13 septembre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-85.046

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:CR03567

Titres et sommaires

RESPONSABILITE PENALE - homicide et blessures involontaires - personne responsable - médecin-chirurgien - complicité - eléments constitutifs - séances d'opération d'épilation au laser - intervention (non)

Justifie sa décision de déclarer un médecin travaillant dans un centre d'épilation au laser coupable de complicité de blessures involontaires par violation des obligations résultant des décrets des 6 janvier 1962 et 30 janvier 1974 la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs dont il résulte qu'il n'est intervenu à aucun moment avant ou pendant les séances d'opérations d'épilation au laser, comme il en avait l'obligation

Texte de la décision

N° B 15-85.046 F-P+B

N° 3567

VD1
13 SEPTEMBRE 2016


REJET


M. GUÉRIN président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET du pourvoi formé par M. H... A..., M. M... X..., la société Personalia, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-8, en date du 24 juin 2015, qui a condamné, le premier, pour complicité d'exercice illégal de la médecine et complicité de blessures involontaires à 8 000 euros d'amende, les deuxième et troisième, pour complicité d'exercice illégal de médecine, respectivement, à 4 000 euros et 10 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 juin 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Harel-Dutirou, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle JEAN-PHILIPPE CASTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CUNY ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'une séance d'épilation au laser réalisée le 25 mars 2011 par une employée du Centre Laser du Marais, Mme L... a présenté des brûlures cutanées et des muqueuses justifiant une incapacité de travail de quatre jours ; que le centre, exploité par la société Personalia et ayant pour activité "l'exploitation de matériel médical et paramédical d'esthétique et notamment lié à l'utilisation de la lumière intense pulsée et la lumière laser", M. M... X..., le gérant de la société, et M. H... A..., médecin et responsable médical, ont été poursuivis pour complicité d'exercice illégal de la médecine et, pour le dernier, de complicité de blessures involontaires ; que le tribunal les a déclarés coupables des faits reprochés ; que les prévenus et le ministère public ont interjeté appel ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et 121-7 du code pénal, L. 4161-1 du code de la santé publique, 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962, ainsi que 591 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la Société Personalia, M. A... et M. X... coupables de complicité d'exercice illégal de la médecine, les a condamnés respectivement à une amende de 10 000 euros pour la première, de 8 000 euros pour le deuxième et de 4 000 euros pour le troisième et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs que, sur la complicité du délit d'exercice illégal de la médecine, les dispositions de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique fixe les conditions générales du délit d'exercice illégal de la médecine ; que l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962, pris en application de l'ancien article L. 372, devenu l'article L. 4161-1 du code de la santé publique, fixe la nomenclature des actes qui, par nature relèvent du monopole médical ; que l'article 2, alinéa 5, de l'arrêté dispose notamment que ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine, conformément à l'article L. 372 du code de la santé publique les actes médicaux suivants : 5°) Tous modes d'épilations, sauf les épilations à la pince ou à la cire ; que l'article 2, de l'arrêté du 30 janvier 1974, portant réglementation des lasers à usage médical dispose que les lasers à usage médical sont des appareils devant être utilisés par un médecin ou sous sa responsabilité ; que la Cour de cassation rappelle que l'utilisation du laser, même à des fins esthétiques, constitue un exercice illégal de la médecine, et que toute technique d'épilation qui ne se fait ni à la pince ni à la cire relève de la compétence exclusive des médecins ; qu'en l'espèce, il résulte du dossier que les actes d'épilation n'étaient pas accomplis par un médecin, M. A..., le médecin responsable au niveau médical du Centre Laser Du Marais, maintenant devant la Cour que la législation ne lui en faisant pas l'obligation ; que ces actes étaient réalisés par des non médecins, en l'espèce les esthéticiennes ou secrétaires médicales, M. A... supervisant simplement, à la demande, l'ensemble de ces opérations d'épilation au laser et n'étant pas forcément présent lors du déroulement de la séance ; qu'il apparaît qu'aucune surveillance médicale sérieuse n'était exercée puisque les prestations laser étaient pratiquées dès 11 heures, bien que M. A..., médecin en charge du contrôle de la technique et sous la responsabilité duquel ces actes avaient lieu, ne soit physiquement présent dans les locaux qu'en début d'après-midi seulement, après avoir exercé le matin dans son cabinet libéral ; qu'il en résulte que M. A... ne pouvait pas exercer un contrôle effectif des soins, ce qui est confirmé par plusieurs assistantes entendues sur ce point, qui précisaient qu'elles bénéficiaient d'une autonomie complète dans l'usage du laser, dès lors, qu'elles avaient suivi une formation de quelques heures au maximum, certaines des personnes interrogées indiquant que la cliente pouvait arriver et repartir sans que le médecin ne l'ait vue ; que M. X..., gérant de la Société Personalia, donnait les instructions à ses employés de pratiquer l'épilation laser d'une part, et mettait à disposition des employés non médecins du centre les locaux et le matériel médical d'autre part, et ce tout en étant conscient qu'aucun médecin ne pourrait au surplus les encadrer en permanence ; qu'il résulte en conséquence qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité du délit de complicité d'exercice illégal de la médecine reproché aux trois prévenus (arrêt p. 10 et 11) ;

"1°) alors qu'est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation, ou celle qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer M. A... coupable de complicité d'exercice illégal de la médecine, que les actes d'épilation au laser étaient réalisés par des esthéticiennes ou secrétaires médicales, qu'il supervisait uniquement l'ensemble de ces actes et n'était pas forcément présent lorsqu'ils étaient pratiqués, de sorte qu'aucune surveillance médicale sérieuse n'était exercée et qu'il ne pouvait exercer un contrôle effectif des soins, sans indiquer de quelle forme de complicité du délit d'exercice illégal de la médecine il s'était rendu coupable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"2°) alors que la complicité d'exercice illégal de la médecine est un délit intentionnel qui suppose que l'auteur ait eu conscience d'agir dans le but de faciliter la préparation ou la consommation d'une infraction ou de provoquer à une infraction ou donner des instructions pour la commettre ; qu'en ajoutant, pour déclarer M. X... coupable de complicité d'exercice illégal de la médecine, qu'il était gérant de la Société Personalia donnait des instructions à ses employés de pratiquer l'épilation laser et mettait à la disposition de ceux-ci les locaux et le matériel médical tout en étant conscient qu'aucun médecin ne pouvait les encadrer en permanence, sans caractériser l'élément intentionnel de l'infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"3°) alors que nul n'est responsable que de son propre fait ; qu'en s'en tenant enfin, pour déclarer la Société Personalia coupable de complicité d'exercice illégal de la médecine, à ce que les actes d'épilation au laser étaient réalisés par des esthéticiennes ou secrétaires médicales, que M. A... supervisait uniquement l'ensemble de ces actes et n'était pas forcément présent lorsqu'ils étaient pratiqués, de sorte qu'aucune surveillance médicale sérieuse n'était exercée, et, qu'il ne pouvait exercer un contrôle effectif des soins, outre que M. X... était le gérant de cette société, donnait des instructions à ses employés de pratiquer l'épilation laser et mettait à la disposition de ceux-ci les locaux et le matériel médical tout en étant conscient qu'aucun médecin ne pouvait les encadrer en permanence, sans dire en quoi cette société était coupable de complicité d'exercice illégal de la médecine, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"4°) alors que les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'au demeurant, en se déterminant de la sorte, sans constater que l'infraction avait été commise pour le compte de la personne morale, par ses organes ou représentants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu que, pour confirmer le jugement et déclarer les prévenus coupables de complicité d'exercice illégal de la médecine, l'arrêt relève que les actes d'épilation au laser n'étaient pas accomplis par un médecin, mais par des esthéticiennes ou secrétaires médicales, ayant suivi une formation de quelques heures au maximum sans qu'aucune surveillance médicale sérieuse ne soit exercée, M. A..., médecin en charge du contrôle de la technique et sous la responsabilité duquel ces actes avaient lieu, supervisant simplement, à la demande, les opérations et n'étant physiquement présent dans les locaux qu'une partie de la journée ; que les juges ajoutent que M. X..., gérant de la société Personalia exploitant le centre, donnait les instructions à ses employés de pratiquer l'épilation laser, d'une part, et mettait à disposition des employés non médecins du centre les locaux et le matériel médical, d'autre part, tout en étant conscient qu'aucun médecin ne pourrait les encadrer en permanence ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que, selon les arrêtés des 6 janvier 1962, pris en application de l'article L. 372 du code de la santé publique devenu l'article L. 4161-1, et 30 janvier 1974, toute épilation au moyen d'un appareil laser ne peut être pratiquée que par un docteur en médecine ou sous sa responsabilité, et que se rendent complices d'exercice illégal de la médecine le médecin qui, sans encadrement ni formation, fait pratiquer à des esthéticiennes ou secrétaires médicales de l'épilation laser, et le gérant de la société qui, agissant pour le compte de celle-ci, met à disposition de l'établissement des lasers à usage médical et fait pratiquer des séances d'épilation au moyen de ces appareils par des employés non titulaires du diplôme de docteur en médecine, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 121-7 et 222-11 du code pénal, L. 4161-1 du code de la santé publique, 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962, ainsi que 591 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. A... coupable de complicité de violences involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à trois mois par manquement délibéré à une obligation particulière de sécurité ou de prudence, l'a condamné à une amende de 8 000 euros et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs que, sur le délit de blessures involontaires, Mme L..., la plaignante, qui a suivi ses séances d'épilation au laser hors la présence de M. A..., a déclaré qu'après la première séance elle a constaté la présence de petites taches brunes sur la zone épilée ; qu'à la cinquième séance, elle a été prise en charge par une jeune femme qu'elle a prise pour une nouvelle esthéticienne ; que cette dernière, qui l'a installée dans la cabine, n'est pas arrivée à régler la machine ; qu'elle a quitté la salle à deux reprises pour demander des informations à ses collègues sur le réglage ; qu'après plusieurs allers et retours, elle a procédé à la séance, mais en passant plusieurs fois sur la zone concernée ; que de retour à son domicile, Mme L... a commencé à ressentir des douleurs intenses de brûlure au niveau du bas ventre, du haut des cuisses et du sexe, et a constaté l'existence de nombreuses brûlures sur la peau de ses parties génitales ; que cette épilation au laser ainsi pratiquée sans surveillance médicale, avec un appareil pouvant être dangereux, a engendré sur la personne de Mme L..., des brûlures justifiant une incapacité totale de travail de quatre jours ; que M. A..., en n'étant intervenu à aucun moment pendant ces séances d'épilation, alors que dès la première séance, la partie civile avait constaté la présence de petites taches brunes sur la zone épilée, et en laissant une personne non médecin accomplir les différentes séances ayant abouti au dommage constaté sur la partie civile, s'est rendu coupable de complicité de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à trois mois par manquement délibéré à une obligation particulière de sécurité ou de prudence ou de complicité de ce délit ; qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité en ce qu'il a requalifié les faits reprochés à la prévention en ce sens (arrêt p. 11) ;

"1°) alors qu'est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation, ou celle qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre ; qu'en affirmant, pour déclarer M. A... coupable de complicité de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à trois mois, par manquement délibéré à une obligation particulière de sécurité ou de prudence, que l'épilation pratiquée au laser sans surveillance médicale, avec un appareil pouvant être dangereux, avait engendré sur la personne de Mme L..., des brûlures justifiant une incapacité totale de travail de quatre jours, et qu'il n'était intervenu à aucun moment pendant ces séances d'épilation, laissant une personne qui n'était pas médecin accomplir les différentes séances, sans indiquer de quelle forme de complicité du délit de blessures involontaires, il s'était rendu coupable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"2°) alors qu'aucune condamnation pour un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ne peut être prononcée sans que soient précisées la source et la nature de l'obligation particulière prévue par la loi, et dont la violation constitue l'infraction poursuivie ; qu'en se déterminant de la sorte sans, en outre, préciser la source et la nature de l'obligation particulière prévue par la loi ou le règlement, et dont la violation constituait l'infraction poursuivie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer M. A... coupable de complicité de blessures involontaires par violation des obligations résultant des décrets des 6 janvier 1962 et 30 janvier 1974, l'arrêt retient qu'il n'est intervenu à aucun moment pendant les séances d'épilation au laser suivies par Mme L..., qui, notamment, dès la première séance, a constaté la présence de petites taches brunes sur la zone épilée et, après la cinquième séance au cours de laquelle elle avait été prise en charge par une jeune femme ne parvenant pas à régler la machine, a ressenti des douleurs intenses et constaté l'existence de nombreuses brûlures ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs dont il résulte que M. A... n'est intervenu à aucun moment avant ou pendant les séances d'opérations d'épilation, comme il en avait l'obligation, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize septembre deux mille seize ;







En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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