8 mars 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-81.485

Chambre criminelle - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2017:CR00299

Texte de la décision

N° B 16-81.485 FS-D

N° 299


JS3
8 MARS 2017


REJET


M. GUÉRIN président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


-
M. [K] [L],


contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 8-2, en date du 5 février 2016, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement et a ordonné des mesures de confiscation ;











La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 janvier 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mmes de la Lance, Chaubon, M. Germain, Mme Planchon, M. d'Huy, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller ZERBIB, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;


Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 54, 66, 158, 166, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a rejeté les moyens de nullité et déclaré le prévenu coupable des faits reprochés ;

"aux motifs propres qu'à titre liminaire, que la demande « d'annulation des scellés 1 à 9 » est totalement inopérante, des scellés ne pouvant être « annulés » ; que les enquêteurs ont agi dans le cadre d'une procédure de flagrance et non dans le cadre d'une enquête préliminaire ; que, dès lors, la violation alléguée des articles 76 et 97 du code de procédure pénale est hors sujet, dans le cas d'espèce ; que les dispositions des articles 56 et 57 du code de procédure pénale sont afférentes aux perquisitions et visites domiciliaires effectuées en flagrance, et qu'elles ne sont pas applicables à la fouille d'un véhicule, comme l'a relevé à bon droit le tribunal ; qu'en l'espèce, après avoir constaté, lors du contrôle routier, la présence de bonbonnes de stupéfiants et d'argent en espèces dans le véhicule, les gardiens de la paix MM. [T] et [E] ont immédiatement avisé l'officier de police judiciaire de permanence [N], compétent sur le 3e district au commissariat d'[Localité 1], et sollicité l'intervention des renforts de la BAC 830 ; que, pour la conservation des indices, le véhicule, verrouillé et dont les clés ont été remises à l'officier de police judiciaire, a été stationné dans la cour du commissariat d'[Localité 1] ; que la fouille de ce véhicule opérée à 7 heures 30, par l'officier de police judiciaire [P], assistée de deux fonctionnaires de police, les gardiens de la paix [C] et [W], en présence constante et effective de M. [L], a permis d'y saisir le véhicule étant toujours stationné dans la cour du commissariat et verrouillé, l'ouverture centralisée étant actionnée par les clés du véhicule les bonbonnes d'héroïne, de cocaïne, le couteau maculé de traces brunâtres et la somme de 2 460 euros en espèces ; que ce procès-verbal de fouille et de placement sous scellés a été dûment signé par M. [L], qui n'a formulé aucune objection sur les conditions de cette fouille et du placement sous scellés des objets, stupéfiants et espèces saisis ; que ce procès-verbal de placement sous scellés n'a souffert aucun retard, ayant été réalisé sur le champ, lors de la fouille réalisée régulièrement, dans un véhicule verrouillé et gardé dans l'enceinte du commissariat de police ; que, dès lors, par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, que la cour fait siens, le jugement déféré sera confirmé sur le rejet du premier moyen de nullité ; que, sur le second moyen, la mission d'expertise, comportant notamment les opérations de prélèvements sur les mains, les poches des vêtements et les téléphones portables des prévenus, a été confiée au laboratoire Toxlab, expert judiciaire près la cour d'appel de Paris ; qu'il résulte des rapports d'expertise de M. [S], expert judiciaire et directeur général adjoint du laboratoire Toxlab, que ces opérations de prélèvements ont été effectuées le 24 septembre 2014, au commissariat de [Localité 2], par un technicien du service des stupéfiants et matières psychoactives, en présence d'un officier de police judiciaire ; que, selon une jurisprudence constante, ces opérations de prélèvements, purement matérielles et ne comportant aucune interprétation analytique, sont dissociables de l'expertise elle-même ; qu'elles ne peuvent dès lors, caractériser une participation ou une assistance aux opérations d'expertise, au sens de l'article 166 du code de procédure pénale ; qu'en conséquence, l'exécution des prélèvements par un technicien spécialisé, dépêché par l'expert régulièrement requis pour une mission comportant cette tâche, n'affecte en rien la validité des rapports d'expertises même en l'absence de mention du nom de ce technicien ; qu'il convient, dès lors, d'infirmer le jugement entrepris sur ce point et de rejeter le deuxième moyen de nullité, avec les conséquences procédurales qui en découlent ;

"et aux motifs adoptés que Me [U] expose que le véhicule Renault Modus immatricule [Immatriculation 1] a été contrôlé le 24 septembre 2014 a 1 heures 10 ; que ses occupants, M. [K] [L] et M. [X] [L], ont été interpellés ; que le véhicule n'a été fouillé que le 24 septembre 2014 a 7 heures 25, à cette occasion les différents objets qui y ont été découverts ont été placés sous scellés 1 à 9 ; que ce retard de 6 heures et 10 minutes a causé un grief aux prévenus en ce qu'ils ont contesté la propriété de l'argent et des stupéfiants et qu'ils ont affirmé en avoir ignoré la présence ; qu'iI résulte des dispositions de l'article 56, alinéa 4, du code de procédure pénale, lequel concerne la perquisition, que « Tous objets et documents saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés » ; mais que les formalités de l'article 56, alinéa 4, ne sont pas applicables lorsque, comme en l'espèce, la saisie ne précède pas d'une perquisition, mais d'une fouille d'un véhicule ; que les dispositions de l'article 54 du code de procédure pénale prévoient uniquement que l'officier de police judiciaire « veille à la conservation des indices susceptibles de disparaître et de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité. Il saisit les armes et instruments qui ont servi à commettre le crime ou qui étaient destinés à le commettre ainsi que tout ce qui parait avoir été le produit direct ou indirect de ce crime » ; qu'iI n'y a donc pas lieu à annulation de la procédure sur ce point ;

"1°) alors qu'il résulte de la combinaison des articles 54 et 66 du code de procédure pénale qu'en cas de délit flagrant, l'officier de police judiciaire se transporte immédiatement sur les lieux, veille à la conservation des indices, ce qui implique le placement immédiat sous scellés des objets saisis, et rédige sur le champ les procès-verbaux relatant ces opérations ; qu'en jugeant régulières les opérations de fouille et de saisies réalisées dans le véhicule 6 heures 20 après son appréhension, aux motifs inopérants que M. [L] n'a formulé aucune objection et que le procès-verbal de placement sous scellés n'a souffert d'aucun retard, ayant été établi sur le champ lors de la fouille réalisée dans l'enceinte du commissariat, lorsque la fouille, les saisies et les procès-verbaux auraient dues être réalisés et établis immédiatement lors de l'appréhension du véhicule, et non avec 6 heures 20 de retard, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen et les droits de la défense du prévenu ;

"2°) alors qu'une expertise toxicologique, qui a pour objet l'examen de questions d'ordre technique au sens de l'article 158 du code de procédure pénale, entre dans le champ d'application de l'article 166 du même code dont les dispositions, selon lesquelles « les experts signent leur rapport et mentionnent les noms et qualités des personnes qui les ont assistés, sous leur contrôle et leur responsabilité, pour la réalisation des opérations jugées par eux nécessaires à l'exécution de la mission qui leur a été confiée », sont prescrites à peine de nullité ; qu'en jugeant régulier le rapport d'expertise sur lequel ne sont pas mentionnés le nom et la qualité du technicien ayant assisté l'expert lors des opérations d'expertises, lorsque les prélèvements opérés par ce technicien sont indissociables de l'expertise toxicologique dont ils sont le support nécessaire, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 166 du code de procédure pénale ;

"3°) alors qu'en jugeant que la mission d'expertise « comporte notamment les opérations de prélèvements » tout en considérant que ces prélèvements sont dissociables de l'expertise elle-même et « ne peuvent dès lors caractériser une participation aux opérations d'expertise au sens de l'article 166 du code de procédure pénale », la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de l'interpellation survenue le 24 septembre 2014, à 1 heures 15, de M. [L], son véhicule, verrouillé et dont les clefs ont été remises à un officier de police judiciaire, a été maintenu dans l'enceinte du commissariat ; que, le même jour, à 7 heures 30, les enquêteurs l'ont fouillé puis ont saisi et immédiatement placé sous scellés les stupéfiants et les espèces qui s'y trouvaient ; qu'un technicien, dépêché sur place par l'expert en charge d'une expertise toxicologique, a procédé à des prélèvements sur les mains, les poches et les téléphones portables de M. [L] ; que, poursuivi pour infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, ce dernier a été relaxé par le tribunal après qu'il eut considéré qu'aucune force probante ne pouvait être accordée à la découverte des objets dans le véhicule ; que le ministère public a fait appel ;

Attendu que, pour rejeter les exceptions de nullité soulevées par le prévenu et infirmer le jugement, l'arrêt relève que l'établissement du procès-verbal de placement sous scellés des objets saisis, dressé dès la fin de la fouille du véhicule, n'a pas été différé et que le procès-verbal de fouille et de placement sous scellés a été dûment signé par M. [L] qui n'a formulé aucune objection sur les conditions de cette fouille et du placement sous scellés des objets, stupéfiants et espèces saisis ; que les juges ajoutent que les opérations de prélèvement étant dissociables de l'expertise, l'absence dans le rapport de l'expert des nom et qualité de l'agent qui y a procédé est sans incidence sur la validité de l'expertise ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors que, si le caractère tardif de la fouille du véhicule était susceptible de mettre en cause la valeur probante des objets saisis, laquelle relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, il ne saurait avoir pour effet, à défaut de grief établi, d'entraîner la nullité de la saisie pratiquée dans les conditions visées par l'article 54 du code de procédure pénale, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;


REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit mars deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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