21 septembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-10.346

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2017:SO02192

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - résiliation judiciaire - prise d'effet - date - date du jugement ou de l'arrêt prononçant la résiliation - condition

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur

Texte de la décision

SOC.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 septembre 2017




Cassation partielle


M. FROUIN , président



Arrêt n° 2192 FS-P+B

Pourvoi n° B 16-10.346







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Marie-Christine Y..., domiciliée [...],

contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2015 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Prisma média, société en nom collectif, dont le siège est [...], anciennement dénommée Prisma presse,

2°/ à Pôle emploi de Paris, dont le siège est [...],

défendeurs à la cassation ;

La société Prisma média a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 septembre 2017, où étaient présents : M. Frouin, président, M. Belfanti , conseiller référendaire rapporteur, Mme Goasguen, conseiller doyen, Mmes Aubert-Monpeyssen, Schmeitzky-Lhuillery, M. Schamber, conseillers, Mmes Ducloz, Sabotier, Ala, conseillers référendaires, Mme Becker, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Belfanti, conseiller référendaire, les observations de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de Mme Y..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Prisma média, l'avis écrit de Mme Rémery, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc. 3 juillet 2013, n° 12-10.047) que Mme Y... a collaboré avec la société Prisma presse, aux droits de laquelle vient la société Prisma média, en qualité de rédactrice de janvier 1993 à juin 2003, à titre principal pour le magazine « Femme actuelle », en étant rémunérée à la pige ; qu'estimant que la société avait de manière fautive considérablement réduit à partir de 2002 le volume de travail fourni, l'intéressée, revendiquant l'existence d'un contrat de travail en qualité de journaliste, a saisi la juridiction prud'homale aux fins de résiliation judiciaire de ce contrat et de paiement d'indemnités ;

Sur le second moyen du pourvoi principal de la salariée, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant fait ressortir que la salariée ne s'était pas tenue à la disposition de son employeur après décembre 2003, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-3, L. 7112-3 du code du travail et l'article 44 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 ;

Attendu que pour fixer le salaire mensuel moyen à la somme de 538,44 euros, l'arrêt retient que la cour ne peut que constater une moyenne de salaire des trois derniers mois s'élevant à ladite somme ;

Attendu cependant que si l'employeur d'un journaliste pigiste employé comme collaborateur régulier est tenu de lui fournir régulièrement du travail sauf à engager la procédure de licenciement, il n'est pas tenu de lui fournir un volume de travail constant ; qu'il en résulte qu'en cas de rupture du contrat de travail s'analysant en un licenciement, le salaire de référence pour déterminer le montant des indemnités de préavis et de congés payés ainsi que la somme due conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail doit être fixée par application de l'article 44 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour fixer la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur au 12 novembre 2015, l'arrêt retient que le contrat de travail n'ayant pas été rompu préalablement, la cour prononcera la résiliation du contrat de pigiste au jour du prononcé du présent arrêt ;

Attendu cependant qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée n'était plus au service de son employeur après décembre 2003, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de Mme Y... de ses demandes au titre des rappels de salaire et de prime conventionnelle ainsi que des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 12 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé le salaire mensuel moyen à la somme de 538,44 euros et d'AVOIR condamné en conséquence la SNC Prisma media à régler à Mme Marie-Christine Y... les seules sommes de 176,88 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 107,68 € au titre des congés payés afférents, de 8 076,60 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et de 3.230,64 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « Mme Marie-Christine Y... ne justifiant d'aucune activité pour le compte de la société Prisma Media après décembre 2003, la cour ne peut que (
) constater une moyenne de salaire des trois derniers mois s'élevant à 538,44 euros ; s'agissant des demandes relatives à la rupture du contrat de travail, compte tenu de la moyenne précédemment calculée, Mme Y... est fondée à prétendre à la rémunération qu'elle aurait du percevoir pendant le préavis, soit 1 076, 88 euros (2 mois de salaire), outre 107, 68 euros au titre des congés payés afférents ; s'agissant de l'indemnité conventionnelle de licenciement due en application de l'article 44 de la convention collective des journalistes, celle-ci, eu égard à la période sollicitée (15 ans) s'élève à 8 076, 60 euros ; que la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et compte tenu de l'absence de pièces justificatives relatives à la situation de l'appelante, la cour se fondant sur les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail accordera la somme de 3230,64 euros à titre de dommages et intérêts » (cf. arrêt p.4, dernier § - p.5, § 4) ;

ALORS QUE, d'une part, les indemnités consécutives à la rupture du contrat de travail doivent être calculées sur la base de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir et non sur celle de la rémunération qu'il a effectivement perçue du fait des manquements de l'employeur à ses obligations ; qu'aussi, en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de la baisse d'activité décidée unilatéralement par ce dernier et ayant pour conséquence une diminution sensible de la rémunération du salarié, la période à prendre en compte pour le calcul du salaire brut mensuel de référence ne saurait être celle au cours de laquelle l'employeur a manqué à ses obligations en diminuant sensiblement la fourniture du travail au salarié ; qu'en retenant la période des trois derniers mois travaillés en 2003 pour déterminer le salaire brut mensuel de référence de Mme Y..., sans rechercher si cette période ne correspondait pas à celle au cours de laquelle la société Prisma Presse avait sensiblement diminué le niveau d'activité de Mme Y... la privant ainsi de sa rémunération habituelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1231-1, L.1234-5, L.1234-9, L.1235-3 et L. 7112-3 du code du travail ;

ALORS QUE, d'autre part et à titre subsidiaire, la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'aussi en condamnant la société Prisma media à régler à Mme Y... la somme de 176, 88 € à titre d'indemnité compensatrice légale de préavis après avoir évalué cette somme à 1 076, 88 euros dans sa motivation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Mme Y... au titre de rappels de salaire et de prime conventionnelle ainsi que les congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « le contrat de travail n'ayant pas été rompu, la cour prononcera la résiliation du contrat de pigiste au jour du prononcé du présent arrêt ; cependant, Mme Marie-Christine Y... ne justifiant d'aucune activité pour le compte de la société Prisma Media après décembre 2003, la cour ne peut que (
) confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande de rappel de salaire, de rappel de primes et les congés payés afférents » (cf. arrêt p.4, avant dernier § - p.5, §1) ;

ALORS QUE, il appartient au juge, en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail dont la date d'effet est fixée au jour de la décision qui la prononce, de fixer le montant des salaires qui auraient été perçus si le salarié avait continué à travailler dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date ; qu'en déboutant Mme Y... de ses demandes au titre de rappel de salaire, de rappel de primes et de congés payés afférents au prétexte que celle-ci ne justifiait pas d'avoir continué à travailler pour la société Prisma media après 2003 après avoir constaté que la contrat de travail n'avait pas été rompu préalablement au prononcé de la décision, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils pour la société Prisma média.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, statuant sur renvoi après cassation, d'AVOIR "fixé la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur au 12 novembre 2015" dans les rapports de la Société Prisma Media et de Mme Marie-Christine Y... ;

AUX MOTIFS QU' "aux termes de l'arrêt de cassation, le statut de journaliste professionnel de Mme Marie-Christine Y..., comme le principe de la résiliation de son contrat de travail aux torts de Prisma ont été validés par la Chambre sociale ; que le contrat de travail n'ayant pas été rompu préalablement, la Cour prononcera la résiliation du contrat de pigiste au jour du prononcé du présent arrêt ;

QUE cependant Mme Marie-Christine Y... ne justifiant d'aucune activité pour le compte de la Société Prisma Media après décembre 2003, la cour ne peut, d'une part, que constater une moyenne de salaires des trois derniers mois s'élevant à 538,44 €, d'autre part, confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme Marie-Christine Y... de sa demande en rappel de salaires, rappel de primes et les congés payés afférents " ;

ALORS QUE la prise d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail ne doit être fixée à la date de la décision judiciaire la prononçant que pour autant qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur ; qu'en fixant à la date de sa décision, soit le 12 novembre 2015, la rupture du contrat de travail de Mme Y... tout en constatant que cette salariée qui, pour sa part sollicitait que la date de la rupture fût fixée au 2 novembre 2011, ne justifiait d'aucune activité pour le compte de la Société Prisma Media après décembre 2003, sans rechercher si, pendant cette période, Mme Y... s'était tenue à la disposition de son employeur, ce que ce dernier contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil.

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