8 mars 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-26.915

Chambre sociale - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2017:SO00449

Texte de la décision

SOC.

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 mars 2017




Cassation


M. FROUIN, président



Arrêt n° 449 FS-D

Pourvois n° R 15-26.915
T 15-26.917 JONCTION







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois n° R 15-26.915 et T 15-26.917 formés par :

1°/ M. [E] [M], domicilié [Adresse 2],

2°/ M. [G] [T], domicilié [Adresse 3],

3°/ l'union Départementale CGT du Puy-de-Dôme, dont le siège est [Adresse 4],

contre les arrêts rendus le 15 septembre 2015 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile sociale), dans les litiges l'opposant à la société SNCF direction régionale Bourgogne-Ouest, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1] ,

défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs au pourvoi n° R 15-26.915 invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi n° T 15-26.917 invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 31 janvier 2017, où étaient présents : M. Frouin, président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Lambremon, Geerssen, MM. Chauvet, Maron, Déglise, Mme Farthouat-Danon, M. Betoulle, Mmes Slove, Basset, conseillers, Mmes Sabotier, Salomon, Depelley, Prache, Chamley-Coulet, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, Mme Becker, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. [T], [M] et de l'union Départementale CGT du Puy-de-Dôme, de la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat de la société SNCF direction régionale Bourgogne-Ouest, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois R 15-26.915 et T 15-26.917 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués statuant en référé, que MM. [T] et [M], engagés respectivement par la SNCF direction régionale Bourgogne-Ouest les 1er septembre 1983 et 1er septembre 2006 ont participé à un mouvement de grève ayant débuté le 10 juin 2014 ; qu'ils ont fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire d'un jour avec sursis pour l'un et de deux jours pour l'autre en raison de faits commis au cours de la grève ; qu'estimant que ces sanctions portaient atteinte à l'exercice de leur droit de grève, ils ont saisi, avec l'union départementale de la CGT du Puy-de-Dôme, le juge des référés de demandes tendant à ce que les sanctions soient déclarées illicites et que l'employeur soit condamné à leur verser une provision sur rappel de salaire et sur dommages-intérêts pour sanction illicite et exécution déloyale du contrat de travail et pour manquement à l'intérêt collectif des travailleurs ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles R. 1455-5, R. 1455-6, L. 1132-2 et L. 2511-1 du code du travail ;

Attendu qu'il appartient au juge des référés, même en présence d'une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue toute sanction prononcée à l'encontre d'un salarié gréviste auquel une faute lourde ne peut être reprochée ;

Attendu que pour dire n'y avoir lieu à référé, les arrêts retiennent que les salariés sollicitent des rappels de salaire en raison du caractère abusif et injustifié de la sanction prononcée alors qu'ils exerçaient normalement leur droit de grève tandis que la SNCF estime que ces derniers ont perturbé la circulation des trains, violé le principe de continuité du service public et commis des faits contraires à un exercice normal du droit de grève justifiant la sanction disciplinaire ; qu'ainsi, la SNCF soulève une contestation sérieuse et que par application de l'article R. 1455-5 du code du travail, il convient de dire que le juge des référés n'est pas compétent pour accorder une provision ; qu'à titre surabondant, il convient de rappeler qu'il est constant que le juge des référés ne peut être compétent pour prononcer l'annulation de la sanction infligée au salarié, car cela l'amènerait à trancher le fond du litige ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il lui appartenait de rechercher si les salariés avaient commis une faute lourde, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif ayant dit n'y avoir lieu à statuer en référé sur la demande de provision présentée par l'union départementale de la CGT Puy-de-Dôme ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, les arrêts rendus le 15 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la SNCF direction régionale Bourgogne-Ouest aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la SNCF direction régionale Bourgogne-Ouest et condamne celle-ci à payer à MM. [M], [T] et à l'union Départementale CGT du Puy-de-Dôme la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° R 15-26.915 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [M] et l'union Départementale CGT du Puy-de-Dôme.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé ;

Aux motifs que Monsieur [E] [M] sollicite des rappels de salaire au motif que la sanction prononcée par la SNCF serait abusive et injustifiée, alors qu'il exerçait normalement le droit de grève, droit fondamental du salarié, alors que la SNCF estime que le salarié a perturbé la circulation des trains, violé le principe de continuité du service public et commis des faits contraires à un exercice normal du droit de grève et que donc la sanction disciplinaire était injustifiée ; que ce faisant, la SNCF soulève une contestation sérieuse et que, par application de l'article R 1455-5 du Code du travail, il convient de dire que le juge des référés n'est pas compétent pour accorder une provision ; qu'à titre surabondant, il convient de rappeler qu'il est constant que le juge des référés ne peut être compétent pour prononcer l'annulation de la sanction infligée au salarié car cela l'amènerait à trancher le fond du litige ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en se bornant à affirmer, pour juger « qu'il n'y av[ait] lieu à référé », que « la SNCF soulève une contestation sérieuse », de sorte « que, par application de l'article R 1455-5 du Code du travail, il convient de dire que le juge des référés n'est pas compétent pour accorder une provision », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la mise à pied disciplinaire notifiée à Monsieur [M] pour fait de grève ne lui avait pas causé un trouble manifestement illicite requérant l'intervention du juge des référés, peu important l'existence ou non d'une contestation sérieuse, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 1455-6 du Code du travail, ensemble l'article 7 du Préambule de la Constitution de 1958 et les articles L1132-2 et L 2511-1 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART et subsidiairement, QU'après avoir rappelé que « même en cas de contestation sérieuse, le juge des référés est compétent pour faire cesser un trouble manifestement illicite » (p.4), Monsieur [M] avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que « le juge des référés doit, en l'absence de faute lourde, constater le caractère illicite et la nullité de la sanction prise à l'encontre d'un salarié à raison de l'exercice du droit de grève, dont il résulte un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser en ordonnant l'annulation de la sanction à titre de remise en état » (p.10) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait que le juge des référés était compétent pour statuer sur la demande de Monsieur [M] en annulation de sa mise à pied disciplinaire pour fait de grève, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE le juge des référés est compétent pour annuler, à titre provisoire, toute sanction disciplinaire qui cause au salarié un trouble manifestement illicite ; qu'en affirmant, pour juger qu'il n'y avait lieu à référé et rejeter, en conséquence, la demande de Monsieur [M] tendant à annuler sa mise à pied disciplinaire pour fait de grève, que « le juge des référés ne peut être compétent pour prononcer l'annulation de la sanction infligée au salarié car cela l'amènerait à trancher le fond du litige », la Cour d'appel a derechef violé les articles R 1455-6, L1132-2 et L2511-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé et d'avoir, en conséquence, infirmé l'ordonnance de référé en ce qu'elle avait ordonné à l'EPIC SNCF DIRECTION REGIONALE BOURGOGNE OUEST de verser à l'UNION DEPARTEMENTALE CGT DU PUY DE DOME, à titre de provision, les sommes de 250 € au titre du manquement à l'intérêt collectif des travailleurs et de 100 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Aux motifs que Monsieur [G] [M] sollicite des rappels de salaire au motif que la sanction prononcée par la SNCF serait abusive et injustifiée, alors qu'il exerçait normalement le droit de grève, droit fondamental du salarié, alors que la SNCF estime que le salarié a perturbé la circulation des trains, violé le principe de continuité du service public et commis des faits contraires à un exercice normal du droit de grève et que donc la sanction disciplinaire était injustifiée ; que ce faisant, la SNCF soulève une contestation sérieuse et que, par application de l'article R 1455-5 du Code du travail, il convient de dire que le juge des référés n'est pas compétent pour accorder une provision ; qu'à titre surabondant, il convient de rappeler qu'il est constant que le juge des référés ne peut être compétent pour prononcer l'annulation de la sanction infligée au salarié car cela l'amènerait à trancher le fond du litige ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le second moyen, en application de l'article 625 du Code de procédure civile.Moyens produits au pourvoi n° T 15-26.917 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [T] et l'union Départementale CGT du Puy-de-Dôme.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé ;

Aux motifs que Monsieur [G] [T] sollicite des rappels de salaire au motif que la sanction prononcée par la SNCF serait abusive et injustifiée, alors qu'il exerçait normalement le droit de grève, droit fondamental du salarié, alors que la SNCF estime que le salarié a perturbé la circulation des trains, violé le principe de continuité du service public et commis des faits contraires à un exercice normal du droit de grève et que donc la sanction disciplinaire était injustifiée ; que ce faisant, la SNCF soulève une contestation sérieuse et que, par application de l'article R 1455-5 du Code du travail, il convient de dire que le juge des référés n'est pas compétent pour accorder une provision ; qu'à titre surabondant, il convient de rappeler qu'il est constant que le juge des référés ne peut être compétent pour prononcer l'annulation de la sanction infligée au salarié car cela l'amènerait à trancher le fond du litige ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en se bornant à affirmer, pour juger « qu'il n'y av[ait] lieu à référé », que « la SNCF soulève une contestation sérieuse », de sorte « que, par application de l'article R 1455-5 du Code du travail, il convient de dire que le juge des référés n'est pas compétent pour accorder une provision », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la mise à pied disciplinaire notifiée à Monsieur [T] pour fait de grève ne lui avait pas causé un trouble manifestement illicite requérant l'intervention du juge des référés, peu important l'existence ou non d'une contestation sérieuse, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 1455-6 du Code du travail, ensemble l'article 7 du Préambule de la Constitution de 1958 et les articles L1132-2 et L 2511-1 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART et subsidiairement, QU'après avoir rappelé que « même en cas de contestation sérieuse, le juge des référés est compétent pour faire cesser un trouble manifestement illicite » (p.4), Monsieur [T] avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que « le juge des référés doit, en l'absence de faute lourde, constater le caractère illicite et la nullité de la sanction prise à l'encontre d'un salarié à raison de l'exercice du droit de grève, dont il résulte un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser en ordonnant l'annulation de la sanction à titre de remise en état » (p.10) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait que le juge des référés était compétent pour statuer sur la demande de Monsieur [T] en annulation de sa mise à pied disciplinaire pour fait de grève, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE le juge des référés est compétent pour annuler, à titre provisoire, toute sanction disciplinaire qui cause au salarié un trouble manifestement illicite ; qu'en affirmant, pour juger qu'il n'y avait lieu à référé et rejeter, en conséquence, la demande de Monsieur [T] tendant à annuler sa mise à pied disciplinaire pour fait de grève, que « le juge des référés ne peut être compétent pour prononcer l'annulation de la sanction infligée au salarié car cela l'amènerait à trancher le fond du litige », la Cour d'appel a derechef violé les articles R 1455-6, L1132-2 et L2511-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé et d'avoir, en conséquence, infirmé l'ordonnance de référé en ce qu'elle avait ordonné à l'EPIC SNCF DIRECTION REGIONALE BOURGOGNE OUEST de verser à l'UNION DEPARTEMENTALE CGT DU PUY DE DOME, à titre de provision, les sommes de 250 € au titre du manquement à l'intérêt collectif des travailleurs et de 100 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Aux motifs que Monsieur [G] [T] sollicite des rappels de salaire au motif que la sanction prononcée par la SNCF serait abusive et injustifiée, alors qu'il exerçait normalement le droit de grève, droit fondamental du salarié, alors que la SNCF estime que le salarié a perturbé la circulation des trains, violé le principe de continuité du service public et commis des faits contraires à un exercice normal du droit de grève et que donc la sanction disciplinaire était injustifiée ; que ce faisant, la SNCF soulève une contestation sérieuse et que, par application de l'article R 1455-5 du Code du travail, il convient de dire que le juge des référés n'est pas compétent pour accorder une provision ; qu'à titre surabondant, il convient de rappeler qu'il est constant que le juge des référés ne peut être compétent pour prononcer l'annulation de la sanction infligée au salarié car cela l'amènerait à trancher le fond du litige ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le second moyen, en application de l'article 625 du Code de procédure civile.

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