7 avril 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-14.345

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2016:C300453

Texte de la décision

CIV.3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 avril 2016




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 453 F-D

Pourvoi n° C 15-14.345







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ M. [V] [E], domicilié [Adresse 2],

2°/ la société [V] [E] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2014 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige les opposant à la société Atlantique Immobilier anciennement dénommée HA Immobilier Atlantique Immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 mars 2016, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Le Boursicot, conseiller rapporteur, M. Jardel, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Le Boursicot, conseiller, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. [E] et de la société [V] [E] et associés, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Atlantique Immobilier, l'avis de M. Kapella, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 décembre 2014), que, par acte sous seing privé, la société HA Atlantique immobilier a vendu à M. et Mme [M] un fonds de commerce de vente d'immeubles, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt bancaire par les acquéreurs ; que, le jour fixé pour la signature de l'acte authentique, ceux-ci ont déclaré ne pas pouvoir régulariser la vente ; que la société HA Atlantique immobilier a saisi de ses intérêts M. [E], avocat, afin d'engager une instance en recouvrement de la clause pénale ; qu'estimant que le rejet de sa demande était dû à la faute commise par M. [E] en laissant s'écouler le délai contractuel de trois mois prévu pour engager l'instance, la société HA Atlantique immobilier l'a assigné en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance de voir son action accueillie ;

Attendu que M. [E] et la société [V] [E] & associés font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la société Atlantique immobilier la somme de 28 500 euros ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'aux termes de l'acte sous seing privé valant promesse synallagmatique de vente, la clause pénale s'appliquait même en cas de réalisation des conditions suspensives après la date limite prévue à cet effet et relevé que les acquéreurs avaient refusé de réitérer la vente, alors que la condition suspensive d'obtention du prêt avait été réalisée, la cour d'appel, qui, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que la faute commise par l'avocat avait eu pour effet de priver la société HA Atlantique immobilier d'une chance de voir sa demande accueillie, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [E] et la société [V] [E] et associés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [E] et la société [V] [E] et associés et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Atlantique immobilier ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. [E] et la société [V] [E] et associés.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum M. [E] et la société [V] [E] et associés à payer à la société HA Atlantique Immobilier la somme de 28.500 euros au titre de la perte de chance de ne pas avoir pu exercer son action en paiement de la clause pénale contractuelle ;

AUX MOTIFS QUE le Tribunal de grande instance de Brest a débouté la société HA Atlantique Immobilier de sa demande en paiement de la clause pénale de 30.000 euros en raison de la forclusion de son action aux motifs que le compromis de vente des 9 et 16 février 2006 prévoyait, en cas de réalisation des conditions suspensives et de refus du cessionnaire de passer l'acte, la possibilité pour le cédant d'obtenir à titre d'immobilisation et dommages et intérêts, une somme de 30.000 euros en renonçant à poursuivre le cessionnaire en réalisation forcée de la vente, soit de poursuivre la vente avec la possibilité de réclamer des dommages et intérêts fixés à la somme de 30.000 euros ; que le cessionnaire ayant refusé de régulariser l'acte le 10 juillet 2006, disposait d'un délai de trois mois courant à compter de cette date soit jusqu'au 10 octobre 2006 pour que le cédant fasse connaître ses intentions au cessionnaire et engage une procédure à peine de forclusion ; que la société HA Atlantique Immobilier a assigné le cessionnaire en paiement de la somme de 30.000 euros par actes des 15,16, et 23 novembre 2006, soit après l'expiration du délai contractuel de trois mois ; qu'en manquant à son obligation de diligence dans l'exercice de son mandat, Me [E] a commis une faute qui a privé sa cliente de l'examen du fond de sa demande devant le Tribunal de grande instance de Brest ; que pour que cette faute ait causé un préjudice à la SA HA Atlantique Immobilier, il convient que celle-ci rapporte la preuve qu'elle avait des sérieuses chances de succès dans l'exercice de son action ; que la clause pénale insérée à l'acte sous seing privé valant promesse synallagmatique de vente dont l'avenant n'a modifié que la date de passation de l'acte authentique qui aurait emporté transfert de propriété et entrée en possession du cessionnaire après paiement du prix, le 15 mai 2006, est ainsi rédigée : « en cas de réalisation des conditions ci-dessus, même après la date limite de la réalisation des conditions prévues ci-dessus, et si pour une raison quelconque le cessionnaire ne pouvait pas ou ne voulait pas passer l'acte, en payer le prix et les frais, le cédant pourra obtenir – option choisie par la SA HA Atlantique immobilier – à titre d'indemnité d'immobilisation et dommages et intérêts la somme de 30.000 euros » ; qu'aussi, dès lors que la condition suspensive d'obtention du prêt a été réalisée le 23 juin 2006, même après le délai convenu pour la signature de l'acte authentique, et que le cessionnaire a refusé de réitérer l'acte le 10 juillet 2006, après que l'établissement bancaire prêteur ait rétracté son offre de prêt ayant été informé des dissensions entre associés de la SARL [M], confirmées devant le notaire, le droit à indemnisation de la SA HA Atlantique Immobilier lui était ouvert ; que dès lors la faute commise par Me [E] a eu pour effet de priver la SA HA Atlantique Immobilier d'une chance de recevoir cette indemnité ; que la clause ayant été conclue entre deux professionnels de l'immobilier connaissant parfaitement la portée de leurs engagements et les conséquences financières du non-respect de ceux-ci, la perte de chance de la société HA Atlantique Immobilier d'obtenir le paiement intégral de cette clause, sans réduction par le juge, est de 95% ; qu'en outre, il ne peut être déduit de cette somme le montant des honoraires, puisqu'une demande pour frais irrépétibles avait également toutes chances d'être acceptée, pouvant couvrir ces frais ; qu'en conséquence, il sera alloué à la SA HA Atlantique Immobilier la somme de 28.500 euros au titre de son préjudice ;

ALORS QUE pour apprécier l'existence d'une perte d'une chance de réussite d'une action en justice, il appartient aux juges du fond de reconstituer la discussion qui n'a pu s'instaurer devant la juridiction qui aurait dû être saisie ; qu'en affirmant que la société HA Atlantique Immobilier avait perdu une chance d'obtenir le paiement de l'indemnité prévue par la clause pénale stipulée dans l'acte des 9 et 12 février 2006, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée (conclusions des exposants, p.6, dernier alinéa), si les cessionnaires n'auraient pas pu valablement se prévaloir de la caducité du compromis de vente en l'absence de justification d'obtention d'un prêt avant le 20 mars 2006 prévue par ce même acte de sorte que l'action était vouée à l'échec, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.

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