27 juillet 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-82.990

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:CR04131

Titres et sommaires

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Détention provisoire - Appel d'une décision de prolongation - Première prolongation - Chambre de l'instruction saisie sur renvoi après cassation - Examen plus de huit mois après le placement en détention provisoire - Motifs - Indications particulières (non)

La juridiction, saisie du contentieux de la première prolongation et statuant sur renvoi après cassation plus de huit mois après le placement en détention provisoire de la personne mise en examen, n'est pas soumise à l'obligation de motivation spéciale prévue par l'article 145-3 du code de procédure pénale

DETENTION PROVISOIRE - Décision de prolongation - Appel d'une décision de prolongation - Première prolongation - Chambre de l'instruction saisie sur renvoi après cassation - Examen plus de huit mois après le placement en détention provisoire - Motifs - Indications particulières (non)

Texte de la décision

N° N 16-82.990 FS-P+B

N° 4131


ND
27 JUILLET 2016


REJET


M. PERS conseiller doyen faisant fonction de président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept juillet deux mille seize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;

REJET du pourvoi formé par M. [M] [P], contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, en date du 26 avril 2016, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 16 février 2016, n°15-86.888), a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, 6, 7 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66 de la Constitution, préliminaire et 591 du code de procédure pénale :

"en ce que l'arrêt attaqué, rendu le 26 avril 2016, a confirmé l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire de monsieur [P] en date du 7 septembre 2015, suite au renvoi du dossier par la Cour de cassation par un arrêt du 16 février 2016 parvenu au parquet général de la cour d'appel le 10 mars 2016 ;

"aux motifs qu'il est constant qu'après annulation d'un arrêt de la chambre de l'instruction ayant confirmé une ordonnance de prolongation de détention provisoire, la chambre de l'instruction saisie sur renvoi n'est pas tenue de se prononcer dans un délai maximum prévu par une disposition du code de procédure pénale ; qu'en conséquence, le délai dans lequel est tenue de se prononcer la chambre de l'instruction est celui prévu par l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en l'espèce, le délai qui s'est écoulé entre l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation et l'examen de l'affaire par la juridiction de renvoi est de deux mois et dix jours ; qu'il appartient à la chambre de l'instruction d'apprécier concrètement si, dans le cas d'espèce, à la lumière des circonstances de cette affaire, ce délai est conforme aux exigences de la disposition conventionnelle précitée ; qu'à cet effet, la cour rappelle les éléments suivants : le dossier de la chambre criminelle de la Cour de cassation concernant l'arrêt du 16 février 2016, est parvenu au secrétariat du parquet général de la cour d'appel de Caen le 10 mars 2016, au greffe commun de la chambre de l'instruction et du parquet général pour les affaires relevant de la chambre de l'instruction le 21 mars 2016 ; que par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 mars 2016, le parquet général a demandé au greffe de la maison d'arrêt de Caen de notifier l'arrêt de la chambre criminelle à M. [P] ; que cette notification a été effectuée le 25 mars 2016 ; que le 14 avril 2016, le parquet général a avisé par lettres recommandées les deux avocats de M. [P] que l'audience se tiendrait à l'audience du mardi 26 avril 2016 ) 9 heures 45 devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen ; qu'il a adressé le même jour une lettre recommandée au chef de l'établissement pénitentiaire de Caen pour que les date et heure de l'audience devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen soient notifiées à M. [P] ; que cette notification à M. [P] a été effectuée le 15 avril 2016 ; que pendant ce délai de deux mois et dix jours, le mis en examen n'était pas privé du droit de saisir le juge d'instruction et la chambre de l'instruction de demandes de mise en liberté ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la procédure n'a subi aucun retard injustifié, préjudiciable aux intérêts du mis en examen et que l'exigence de statuer à bref délai a été respectée ; étant observé que dans d'autres situations procédurales prévues par l'article 148-2 du code de procédure pénale, le délai dans lequel la juridiction doit statuer est de deux mois à compter de la demande de mise en liberté (personne jugée en premier ressort et en instance d'appel) ou de quatre mois à compter de la demande de mise en liberté (personne jugée en second ressort ayant formé un pourvoi en cassation) ;

"1°) alors que l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles 7 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 66 de la Constitution font obligation au juge judiciaire de statuer à bref délai sur la légalité de la détention avant jugement ; qu'il appartient aux autorités judiciaires de veiller au respect de cette exigence y compris lorsque la chambre de l'instruction statue sur renvoi de la Cour de cassation ; que le délai initialement imparti par l'article 194 du code de procédure pénale à la chambre de l'instruction, pour statuer sur l'appel formé par le détenu contre l'ordonnance prolongeant sa détention provisoire, est de vingt jours en cas de comparution personnelle ; que le délai franc de quarante-six jours écoulé en l'espèce entre la réception du dossier par le parquet général de la juridiction de renvoi et l'arrêt par lequel celle-ci a statué, le délai de deux mois et dix jours écoulé entre l'arrêt de cassation et celui de la juridiction de renvoi, et le délai total de sept mois et demi écoulé entre l'ordonnance de prolongation et la décision en contrôlant la légalité, apparaissent dès lors excessifs ; qu'en affirmant que l'exigence de bref délai n'avait pas été méconnue en l'espèce et en n'ordonnant pas la mise en liberté immédiate du détenu, la chambre de l'instruction a méconnu les principes susvisés ;

"2°) alors que le droit de tout détenu à voir examiner à bref délai la légalité de sa détention provisoire suppose que le juge judiciaire puisse contrôler la légalité de la décision initiale de placement en détention et des décisions la prolongeant, seuls fondements valables au maintien sous écrou ; que dans le cadre d'une demande de mise en liberté ou de contestation du rejet d'une telle demande, le mis en examen n'est pas recevable à invoquer, par voie d'exception, la nullité de son placement initial en détention provisoire ni des décisions la prolongeant ; qu'en considérant que le délai écoulé entre l'arrêt de cassation et l'arrêt de la juridiction de renvoi n'était pas excessif dès lors que pendant ce temps, le détenu n'était pas privé du droit de former une demande de mise en liberté, alors même qu'une telle procédure ne permettait pas d'examiner la légalité de la prolongation de sa détention provisoire, la chambre de l'instruction a encore méconnu les principes visés ci-dessus ;

"3°) alors que le principe d'égalité affirmé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen implique que les personnes placées dans une même situation soient traitées de manière identique ; qu'en se fondant sur l'existence de délais pour statuer de deux mois ou quatre mois, prévus pour des situations manifestement distinctes (détenu déjà jugé), alors que toute personne placée en détention provisoire dans le cadre d'une information judiciaire a le droit à ce que la légalité de la prolongation de sa détention soit examinée par la chambre de l'instruction dans un délai de vingt jours en cas de comparution personnelle, délai qui n'a pas été respecté au cas présent, la chambre de l'instruction a méconnu le principe d'égalité" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 145-3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a ordonné la prolongation de détention provisoire de M. [P] ;

"alors que l'article 145-3 du code de procédure pénale prévoit que, lorsque la durée de la détention provisoire excède huit mois en matière délictuelle, les décisions ordonnant sa prolongation doivent comporter les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure ; que l'arrêt déféré a été rendu le 26 avril 2016, plus de huit mois après le placement en détention provisoire de M. [P] ; que, peu important qu'il ait confirmé une ordonnance prise antérieurement à l'expiration de ce délai de huit mois, il appartenait dès lors à la chambre de l'instruction de motiver sa décision conformément aux exigences susvisées ; qu'en ne précisant pas les éléments justifiant la poursuite de l'information ni le délai prévisible d'achèvement de la procédure, la chambre de l'instruction a violé l'article 145-3 du code de procédure pénale et n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 28 mai 2015, M. [M] [P] a été mis en examen des chefs de trafic de stupéfiants, blanchiment et non-justification de ressources et placé en détention provisoire ; que, le 7 septembre 2015, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de cette mesure pour une première durée de quatre mois ; que l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers en date du 23 septembre suivant, statuant sur l'appel de l'intéressé, a été cassé, le 16 février 2016, par la Cour de cassation, qui a renvoyé la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen ; que, le 13 janvier 2016, le juge des libertés et de la détention a ordonné une seconde prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle période de quatre mois ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 7 septembre 2015 prolongeant une première fois la détention provisoire du demandeur pour une durée de quatre mois, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont il résulte que la cour de renvoi a statué dans un délai qui n'est pas excessif, et dès lors que, d'une part, le demandeur n'a pas usé de son droit de contester la légalité de l'ordonnance de prolongation de sa détention provisoire, d'autre part, la juridiction, saisie du contentieux de la première prolongation et statuant sur renvoi après cassation plus de huit mois après le placement en détention provisoire de la personne mise en examen, n'est pas soumise à l'obligation de motivation spéciale prévue par l'article 145-3 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens, dont le premier, pris en sa troisième branche, est inopérant en ce qu'il critique des motifs surabondants, doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pers, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mmes Dreifus-Netter, Ingall-Montagnier, MM. Ricard, Parlos, conseillers de la chambre, MM. Laurent, Beghin, Mmes Guého, Pichon, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Gaillardot ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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