17 mars 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-29.152

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2016:C200397

Texte de la décision

CIV. 2

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 mars 2016




Cassation


Mme FLISE, président



Arrêt n° 397 F-D

Pourvoi n° B 14-29.152








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme [S] [U], épouse [L], domiciliée [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2014 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Galilée sécurité électronique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 10 février 2016, où étaient présents : Mme Flise, président, M. Adida-Canac, conseiller référendaire rapporteur, M. Liénard, conseiller doyen, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Adida-Canac, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de Mme [L], de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Galilée sécurité électronique, l'avis de M. Girard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 495, alinéa 2, et 503 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que s'estimant victime d'actes de concurrence déloyale de la part de son ancienne salariée, Mme [L], et de la société CMSD que cette dernière avait créée, la société Galilée sécurité électronique a saisi le président d'un tribunal de commerce d'une requête sollicitant l'organisation d'une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que Mme [L] a assigné la société Galilée sécurité électronique en référé pour demander la rétractation de l'ordonnance du 18 février 2013 ayant accueilli la requête ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance de référé du 20 novembre 2013 ayant rejeté les demandes de Mme [L] l'arrêt se borne à retenir que si l'huissier de justice ne lui a pas présenté la minute de l'ordonnance, il a toutefois fait précéder l'exécution de la mesure d'une signification dont l'acte figure au dossier ;

Qu'en se déterminant par de tels motifs, dont il ne résulte pas qu'en l'absence de présentation de la minute ce soit une copie exécutoire de l'ordonnance sur requête qui ait été signifiée à Mme [L], la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Galilée sécurité électronique aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Galilée sécurité électronique à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Liénard, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mme [L]

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté que les conditions de l'article 495 du code de procédure civile avaient été respectées et d'avoir rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Créteil du 18 février 2013 ayant désigné un huissier sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE, sur le respect des dispositions de l'article 495 du code de procédure civile, Mme [L] argue de la violation des exigences légales en matière d'ordonnance sur requête, soutenant qu'alors que l'ordonnance est exécutoire sur minute, c'est une copie conforme qui a été présentée par l'huissier instrumentaire, en violation de l'article 495 du code de procédure civile, et qu'au regard de cette irrégularité l'ordonnance sur requête ne pouvait être exécutée ; que la société GSE réplique que l'huissier a présenté à son arrivée dans les locaux la requête et l'ordonnance revêtues de la formule exécutoire et procédé en outre à la signification de l'ordonnance ; qu'aux termes de l'article 495 du code de procédure civile, « L'ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée » ; que selon l'article 503 du même code, « Les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire. En cas d'exécution au seul vu de la minute, la présentation de celle-ci vaut notification » ; qu'est ainsi institué par l'alinéa 2 de l'article 503 une dérogation à la règle de droit commun qui exige une signification préalable à toute exécution en cas de décision exécutoire sur minute ; que dans son procès-verbal établi le 26 février 2013, M. [F] [G], huissier de justice agissant en exécution de l'ordonnance rendue sur requête le 18 février précédent, consigne précisément le déroulement de ses opérations ; qu'il indique :
- que l'huissier s'est présenté à 9 heures le 28 février 2013 au siège de la société CMSD où, après qu'il a fait contacter la gérante par téléphone, Mme [S] [L] s'est présentée à 10 heures et lui a confirmé être la gérante,
- qu'il lui a décliné ses nom, prénom, qualités et lui a exposé l'objet de sa présence,
- qu'il lui a présenté sa carte d'identité professionnelle et lui a signifié « copie conforme de la requête et de l'ordonnance »,
- qu'il lui a laissé le temps nécessaire pour prendre connaissance desdites requête et ordonnance,
- que Mme [S] [L] ne s'opposant pas à sa mission et lui présentant son ordinateur portable, il a commencé ses opérations ;
qu'il ressort de ces mentions qui font foi que si l'huissier n'a pas présenté la minute de l'ordonnance à Mme [L], il a toutefois fait précéder l'exécution de la mesure d'une signification dont l'acte figure au dossier ; que dès lors qu'était accomplie cette formalité et conformément au droit commun, l'exécution de l'ordonnance pouvait être régulièrement poursuivie ; que Mme [L] argue ensuite de ce que la copie de la requête et de l'ordonnance n'a pas été signifiée à sa personne physique, alors qu'elle aurait dû être remise à la personne à laquelle elle est opposée avant toute exécution ; que cette exigence de l'article 495 du code de procédure civile concerne en effet non seulement la personne auprès de laquelle les mesures autorisées sont exécutées, mais également toutes les personnes à l'encontre desquelles un procès pourrait être envisagé, ce qui est le cas puisqu'elle est clairement incriminée personnellement ; que la société GSE réplique sur ce point que l'ordonnance a été régulièrement signifiée à CMSD, seule visée par les opérations et l'ordonnance, que les investigations de M. [G] ont été menées à l'encontre de la seule société CMSD, à l'exclusion de toute recherche dans les effets personnels de Mme [L] ; qu'il a été ci-dessus fait justice de l'argumentation développée par Mme [L] relativement à une prétendue mise en cause à titre personnel pour répondre à l'exception de compétence qu'elle a soulevée in limine litis ; qu'il est constant que l'ordonnance a été signifiée à la société CMSD, que copie de la requête et de l'ordonnance a été remise à la personne de la gérante de la société CMSD, Mme [S] [L], et en cette qualité ; qu'étant jugé que la requête et l'ordonnance ne la mettaient en cause qu'en cette qualité, et que la mission de l'huissier ne portait que sur l'activité de l'entreprise et non sur les activités personnelles de Mme [L], l'exigence d'une remise de la copie de la requête et de l'ordonnance à la personne à laquelle elle est opposée, édictée dans le but de rétablir le principe de la contradiction, a été parfaitement respectée ; qu'il suit de là que les dispositions légales ont été parfaitement respectées ; qu'il n'y a pas lieu à rétractation

ALORS QU' il ne peut être procédé à l'exécution forcée d'une décision de justice sans présentation de la minute ou remise d'une copie exécutoire de la décision ; que la remise d'une simple expédition, non revêtue de la formule exécutoire, ne peut permettre de procéder à une mesure d'exécution forcée, a fortiori lorsqu'il s'agit de pénétrer au siège d'une société situé au domicile de sa gérante et de procéder à des investigations sur ses ordinateurs, boîtes de messagerie électronique et tous documents et correspondances ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'huissier de justice chargé d'exécuter l'ordonnance sur requête du 18 février 2013 n'avait signifié à Mme [L], gérante de la société CMSD, qu'une simple « copie conforme de la requête et de l'ordonnance », sans en présenter la minute ni même une copie revêtue de la formule exécutoire ;

qu'en jugeant néanmoins que cette notification permettait à l'huissier de justice de pénétrer au siège de cette société situé au domicile de Mme [L] pour y faire des investigations et constatations sur ses ordinateurs, la cour d'appel a violé les articles 495, 675 et 676 du code de procédure civile, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ainsi que le principe des droits de la défense.

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