24 octobre 2019
Cour d'appel de Versailles
RG n° 19/02078

14e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 00A



14e chambre



ARRÊT N°



RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE



DU 24 OCTOBRE 2019



N° RG 19/02078 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TCUD



AFFAIRE :



SA [1] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité





C/

[I] [P]

...





Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 18 Février 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE



N° RG : 18/02908



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me [professionnel F] [professionnel R]



Me [professionnel P] [professionnel D]



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



SA [1] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 19131

assistée de Me Jérôme CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1216 -





APPELANTE

****************



Monsieur [I] [P]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 8]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20190176

assisté de Me Alice DUPONT-BARRELIER, avocat au barreau de CAEN



Madame [M] [P]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20190176

assistée de Me Alice DUPONT-BARRELIER, avocat au barreau de CAEN



Madame [L] [P]

née le [Date naissance 3] 1986 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20190176

assistée de Me Alice DUPONT-BARRELIER, avocat au barreau de CAEN



Société [3] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 5]

[Localité 6]



assignée à personne habilitée - non représentée





LA [2] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 2]

[Localité 4]



assignée à personne habilitée - non représentée







CPAM DE BASSE NORMANDIE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 1]



assignée à personne habilitée - non représentée







INTIMES

****************





Composition de la cour :



L'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 septembre 2019, Madame [professionnel N] [professionnel S], conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :



Madame [professionnel B] [professionnel O], président,

Madame [professionnel N] [professionnel S], conseiller,

Madame [professionnel U] [professionnel T], conseiller,



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Madame [professionnel Q] [professionnel M]




EXPOSE DU LITIGE



Le 30 juillet 2008, M. [I] [P] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il circulait à bicyclette. Il a été percuté par un véhicule conduit par M. [R] [H] assuré auprès de la SA [1].



Victime de graves blessures et d'un traumatisme crânien, M. [I] [P] n'a pu regagner son domicile qu'à compter du 6 décembre 2008. Il a par la suite été hospitalisé deux jours par semaine entre mai et septembre 2009 à cause de la persistance de ses troubles neuropsychologiques.



Par jugement du 12 juillet 2010, le conducteur du véhicule a été condamné par le tribunal correctionnel d'Avignon pour les infractions de blessures involontaires avec incapacité de travail supérieure à 3 mois et conduite à une vitesse excessive.



La société [1] a diligenté la procédure légale d'indemnisation et mandaté le docteur [O] afin d'examiner M. [I] [P] et lui a versé une provision de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel.



Le docteur [O] a procédé à deux examens médicaux les 11 septembre 2009 et 8 janvier 2014, concluant à la consolidation de l'état de la victime au 1er juin 2011 et à la nécessité d'évaluer certains postes de préjudice avec l'intervention d'un sapiteur spécialisé en neurologie, le professeur [Z].





Contestant le caractère unilatéral des deux rapports alors même qu'il avait manifesté le souhait d'être assisté d'un médecin-conseil, le docteur [W], et les conclusions partielles de l'expert amiable, M. [I] [P] ainsi que Mme [M] [P], sa soeur, et Mme [L] [P], sa nièce, ont fait assigner en référé, le 27 septembre 2018, devant le président du tribunal de grande instance de Nanterre la société [3] et la société [1] sollicitant la désignation d'un expert judiciaire neurologue, la communication à M. [I] [P] des notes techniques établies par le docteur [O] à l'issue de ses examens et le paiement de provisions.



Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 18 février 2019, le juge des référés a :



- ordonné une expertise médicale et commis pour y procéder M. [G] [E], exerçant au [Adresse 8], avec mission d'évaluer les séquelles et l'incapacité fonctionnelle de la victime,

- fixé à la somme de 1 200 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, dont la consignation incombe à la SA [1], avec faculté de substitution en cas de carence au profit de M. [I] [P],

- condamné, à titre provisionnel, la SA [1] à payer à M. [I] [P] la somme de 100 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice, et la somme de 2 000 euros à valoir sur les frais d'instance,

- condamné, à titre provisionnel, la SA [1] à payer à Mme [M] [P] et Mme [L] [P] chacune la somme de 2 000 euros à valoir sur la réparation de leur préjudice,

- enjoint à la SA [1] de communiquer à M. [I] [P] les notes techniques établies par le docteur [O] à l'issue des examens du 11 septembre 2009 et 8 janvier 2014 et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai et ce, pendant 90 jours,

- condamné la SA [1] à payer à M. [I] [P] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA [1] à payer à Mme [M] [P] et Mme [L] [P] chacune la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré la décision commune à la CPAM de Basse-Normandie et à la [2],

- condamné la SA [1] aux dépens.



Par acte du 21 mars 2019, la société [1] a relevé appel de la décision, seulement en ce qu'elle :

- l'a enjointe de communiquer à M. [I] [P] les notes techniques établies par le docteur [O] à l'issue des examens du 11 septembre 2009 et 8 janvier 2014 et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai et ce, pendant 90 jours,

- l'a condamnée à payer à M. [I] [P] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée à payer à Mme [M] [P] et Mme [L] [P] chacune la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux dépens.




Dans ses conclusions transmises le 19 avril 2019, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société [1], appelante, demande à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile et de l'article 226-13 du code pénal, de:



- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle l'a enjoint sous astreinte de communiquer les notes techniques confidentielles établies par le docteur [O],



- confirmer le surplus,



- dire n'y avoir lieu à référé sur l'article 700 du code de procédure civile.





Dans leurs dernières conclusions, transmises le 7 mai 2019, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [I] [P], Mme [M] [P] et Mme [L] [P], intimés, demandent à la cour, au visa des articles L. 1111-7 du code de la santé publique et R. 211-34 du code des assurances, de :



- déclarer la SA [1] mal fondée en son appel,



- confirmer purement et simplement l'ordonnance de référé,



En conséquence,



- enjoindre à la SA [1] de communiquer à M. [I] [P] les notes techniques établies par le docteur [O] à l'issue des examens du 11 septembre 2009 et 8 janvier 2014 sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance,



- condamner la SA [1] à payer à M. [I] [P] une indemnité de 2 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



La [2], la CPAM de Basse-Normandie et la société [3], auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée les 9, 10 et 15 avril 2019 par remise de l'acte à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 septembre 2019.






MOTIFS DE LA DECISION



Sur la demande de communication de pièces



Il résulte de la combinaison des articles 10, 11 et 145 du code de procédure civile qu'il peut être ordonné à un tiers ou une partie de produire tout document qu'elle détient, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.



La société [1] rappelle que la demande de M. [P] était fondée à l'origine sur l'existence de conclusions incomplètes du docteur [O] et motivée par la nécessité d'obtenir des éléments complémentaires au soutien de sa demande de provision.



Elle fait valoir que les notes techniques dont il est réclamé la communication constituent des outils de travail internes à l'assureur pour lui permettre d'effectuer le provisionnement technique du dossier et que seul le rapport d'expertise est soumis à l'obligation de transmission selon l'article R.211-4 du code des assurances.



Elle ajoute que ces notes techniques établies par le médecin-conseil d'assurance, conseil technique de l'assureur, dont la pratique est validée par l'ordre des médecins, peuvent contenir des éléments autres que médicaux et strictement confidentiels relatifs à la stratégie financière de la société et que ces notes techniques sont couvertes par le secret professionnel selon l'article 226-3 du code pénal.



M. [P] rappelle qu'en vertu de l'article L.1111-7 du code de la santé publique, il peut avoir accès aux informations médicales le concernant et souligne que l'ordre des médecins n'interdit pas la communication à la victime de la note technique à caractère confidentiel, laquelle, si elle ne doit pas être communiquée à des tiers, peut l'être au patient, auquel le secret médical n'est pas opposable. Il ajoute qu'il ne réclame que la communication de l'évaluation prévisionnelle de son dommage corporel tel qu'envisagé par le médecin-conseil d'[1] et que ses propres médecins-conseils ont précisément transmis leur évaluations prévisionnelles pour la loyauté des débats et le respect du contradictoire.



La cour relève à titre liminaire que la demande de M. [P] porte sur la communication 'des notes techniques établies par le docteur [O] à l'issue des examens du 11 septembre 2009 et 8 janvier 2014" dans les termes ordonnés par le premier juge, étant souligné que la pratique de la note technique confidentielle rédigée par le médecin-conseil de l'assureur qui réalise l'expertise amiable de la victime n'est pas contestée.



Les deux rapports médicaux établis en 2009 et 2014 comportent des conclusions médico-légales prévisionnelles limitées aux durées de la gêne temporaire totale et partielle, de l'arrêt de travail imputable et de la date de consolidation.



Si le dernier rapport établi par le docteur [O] le 8 janvier 2014 ne comporte aucune évaluation même provisoire des différents chefs de préjudice de M. [P], il est toutefois mentionné que l'examen a été réalisé en présence du docteur [W] assistant la victime et que les chefs de préjudice devront être déterminés à l'issue de l'examen par un sapiteur neurologue, 'les deux confrères s'étant accordés sur le choix du professeur [Z], neurologue au CHU de la Pitié Salpêtrière'.



M. [P], dont la demande de communication n'est pas suffisamment précise, et ce, également en cause d'appel, en ce qu'elle n'est pas limitée à ses données strictement médicales auxquelles il doit pouvoir avoir accès, ne démontre pas son intérêt légitime à obtenir les documents réclamés, dont l'existence même n'est pas établie de manière certaine, et pour lesquels l'assureur fait valoir, sans être utilement contredit, qu'ils peuvent contenir, outre des éléments médicaux, des informations strictement confidentielles d'ordre administratif et financier destinées à sa seule intention, alors même que son droit à indemnisation intégrale n'est pas contesté par la société [1] qui lui a déjà versé des provisions, qu'une expertise médicale judiciaire a été ordonnée à sa demande qui permettra d'évaluer l'intégralité de ses postes de préjudice et que rien ne lui interdit de former des demandes de provisions sur la base des rapports établis par ses médecins-conseils en 2010 et 2013, auxquels ne peuvent être opposées en l'état les conclusions provisoires du docteur [O] qui sont inexistantes.



Dès lors c'est à tort que le premier juge a ordonné la communication sous astreinte des notes techniques établies par le docteur [O] à l'issue de ses examens du 11 septembre 2009 et 8 janvier 2014.



L'ordonnance déférée sera donc infirmée de ce chef et la cour, statuant à nouveau, déboute M. [P] de sa demande de communication de pièces.



Sur les autres demandes



L'ordonnance sera en revanche confirmée du chef des condamnations prononcées à l'encontre de la société [1] fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance.



Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



Enfin, chacune des parties conservera à sa charge les dépens d'appel par elle exposés.















PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,





INFIRME l'ordonnance rendue le 18 février 2019 en ce qu'elle a enjoint à la société [1] de communiquer à M. [P] les notes techniques établies par le docteur [O] à l'issue des examens du 11 septembre 2009 et 8 janvier 2014, et ce, dans le délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai et ce, pendant 90 jours,



LA CONFIRME du chef des condamnations prononcées à l'encontre de la société [1] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,



STATUANT À NOUVEAU du chef de décision infirmé,



DÉBOUTE M. [P] de sa demande de communication sous astreinte des notes techniques établies par le docteur [O],



DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,



DIT que chacune des parties conservera à sa charge les dépens par elle exposés.



Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame [professionnel B] [professionnel O], président et par Madame [professionnel Q] [professionnel M], greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le greffier,Le président,

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