15 juin 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-13.855

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:C200928

Texte de la décision

CIV. 2

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2017




Rejet


Mme FLISE, président



Arrêt n° 928 F-D

Pourvoi n° R 16-13.855







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Brienne auto, société anonyme, dont le siège est [...],

contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2016 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Aquitaine, dont le siège est [...], venant aux droits de l'URSSAF de la Gironde,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 mai 2017, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme X..., conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mme Szirek, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme X..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Brienne auto, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Aquitaine, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 21 janvier 2016), qu'à la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Gironde, aux droits de laquelle est venue l'URSSAF d'Aquitaine ( l'URSSAF), a notifié à la société Brienne Auto (la société) un redressement portant sur la réintégration dans les bases des cotisations des avantages en nature constitués par la mise à disposition de véhicules ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'accueillir ce dernier, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en attribuant aux constatations, non étayées d'un quelconque élément objectif et contestées par le cotisant contrôlé, formulées par l'inspecteur du recouvrement dans la lettre d'observations, une valeur probante spécifique en l'absence de toute disposition légale ou réglementaire, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil, L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'il appartient à l'URSSAF qui prétend opérer un redressement au titre d'un avantage en nature véhicule de démontrer objectivement, c'est-à-dire autrement que par les seules affirmations de l'inspecteur du recouvrement, que des véhicules ont été mis par le cotisant contrôlé à la disposition permanente de ses salariés ; qu'en validant le redressement opéré au détriment de la société Brienne Auto, sur la base des seules "constatations" de l'inspecteur du recouvrement selon lesquelles "M. Y..., PDG, M. Z..., directeur, et d'autres salariés, essentiellement les conseillers commerciaux, bénéficient de la mise à disposition permanente de véhicules et d'une pompe à essence pour faire le plein", sans préciser les éléments objectifs sur lesquels s'appuyait cette affirmation, contestée par le cotisant qui faisait valoir qu'en sa qualité de concessionnaire automobile, il ne mettait pas de véhicules à la disposition de ses dirigeants ou de ses salariés mais les autorisait à utiliser, pour les seuls besoins de leur activité professionnelle, les véhicules de démonstration tenus à la disposition de la clientèle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1315 du code civil, L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que les mentions du procès-verbal des agents de contrôle, dont la lettre d'observations est un élément constitutif, font foi jusqu'à preuve contraire ;

Et attendu que l'arrêt retient qu'il résulte des pièces produites aux débats et notamment de la lettre d'observations en date du 5 mars 2010 que lors du contrôle, l'inspecteur du recouvrement a constaté que M. Y..., PDG, M. Z..., directeur et d'autres salariés, essentiellement les conseillers commerciaux, bénéficient de la mise à disposition permanente de véhicules et d'une pompe à essence pour faire le plein ; que le choix du véhicule est opéré parmi le stock de véhicules de démonstration et qu'en 2007 jusqu'en cours d'année 2008, l'employeur a décompté des avantages en nature véhicule au titre de cette mise à disposition ; qu'il relève que la société Brienne auto produit des attestations établies par le directeur général et quatre salariés qui indiquent ne pas utiliser les véhicules de démonstration à des fins personnelles ; que ces attestations, qui ne sont détaillées que pour trois d'entre-elles, émanent de seulement quatre salariés alors qu'il ressort des pièces n° 17 à 20 produites par l'employeur qu'au moins douze commerciaux effectuent la permanence du samedi sur la concession ; que l'employeur ne produit aucune note de service, aucun règlement interne validant les affirmations du directeur général et de ces salariés dont il n'est pas contesté qu'il sont encore dans un lien de subordination avec la société Brienne auto ;

Que de ces constatations et énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu, sans inverser la charge de la preuve, déduire que les attestations et documents produits par la société étaient insuffisants à contredire sérieusement les constatations effectuées lors du contrôle, de sorte que le chef de redressement litigieux était justifié ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses deux premières branches, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Brienne auto aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Brienne auto et la condamne à payer à l'URSSAF d'Aquitaine la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Brienne auto.


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR confirmé la décision rendue le 16 décembre 2010 par la Commission de recours amiable de l'Urssaf de la Gironde et, validant le redressement notifié par mise en demeure du 9 juillet à la Société Brienne Auto, condamné cette société à payer à l'Urssaf Aquitaine venant aux droits de l'Urssaf de la Gironde la somme de 74 742 € en exécution de cette mise en demeure et celle de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

AUX MOTIFS QU' " Aux termes de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail sont soumises à cotisations notamment les gains, indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisation ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent ou en nature ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire, à l'exclusion des sommes représentatives des frais professionnels dans des conditions et limites fixées par arrêté ministériel, les conditions d'exonération des remboursements de frais professionnels étant en l'état fixées par l'arrêté du 20 décembre 2002 ; que par ailleurs l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale dispose que lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises ; qu'il n'est pas contesté que la circulaire DFSS/SDFSS/5B n°2003-07 du 7 janvier 2003 définit cet avantage en nature sous forme de véhicule comme une utilisation privée d'un véhicule mis à disposition du salarié de façon permanente, et considère qu'il y a mise à disposition à titre permanent du véhicule chaque fois que les circonstances de fait permettent au salarié d'utiliser à titre privé et en dehors du temps de travail un véhicule professionnel, c'est-à-dire lorsque il n'est pas tenu de restituer ce véhicule en dehors de ces périodes de travail notamment en fin de semaine ou pendant ces périodes de congés, tel n'étant pas le cas lorsque l'utilisation de véhicule est destinée à un usage exclusivement professionnel ;

QU'il résulte des pièces produites aux débats et notamment la lettre d'observations conforme aux dispositions de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale en date du 5 mars 2010, de la réponse à la lettre d'observations en date du 6 avril 2010, des échanges de courriers entre l'Urssaf Aquitaine et la société Brienne Auto du 21 avril 2010 et du 10 mai 2010, de la saisine de la commission de recours amiable du 4 août 2010 et de la décision de ladite commission du 20 janvier 2011, que lors du contrôle l'inspecteur a constaté : « que Monsieur Y..., PDG, Monsieur Z..., directeur, et d'autres salariés, essentiellement les conseillers commerciaux, bénéficient de la mise à disposition permanente de véhicules et d'une pompe à essence pour faire le plein. Le choix du véhicule est opéré parmi le stock de véhicules de démonstration. Sur 2007 et jusqu'en cours d'année 2008, l'employeur a décompté des avantages en nature véhicule au titre de cette mise à disposition. Toutefois le mode de calcul avantage en nature était inapproprié. Par ailleurs, au cours d'année 2008, l'employeur a purement et simplement arrêté de décompter des avantages en nature à ce titre » ; que dans un premier temps la société Brienne Auto n'a pas sérieusement contesté que des véhicules de démonstration figurant en stock étaient mis à disposition des salariés se contentant d'exposer que, leur utilisation n'engendrant aucune charge pour l'entreprise et concourant au contraire à l'augmentation des profits de celle-ci, il n'était pas possible d'en répercuter un coût de sorte que l'utilisation par les salariés ne pouvait constituer un avantage en nature évalué sur la base des dépenses réellement engagées par l'entreprise, tous les salariés bénéficiant par ailleurs d'un véhicule personnel ;

QUE le procès-verbal de constatation de l'inspecteur chargé du contrôle faisant foi jusqu'à preuve du contraire, il appartient à la société Brienne Auto de rapporter la preuve de l'utilisation des véhicules de démonstration par les membres de la direction et les salariés pour un usage exclusivement professionnel ;

QU'à cet égard la renonciation au redressement notifié sur l'avantage en nature véhicule notifiée par l'administration fiscale au mois de mars 2003 est sans incidence que l'issue du litige s'agissant de l'application de règles distinctes non transposables pour une période distincte de la période litigieuse, ne liant pas l'Urssaf Aquitaine, sachant que le fait générateur de la cotisation est la réalité d'une mise à disposition du bien au profit d'un salarié, pour lequel elle constitue une économie, et non la charge qu'elle génère pour l'entreprise, laquelle ne constitue qu'une des bases de calcul du montant de l'avantage ;

QUE la société Brienne Auto produit une attestation de son expert comptable du 18 mars 2011 qui indique qu'il ressort de la comptabilité analytique de l'entreprise que la société dégage de façon récurrente une marge positive sur la vente de véhicules de démonstration qui est donc inopérante ; que la société Brienne Auto produit des programmes de démonstration BMW pour 2010 et 2011, des attestations établies par le directeur général et quatre salariés qui indiquent ne pas utiliser les véhicule de démonstration à des fins personnelles et dont trois précisent qu'ils utilisent les véhicules de démonstration au cours de leur temps de travail, au maximum en dehors de l'enceinte de la concession lors des visites de prospection pour rendre la marque BMW lisible, pour des missions exclusivement professionnelles, que toutefois avec l'accord de la société ils conservent le véhicule mis à disposition pour leurs déplacements professionnels à la fin de la journée de travail ou la fin de semaine lorsqu'ils sont de permanence, mais jamais lors des congés et sans toutefois l'utiliser à titre personnel compte tenu des consignes de l'employeur ; que ces attestations, qui ne sont détaillées que pour trois d'entre elles, qui émanent de seulement quatre salariés, alors qu'il ressort des pièces n°17 et 20 produites par l'employeur qu'au moins 12 commerciaux effectuent la permanence du samedi sur la concession et sont donc concernés par la mise à disposition de véhicules de démonstration, sont insuffisantes à contredire sérieusement les constatations effectuées lors du contrôle, étant observé a fortiori que l'employeur ne produit aucune note de service, aucun règlement intérieur démontrant que l'usage qui est fait des véhicules de démonstration mis à disposition du personnel fait l'objet d'une réglementation interne validant les affirmations du directeur général et de ces salariés dont il n'est pas contesté qu'ils sont encore dans un lien de subordination avec la société Brienne Auto ; que le fait qu'aucun des contrats de travail produit ne comporte de stipulation relative à l'usage d'un véhicule importe peu puisque le litige concerne l'usage de véhicules mis à disposition et non celui de véhicules de service ou de fonction ; que par ailleurs les certificats d'immatriculation produits aux débats par l'employeur concernent pour le directeur général et pour trois des salariés témoins des véhicules immatriculés postérieurement à la période contrôlée et un véhicule appartenant à Madame Y... qui n'est pas concerné par le présent litige, la photocopie d'un des certificats d'immatriculation étant illisible, de sorte que le fait qu'une partie du personnel soit propriétaire d'un véhicule automobile, à considérer que ceci soit incompatible avec l'usage d'un véhicule mis à disposition à des fins personnelles, n'est pas probant ;

QUE dans ces conditions il convient de déduire de ces circonstances et considérations que la société Brienne Auto ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, étant observé au surplus qu'il s'évince de la teneur de la contestation de la lettre d'observations par l'employeur et du fait, non contesté, que la mise à disposition des véhicules de démonstration a été décomptée en 2007 et en 2008 en tant qu'avantage en nature véhicule, des indices confortant la mise à disposition permanente des salariés des véhicules de démonstration au sein de la concession constatée par l'inspecteur du contrôle ; que sur son principe le redressement doit être validé" (arrêt p.6 dernier alinéa, p.7 alinéas 1 à 4) ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que le procès-verbal de l'inspecteur du recouvrement faisait foi jusqu'à preuve contraire de ce que des véhicules de démonstration et une pompe à essence étaient mis en permanence par la Société Brienne Auto à la disposition de ses dirigeants sociaux et de ses commerciaux cependant que cette pièce n'avait pas été produite aux débats, la cour d'appel a violé l'article 7 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut par conséquent fonder sa décision sur une pièce non communiquée et dont les parties n'ont, par suite, pas été à même de débattre contradictoirement ; qu'en retenant, pour rejeter le recours de la Société Brienne Auto, que "…le procès-verbal de constatation de l'inspecteur chargé du contrôle faisant foi jusqu'à preuve du contraire, il appartient à la société Brienne Auto de rapporter la preuve de l'utilisation des véhicules de démonstration par les membres de la direction et les salariés pour un usage exclusivement professionnel (…)" et que "…la Société Brienne Auto ne rapporte pas [cette] preuve qui lui incombe", quand le procès-verbal dressé par l'inspecteur du recouvrement n'avait été invoqué par aucune des parties dans leurs écritures oralement reprises et ne figurait pas sur le bordereau annexé par l'Urssaf d'Aquitaine à ces écritures, la Cour d'appel, qui s'est fondée sur une pièce non communiquée, a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS subsidiairement QU'en attribuant aux constatations, non étayées d'un quelconque élément objectif et contestées par le cotisant contrôlé, formulées par l'inspecteur du recouvrement dans la lettre d'observations, une valeur probante spécifique en l'absence de toute disposition légale ou réglementaire, la Cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil, L.243-7 et R.243-59 du Code de la sécurité sociale ;

4°) ALORS enfin QU'il appartient à l'Urssaf qui prétend opérer un redressement au titre d'un avantage en nature véhicule de démontrer objectivement, c'est à dire autrement que par les seules affirmations de l'inspecteur du recouvrement, que des véhicules ont été mis par le cotisant contrôlé à la disposition permanente de ses salariés ; qu'en validant le redressement opéré au détriment de la Société Brienne Auto, sur la base des seules "constatations" de l'inspecteur du recouvrement selon lesquelles "… Monsieur Y..., PDG, Monsieur Z..., directeur, et d'autres salariés, essentiellement les conseillers commerciaux, bénéficient de la mise à disposition permanente de véhicules et d'une pompe à essence pour faire le plein…", sans préciser les éléments objectifs sur lesquels s'appuyait cette affirmation, contestée par le cotisant qui faisait valoir qu'en sa qualité de concessionnaire automobile, il ne mettait pas de véhicules à la disposition de ses dirigeants ou de ses salariés mais les autorisait à utiliser, pour les seuls besoins de leur activité professionnelle, les véhicules de démonstration tenus à la disposition de la clientèle, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1315 du Code civil, L.243-7 et R.243-59 du Code de la sécurité sociale.

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