort,



Rejette la demande de révocation de la clôture et déclare irrecevables les pièces et conclusions notifiées par les intimés le 12 septembre 2019.



Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf celles non critiquées relatives au rejet des fins de non recevoir et statuant à nouveau :



Rejette toutes les demandes de M. et Mme [H],



Condamne M. et Mme [H] à payer à la Selarl Bosio Evrad la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. et Mme [H] à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.







LE GREFFIERLE PRESIDENT

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