25 avril 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-83.331

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2017:CR00863

Titres et sommaires

TERRORISME - Actes de terrorisme - Provocation et apologie - Apologie d'actes de terrorisme - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Incitation à porter sur des actes de terrorisme ou sur leurs auteurs un jugement favorable - Cas

Le délit d'apologie d'actes de terrorisme, prévu et réprimé par l'article 421-2-5 du code pénal, consiste dans le fait d'inciter publiquement à porter sur ces infractions ou leurs auteurs un jugement favorable. Encourt la cassation l'arrêt qui, pour renvoyer un prévenu des fins de la poursuite de ce chef, énonce que, si, lors d'un rassemblement en hommage aux victimes des attentats ayant frappé la France entre les 7 et 9 janvier 2015, il a arboré une pancarte sur laquelle il avait inscrit "je suis Charlie" d'un côté et "je suis Kouachi" de l'autre, ce qui était une référence indéniable à des personnes impliquées dans les attentats terroristes visés par cette manifestation, l'intéressé n'a pas eu la volonté de les légitimer ou d'en faire l'apologie, alors qu'il résulte de ces constatations que le prévenu, par son comportement lors d'un rassemblement public, a manifesté une égale considération pour des victimes d'actes de terrorisme et l'un de leurs auteurs à qui il s'identifiait, ce qui caractérise le délit d'apologie d'actes de terrorisme

Texte de la décision

N° G 16-83.331 F-P+B

N° 863

VD1
25 AVRIL 2017


CASSATION


M. GUÉRIN président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

CASSATION et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Poitiers, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 10 mars 2016, qui a renvoyé M. [D] [S] des fins de la poursuite du chef d'apologie d'actes de terrorisme ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 mars 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS, les observations de Me BROUCHOT, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;


Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 421-2-5 du code pénal :

Vu l'article 421-2-5 du code pénal ;

Attendu que le délit d'apologie d'actes de terrorisme, prévu et réprimé par l'article susvisé, consiste dans le fait d'inciter publiquement à porter sur ces infractions ou leurs auteurs un jugement favorable ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'aux Sables-d'Olonne, le 11 janvier 2015, lors d'un rassemblement en hommage aux victimes des attentats ayant frappé la France entre les 7 et 9 janvier 2015, M. [S] a exhibé une pancarte sur laquelle il était écrit, d'un côté, "je suis humain - je suis [F]", et de l'autre, "je suis la vie", avec la représentation d'un coeur, et "je suis [N]" ; que poursuivi du chef d'apologie d'actes de terrorisme, il a été déclaré coupable par le tribunal correctionnel ; qu'il a relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour le renvoyer des fins de la poursuite, l'arrêt énonce que, s'il est constant et reconnu par le prévenu que, lors de ce rassemblement, il a arboré une pancarte sur laquelle il avait inscrit "je suis [F]" d'un côté et "je suis [N]" de l'autre, ce qui était une référence indéniable aux frères [N] impliqués dans les attentats terroristes visés par cette manifestation, et montré successivement aux personnes qui lui faisaient face l'inscription "je suis [F]" puis "je suis [N]", le fait que le prévenu se fût présenté, à son initiative, au commissariat de police pour expliquer ce qu'il avait fait lors du rassemblement républicain, affirmer, ensuite, qu'il ne s'agissait en aucun cas d'un acte d'apologie du terrorisme et prendre la défense de l'humoriste controversé [E], tend à démontrer que M. [S] fonctionne depuis quelque temps dans une logique atypique, mais humaniste ; que les juges relèvent que cela a pu le conduire à un comportement décalé, dans le but de rapprocher des personnes autour d'un débat sur les attentats terroristes, sans aucune volonté de légitimer ceux-ci ou d'en faire l'apologie ; que la cour d'appel ajoute qu'en l'absence d'élément intentionnel de l'infraction poursuivie, il convient de relaxer le prévenu ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que le prévenu, par son comportement lors d'un rassemblement public, a manifesté une égale considération pour des victimes d'actes de terrorisme et l'un de leurs auteurs à qui il s'identifiait, ce qui caractérise le délit d'apologie d'actes de terrorisme, la cour d'appel a méconnu l'article susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Poitiers, en date du 10 mars 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq avril deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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