19 janvier 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-20.223

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:SO00013

Texte de la décision

SOC.

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2017




Rejet


M. LACABARATS, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Arrêt n° 13 F-D

Pourvoi n° S 15-20.223

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 29 janvier 2016.








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Elres, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 29 mai 2015 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre civile B), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Hôpital privé [Établissement 1], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à Mme [X] [E], domiciliée [Adresse 3],

défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 22 novembre 2016, où étaient présents : M. Lacabarats, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Geerssen, conseiller, Mme Hotte, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Elres, de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de Mme [E], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Hôpital privé [Établissement 1], et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en matière de référé (Aix-en-Provence, 29 mai 2015), que Mme [E] a été engagée le 10 juillet 1995 par la société Elres en qualité d'employée de restauration et affectée en dernier lieu au service de restauration de l'Hôpital [Établissement 1] ; que le 27 septembre 2013, la société hôpital privé [Établissement 1] a résilié le contrat de prestation de service pour reprendre l'activité de restauration en autogestion à compter du 31 décembre 2013 ; qu'aucune des sociétés ne conservant la salariée à son service, celle-ci a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la société Elres fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée des provisions au titre de rappel de salaire et congés payés afférents et de dommages-intérêts, alors selon le moyen:

1°/ que les contrats de travail sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; que le transfert des moyens d'exploitation nécessaires à la poursuite de l'activité de l'entité peut être indirect ; qu'en jugeant que l'article L. 1224-1 du code du travail n'avait pas vocation à s'appliquer à la reprise par l'Hôpital [Établissement 1] du service de restauration en exploitation directe, qui était jusqu'alors confié à la société Elres et auquel était affectée Mme [E], cependant qu'elle avait constaté que « la SAS Elres exploitait l'activité de restauration dans les locaux appartenant à la SA Hôpital Privé Beauregard et utilisait le matériel de l'hôpital » avec un personnel spécifiquement dédié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que les moyens nécessaires à l'exercice de l'activité avaient été mis à la disposition du prestataire par le donneur d'ordre, qui en avait repris l'usage à la suite de la résiliation du marché, pour poursuivre la même activité, et a ainsi violé l'article L. 1224-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, ensemble l'article R. 1455-7 du même code ;

2°/ que l'existence d'une clientèle captive attachée à l'exploitation de l'activité transférée constitue un indice de l'existence d'une entité autonome qui, lors du transfert, conserve son identité ; qu'en jugeant que l'article L. 1224-1 du code du travail n'avait pas vocation à s'appliquer à la reprise par l'Hôpital [Établissement 1] du service de restauration en exploitation directe au motif que la société Elres n'avait transféré aucun moyen d'exploitation, ni corporel ni incorporel, sans avoir recherché si n'avait pas nécessairement été transférée la clientèle captive attachée à l'activité de restauration de l'hôpital, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, ensemble l'article R. 1455-7 du même code ;

Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par laquelle la cour d'appel a constaté l'absence de tout transfert d'éléments corporels ou incorporels nécessaires à l'exploitation de l'activité de restauration ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Elres aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Elres à payer à la société Hôpital privé [Établissement 1] la somme de 1 000 euros et à la SCP Coutard et Munier-Apaire la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Elres

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Elres à régler à Mme [E], à titre provisionnel, les sommes de 17.968,08 euros à titre de rappel de salaire des mois d'avril 2014 à mars 2015, de 1.048,13 euros à titre de congés payés afférents, de 1.500 euros à valoir sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et de l'avoir condamnée au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Aux motifs que conformément à l'article R. 1455-7 du code du travail, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ; que pour s'opposer à la demande de provision à valoir sur les rappels de salaire, la société Elres soutient que le contrat de travail de la salariée a été transféré à la société Hôpital Privé Beauregard en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, lequel dispose : « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise » ; que cet article s'applique de plein droit toutes les fois qu'il y a transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que la Cour de cassation définit l'entité économique comme étant « un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre » ; que la seule poursuite de l'activité ne suffit pas à caractériser l'entité économique ; qu'encore faut-il que l'activité économique transférée mette en oeuvre des moyens propres c'est-à-dire des éléments corporels, voire incorporels, nécessaires à l'activité ; qu'en l'espèce, il est établi que lorsqu'elle a perdu l'exploitation de l'activité restauration de l'Hôpital Privé [Établissement 1], la société Elres n'a transféré aucun moyen d'exploitation, ni corporels, ni incorporels ; qu'en effet, il ressort du contrat de prestation de services de restauration du 31 mars 2005 que la société Elres exploitait l'activité de restauration dans des locaux appartenant à la société Hôpital Privé Beauregard et utilisait le matériel de l'hôpital ; que seuls les salariés affectés à l'exploitation de l'activité étaient salariés de la société Elres ; que l'article L. 1224-1 du code du travail n'a donc pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; que les parties peuvent convenir de se soumettre volontairement aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque celui-ci n'est pas applicable de plein droit ; que dans ce cas, elles doivent recueillir l'accord de chaque salarié, car le transfert ne s'impose pas à eux ; que si l'accord des salariés n'est pas donné, ils restent au service du cédant ; qu'en l'espèce, aux termes de l'article 5.2 de la convention commerciale, les parties ont expressément prévu de faire une application volontaire des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail en cas de rupture du contrat ; que cependant, la salariée n'a pas donné son accord au transfert de son contrat de travail ; qu'elle considère être toujours liée à la société Elres, puisqu'elle sollicite sa condamnation à titre principal à lui régler par provision le rappel de salaire ; que n'ayant pas donné son accord au transfert, la salariée est toujours au service de la société Elres ; que l'obligation de la société Elres de payer à la salariée sa rémunération et de lui fournir du travail n'apparait donc pas sérieusement contestable de sorte que l'ordonnance entreprise qui a condamné la société Hôpital Privé de Beaugrenelle à régler à la salariée à titre provisionnel les sommes de 7.486,70 euros à titre de rappel de salaire et de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts doit être réformée ; qu'il convient de condamner la société Elres à régler à la salariée la somme de 17.968,08 euros à titre de provision à valoir sur le rappel de salaire des mois d'avril 2014, mars 2015, outre la somme de 1.048,13 euros au titre des congés payés y afférents ; que la salarié qui n'a plus de travail depuis le mois de janvier 2014 et ne perçoit plus aucune rémunération a subi incontestablement un préjudice, de sorte que sa demande tendant à obtenir la somme de 1.500 euros à titre provisionnel à valoir sur des dommages-intérêts doit être accueillie ;

Alors 1°) que les contrats de travail sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; que le transfert des moyens d'exploitation nécessaires à la poursuite de l'activité de l'entité peut être indirect ; qu'en jugeant que l'article L. 1224-1 du code du travail n'avait pas vocation à s'appliquer à la reprise par l'Hôpital [Établissement 1] du service de restauration en exploitation directe, qui était jusqu'alors confié à la société Elres et auquel était affectée Mme [E], cependant qu'elle avait constaté que « la SAS Elres exploitait l'activité de restauration dans les locaux appartenant à la SA Hôpital Privé Beauregard et utilisait le matériel de l'hôpital » avec un personnel spécifiquement dédié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que les moyens nécessaires à l'exercice de l'activité avaient été mis à la disposition du prestataire par le donneur d'ordre, qui en avait repris l'usage à la suite de la résiliation du marché, pour poursuivre la même activité, et a ainsi violé l'article L. 1224-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001, ensemble l'article R. 1455-7 du même code ;

Alors 2°) que l'existence d'une clientèle captive attachée à l'exploitation de l'activité transférée constitue un indice de l'existence d'une entité autonome qui, lors du transfert, conserve son identité ; qu'en jugeant que l'article L. 1224-1 du code du travail n'avait pas vocation à s'appliquer à la reprise par l'Hôpital [Établissement 1] du service de restauration en exploitation directe au motif que la société Elres n'avait transféré aucun moyen d'exploitation, ni corporel ni incorporel, sans avoir recherché si n'avait pas nécessairement été transférée la clientèle captive attachée à l'activité de restauration de l'hôpital, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001, ensemble l'article R. 1455-7 du même code.

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