12 mars 2020
Cour d'appel de Lyon
RG n° 19/04713

CHAMBRE SOCIALE C

Texte de la décision

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 19/04713 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MO3C





[M]

Syndicat NATIONAL DES INGENIEURS ET CADRES DES INDUSTRIES C



C/

SAS MERCK SERONO







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal de Grande Instance de LYON

du 05 Juin 2019

RG : 19/01748

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 12 MARS 2020









APPELANTES :



[J] [M]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Ralph BLINDAUER de la SCP PETIT & BLINDAUER, avocat au barreau de METZ



Syndicat NATIONAL DES INGENIEURS ET CADRES DES INDUSTRIES C

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Ralph BLINDAUER de la SCP PETIT & BLINDAUER, avocat au barreau de METZ





INTIMÉE :



SAS MERCK SERONO

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocats plaidants Me Jean-Michel MIR et Me Stéphanie TONDREAU de la SELARL CAPSTAN LMS, avocats au barreau de PARIS





DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Décembre 2019



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président

Laurence BERTHIER, Conseiller

Bénédicte LECHARNY, Conseiller



Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.



ARRÊT : CONTRADICTOIRE





Prononcé publiquement le 12 Mars 2020, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;



Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




*************



FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES.



Madame [J] [M] a été nommée en qualité de représentante de la section syndicale CGT du SNICIC-CGT (Syndicat National des Ingénieurs et Cadres des Industries Chimiques et des Visiteurs Médicaux) par courrier du 06 novembre 2018'.



Dès le 07 novembre 2018, le SNICIC-CGT écrivait à la société MERCK SERONO, laquelle entendait mettre obstacle à l'assistance de Madame [M] aux réunions du CSE, que :

« il est donc clair que le RSS du SNICIC-CGT bénéficie des mêmes prérogatives que les DS à l'exception de la signature d'accord . Il doit être convoqué comme ces derniers aux réunions de CSE et pouvoir agir comme eux au sein de cette instance. »



La Direction de la société MERCK SERONO répondait dès le 08 novembre 2018 que :

« Dans un arrêt du 14 décembre 2011, la Cour de Cassation a clairement considéré que le représentant syndical, à la différence du Délégué Syndical, n'était pas de droit représentant syndical au Comité d'Entreprise (14.12.2011, n° 11-14.642).

Dès lors, pour pouvoir assister aux réunions du CE/CSE, l'organisation syndicale doit remplir les conditions visées à l'Article L.2314-2 du Code du Travail. »



Mme [M] ne pouvait assister à la séance du CSE du 8 novembre 2018.



Par assignation à jour fixe délivrée en date du 08 février 2019, la société MERCK SERONO a demandé au Tribunal de Grande instance de LYON de constater que le SNICIC-CGT est un syndicat non représentatif dans l'entreprise MERCK SERONO et n'a donc pas qualité pour désigner un représentant syndical au Comité Économique et Social'.



Par jugement prononcé le 05 juin 2019, le Tribunal a fait droit à la demande de la société MERCK SERONO en ce que Madame [M] n'avait pas qualité pour participer aux réunions et activités du Comité Économique et Social de la SAS MERCK SERONO et a débouté les parties de leurs autres demandes.



Mme [J] [M] et le syndicat national des ingénieurs et cadres des industries chimiques et des visiteurs médicaux ( SNICIC) CGT ont relevé appel de cette décision et ont demandé à la Cour à être autorisés à assigner à jour fixe la Société MERCK SERONO, autorisation qui leur a été donnée pour l'audience du 19 décembre 2019.



Selon conclusions régulièrement notifiées, ils demandent à la Cour de':



- Dire et juger l'appel recevable et bien fondé.

En conséquence,

- Réformer le jugement entrepris,

- Dire et juger que Madame [M], en sa qualité de représentante de la section syndicale SNICIC-CGT, aura le droit de participer es qualité aux réunions du CSE,

- Faire injonction à la société MERCK SERONO de l'y convier à l'avenir sous astreinte de 10.000,00 euros par infraction constatée, et ce à compter de la signification de la décision à intervenir,



- Condamner la société MERCK SERONO à payer une somme de 2.000,00 euros au titre de l'Article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la société MERCK SERONO aux frais.



La société MERCK SERONO, selon conclusions régulièrement signifiées, demande à la Cour': de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau, de condamner in solidum Mme [J] [M] et le syndicat SNICIC-CGT à lui payer la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de la procédure.




MOTIVATION.



Les appelants rappellent que la possibilité de nommer des représentants syndicaux au CE est réservée au syndicat représentatif dans les entreprises de plus de 300 salariés.



Dans les entreprises de moins de 300 salariés, la fonction de représentant syndical au Comité d'entreprise appartient de droit au Délégué syndical, dont l'existence suppose que l'organisation syndicale soit également représentative dans l'entreprise.



Ils soutiennent toutefois que les syndicats non représentatifs peuvent désigner un représentant de la section syndicale, lequel, aux termes de l'article L 2142-1-1 du code du travail, a les mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du pouvoir de négocier des accords collectifs.



Ils en déduisent que le représentant de la section syndicale ( RSS) peut siéger aux réunions du CE ou du CSE', rappelant en effet que l'essentiel de l'information transite par le CSE, de sorte que le RSS peut y faire valoir au mieux les positions de son organisation et éventuellement infléchir les décisions du chef d'entreprise.



Ils considèrent également, notamment au regard des travaux préparatoires de la Loi, que la finalité du texte est de permettre aux organisations syndicales d'entrer dans une compétition loyale, à égalité d'armes dans la conquête de la représentativité, de sorte que l'accès à l'information doit être égale pour toutes les organisations syndicales.



La société MERCK SERONO estime, de son côté, que le représentant de la section syndicale est désigné dans l'attente des prochaines élections professionnelles qui sont susceptibles de permettre à l'organisation syndicale concernée d'être reconnue représentative. Si elle devient représentative, le mandat du RSS n'a plus d'objet.



Elle ajoute que les prérogatives du RSS, institué par la loi du 20 août 2008, lui sont donc attribuées en vue de lui donner les moyens de faire accéder son organisation syndicale à la représentativité, au sein de l'entreprise et que la loi n'a nullement prévu qu'il puisse assister aux réunions de CSE' et ce conformément à l'article L 2314-2 du code du travail qui dispose que les organisations syndicales représentatives peuvent désigner un représentant syndical au comité et de l'article L 2143-22 du même code qui précise que dans les entreprises de moins de 300 salariés, le délégué syndical est de droit, représentant syndical au CSE.

Elle précise enfin que, dans ces entreprises de moins de 300 salariés, le RSS ne peut être représentant syndical au CE ou CSE et que, en conséquence, Mme [M] qui est RSS, ne peut s'attribuer des pouvoirs réservés par les dispositions légales au seul délégué syndical, à qui une légitimité électorale a été reconnue et qui peut dès lors assister, en cette qualité, dans les entreprises de moins de 300 salariés, aux réunions du CSE et ce avec voix consultative.



Sur ce,



Il ressort des articles L. 2324-1 et L. 2143-22 du code du travail, prévoyant la désignation d'un représentant par les organisations syndicales au comité d'entreprise, que cette désignation est liée à leur légitimité électorale.





Dans les entreprises de moins de 300 salariés, l'article L. 2143-22 dispose que le délégué syndical est de droit représentant syndical au comité d'entreprise, or la légitimité électorale du délégué syndicale est double :

- il est désigné par un syndicat représentatif,

- il a recueilli au moins 10% des voix aux élections professionnelles.



Dans les entreprises d'au moins 300 salariés 'la possibilité de désigner un représentant au comité d'entreprise est ouverte, non plus aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, mais à celles ayant des élus au comité d'entreprise.

Cette disposition a pour but de réserver cette faculté de désignation aux syndicats les plus représentatifs.'



L'article L 2143-22 du code du travail n'a pas été modifié par la loi du 20 août 2008.



En revanche, cette loi a créé l'institution du représentant de la section syndicale pour permettre aux syndicats non représentatifs de disposer, à l'intérieur de l'entreprise, d'une représentation.



Au surplus, cette loi a dissocié la désignation du RSCE de la condition de représentativité puisque désormais dans les entreprises de plus de 300 salariés, le syndicat désignataire n'a plus à être représentatif ( article L 2324-2 du code du travail).



La fonction de RSCE est désormais assise non plus sur une condition de représentativité mais sur une condition de légitimité élective, dont dispose le syndicat qui a obtenu deux élus dans les entreprises de plus de 300 salariés et dont dispose le syndicat qui a désigné un délégué syndical, dans les entreprises de moins de 300 salariés, puisque ce syndicat et le délégué syndical ont nécessairement obtenu chacun au moins 10'% des suffrages.



Selon l'article L 2142-1-1 du code du travail, le RSS bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du pouvoir de négocier les accords collectifs.



Le rapporteur de la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale avait par ailleurs indiqué au cours de la discussion de la loi du 20 août 2008 à propos d'un amendement prévoyant la possibilité offerte aux syndicats ayant des élus de désigner un représentant au comité d'entreprise : 'Le rapporteur a rappelé que les représentants syndicaux seraient selon l'amendement désignés par les seuls syndicats ayant des élus : il y a donc une légitimité électorale.'



Enfin, la direction générale du travail, a dans sa circulaire n°6 du 27 juillet 2011, expressément indiqué que le représentant de la section syndicale ne pouvait être représentant syndical au comité d'entreprise, estimant que 'l'exercice de ce mandat de droit est attaché au seul mandat de délégué syndical'.



Le syndicat qui désigne un représentant de la section syndicale n'a lui pas encore de légitimité électorale, puisque précisément cette désignation doit lui permettre de se faire connaître en vue des échéances électorales.

Comme l'indique le rapport de la commission des affaires sociales du Sénat sur la loi du 20 août 2008 : le représentant de la section syndicale 'est un nouvel acteur syndical créé par la position commune et du projet de loi : on peut le définir comme un dirigeant de section défendant un syndicat qui n'a pas encore prouvé sa représentativité. Sa fonction sera de faire vivre la section syndicale afin que le syndicat obtienne les 10 % nécessaires aux élections professionnelles.'



La désignation d'un représentant syndical au CSE est donc une prérogative que la loi réserve aux syndicats qui ont obtenu une légitimité électorale, soit en étant reconnus représentatifs dans les entreprises de moins de trois cents salariés, soit en ayant des élus au CSE dans les autres entreprises.



En l'espèce, la société MERCK SERONO ayant moins de 300 salariés, puisqu'elle dispose de 166 salariés, Mme [M], qui n'a pas été élue lors des élections au CSE d'octobre 2018 et qui a été ensuite de cette consultation, désignée RSS par le syndicat SNICIC-CGT, n'est pas de droit représentante syndicale au CSE.



Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que Mme [M], représentante syndicale de la section syndicale SNICIC-CGT n'a pas qualité pour participer aux réunions et activité du Comité social et économique de la société MERCK SERONO et l'a débouté, ainsi que le syndicat de ses demandes.



Sur l'article 700 du code de procédure civile.



Il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté la société MERCK SERONO de sa demande de ce chef formulée en première instance.



En revanche, à hauteur d'appel, il serait inéquitable de laisser à sa charge totalité de ses frais non recouvrables.



Les appelants qui succombent en leur appel seront déboutés de leur demande de ce chef.



Sur les dépens.



Il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné Mme [M] et le syndicat aux dépens de première instance et de les condamner aux dépens d'appel.



PAR CES MOTIFS.



La Cour, statuant par décision publique, contradictoire, rendue en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,



CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions y compris en ce qu'elle a débouté la société MERCK SERONO de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens,



Y ajoutant,



DÉBOUTE Mme [J] [M] et le syndicat SNICIC-CGT de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



LES CONDAMNE de ce chef in solidum à payer à la société MERCK SERONO la somme de 1500 €,



LES CONDAMNE in solidum aux dépens d'appel.





La GreffièreLa Présidente





Elsa SANCHEZElizabeth POLLE-SENANEUCH

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