28 septembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-10.236

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:SO02116

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2017




Cassation


M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 2116 F-D

Pourvoi n° H 16-10.236







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Claude Y..., domicilié [...]                                        ,

contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2015 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre B), dans le litige l'opposant à la Société marseillaise de crédit (SMC), société anonyme, dont le siège est [...]                         ,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 11 juillet 2017, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller, Mme A..., avocat général, Mme Hotte, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Z..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. Y..., de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la Société marseillaise de crédit, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article R. 1455-6, ensemble les articles L. 1132-1, L. 1132-4 et L. 1134-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé, qu'engagé en août 1995 en qualité de conseiller en patrimoine par la société Crédit du Nord, M. Y... a exercé divers mandats de représentation du personnel ; qu'à compter du 22 octobre 2012, à la suite d'une modification intervenue dans la situation juridique de son employeur, son contrat de travail a été transféré auprès de la Société marseillaise de crédit ; que le mandat syndical du salarié a alors pris fin ; qu'il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 7 novembre 2013, à l'issue de la période de protection complémentaire ; qu'il a été désigné délégué syndical central le 14 novembre 2013, désignation qui a été annulée par jugement du tribunal d'instance du 27 février 2014, devenu irrévocable ; que le salarié a été licencié le 29 novembre 2013 pour faute grave en raison de son refus du poste de conseiller en patrimoine qui lui avait été proposé le 21 juin précédent ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en référé aux fins qu'elle ordonne sa réintégration sous astreinte ;

Attendu que pour dire n'y avoir lieu à référé, l'arrêt retient qu'au soutien de ses allégations, le salarié verse aux débats le procès-verbal du 17 octobre 2014 par lequel l'inspecteur du travail a relevé à l'encontre de l'employeur l'infraction de discrimination syndicale au motif qu'il n'a pas attribué de poste de travail au salarié pendant cinq mois, qu'il l'a affecté ensuite sur des missions temporaires ne correspondant pas à son contrat de travail et qu'il l'a licencié pour refus de prise d'un poste de conseiller en patrimoine sur Toulon, alors que le salarié se trouvait en arrêt maladie et qu'il avait formalisé son acceptation par écrit, que cependant, le procureur de la République, saisi de ce procès-verbal, a procédé au classement sans suite de ce dossier au motif que les faits relatés relevaient plus du contentieux prud'homal que du contentieux pénal, qu'en outre, le salarié a été licencié plus d'un an après le transfert de son contrat de travail, alors qu'il ne disposait plus du statut de salarié protégé et qu'il avait cessé toute activité syndicale depuis son transfert, que force est de constater que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'existence du trouble manifestement illicite qu'il invoque ;

Attendu, cependant, que le juge des référés, auquel il appartient, même en présence d'une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue le licenciement d'un salarié en raison de ses activités syndicales, doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis laissent supposer l'existence d'une discrimination et, dans l'affirmative, rechercher si l'employeur apporte des éléments objectifs de nature à justifier que ses décisions sont étrangères à toute discrimination ;

Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la Société marseillaise de crédit aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Y...


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, conformément à l'article R 1455-6 du code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le salarié soutient qu'il subit un trouble manifestement illicite au motif que le licenciement pour faute grave qui lui a été notifié le 29 novembre 2013 est nul, dans la mesure où il a été prononcé en raison de ses activités syndicales ; qu'au soutien de ses allégations, il verse au débat le procès-verbal du 17 octobre 2014 par lequel l'inspecteur du travail a relevé à l'encontre de l'employeur l'infraction de discrimination syndicale au motif qu'il ne lui a pas attribué de poste du travail pendant 5 mois, qu'il l'a affecté ensuite sur des missions temporaires ne correspondant pas à son contrat de travail et qu'il l'a licencié pour refus de prise d'un poste de conseiller en patrimoine sur Toulon, alors que le salarié se trouvait en arrêt maladie et qu'il avait formalisé son acceptation par écrit ; que cependant, le Procureur de la République saisi de ce procès-verbal a procédé au classement sans suite de ce dossier au motif que les faits relatés relevaient plus du contentieux prud'homal que du contentieux pénal ; qu'en outre, le salarié a été licencié plus d'un an après le transfert de son contrat de travail, alors qu'il ne disposait plus du statut de salarié protégé et qu'il avait cessé toute activité syndicale depuis son transfert ; que force est de constater que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'existence du trouble manifestement illicite qu'il invoque, de sorte que la décision déféré qui a dit n'y avoir lieu à référé doit être confirmée ; qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties, ni pour la procédure de première instance, ni pour celle d'appel ; que le salarié qui succombe doit être tenu aux dépens ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le débat porte donc sur la qualité de délégué syndical du salarié au moment où la procédure a été initiée, le défaut de consultation des services de l'Inspection du travail suivi du licenciement constituant dans ce cas un trouble manifestement illicite ; qu'à la date d'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement, le 7 novembre 2013, M. Y... n'avait pas encore été désigné délégué syndical, ne l'ayant été officiellement que le 14 novembre 2013 ; que cependant, l'article L. 2411-3 du Code du Travail, dispose que la protection dont bénéficie le salarié s'applique lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la désignation d'un délégué syndical a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa désignation comme délégué syndical, avant que le salarié ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement ; que M. Y... soutient que la Société Marseillaise de Crédit avait connaissance de l'imminence de sa désignation lorsqu'elle lui a adressé la convocation à l'entretien préalable au licenciement ; qu'il explique que le délégué syndical central en fonction, Bernard B..., devait partir en retraite et qu'il s'agissait de nommer d'ores et déjà son remplaçant afin de préparer efficacement les élections professionnelles qui devaient avoir lieu en mai 2014 ; que M.C..., membre de la confédération syndicale CGT indique dans l'attestation versée en procédure par le requérant qu'en tant qu'animateur du collectif CGT des banques et assurances des Bouches du Rhône, il a organisé le 27 septembre 2013 une réunion de ce collectif avec la participation de dirigeants de la Fédération des Syndicats des Personnels des Banques et Assurances. Il précise que le but de cette réunion était de préparer l'avenir de la CGT à la Société Marseillaise de Crédit compte tenu notamment du départ prochain à la retraite du délégué syndical central CGT à la SMC, Bernard B... ; que Jean-Pascal C... ajoute que la discussion a été difficile car Bernard B... désirait garder son mandat le plus longtemps possible, les autres personnes présentes insistant pour qu'il accepte de « lâcher » le mandat pour le confier à M. Y... qui avait l'expérience nécessaire ; que le témoin indique qu'ils n'ont pas pu déboucher sur un accord ce jour-là ; que le témoignage de Bernard D..., présent à cette réunion précise que la fédération souhaitait recueillir l'avis des principaux militants de l'entreprise quant au remplacement rapide de Bernard B... par M. Y... ; qu'il ajoute que l'absence d'unanimité sur cette proposition a conduit le bureau fédéral du 4 novembre 2013 à demander au comité fédéral suivant de confirmer la désignation immédiate de M. Y... comme délégué syndical central de la SMC, décision qui a été validée lors de la réunion du comité fédéral du 14 novembre 2013 et adressé le jour même à l'entreprise et à l'inspection du travail ; que Catherine E... confirme point par point ce témoignage ; que Carole F... qui a assisté à une réunion le 12 novembre 2013, indique que Bernard B... lui a relaté que lors du déplacement de ce dernier à Paris le 7 novembre 2013, M. G..., directeur des ressources humaines de la Société Marseillaise de Crédit lui aurait dit que concernant le dossier de M. Y..., ils « iraient jusqu'au bout... jusqu'au clash » ; que cette attestation, qui ne relate que des propos rapportés, de surcroît niés par Bernard B..., ne paraît pas utile aux débats ; que Bernard B..., a indiqué dans un courrier en date du 9 avril 2014, qu'à aucun moment son remplacement n'a été évoqué lors de la réunion du 27 septembre 2013 et qu'il n'a jamais souhaité garder son mandat envers et contre tous ; qu'il ajoute avoir envisagé de proposer une autre salariée pour le remplacer et que la seule allusion à son départ était de son fait, lorsqu'il a expliqué à Catherine E... qu'il n'était pas souhaitable que M. Y... prenne sa suite ; qu'il indique que Catherine E... a alors avancé le nom de Carole F..., ce qui lui semblait envisageable ; qu'il indique que c'est en raison des prises de position antérieures de M. Y..., au moment de l'absorption des salariés du Crédit du Nord, que sa candidature posait question ; qu'il précise que c'est lors d'une réunion du 12 novembre 2013 que le dossier de M. Y... a été évoqué car il était convoqué à un entretien préalable qui devait se tenir le 19 novembre 2013 et que c'est lors de ces débats qu'il a été décidé de le désigner comme délégué syndical, lui-même étant en désaccord, compte tenu de l'irrégularité qui selon lui affectait cette désignation ; qu'il rappelle que c'est lui qui a assisté le salarié lors de l'entretien préalable du 19 novembre car il n'avait pas de courrier fédéral lui faisant part de la domination de M. Y... et de la perte de son mandat ; qu'il n'est donc pas démontré par les témoignages, qui émanent de surcroît de personnes étrangères à la SMC, hormis celui de Bernard B..., que la désignation de M. Y... a été décidée lors de la réunion du 27 septembre 2013, faute d'unanimité, Bernard B... indiquant même que ce sujet n'y a pas été évoqué, mais que c'est lors d'une réunion du 12 novembre 2013 que la désignation a été évoquée puis formalisée le 14 novembre 2013, soit après l'envoi de la convocation à l'entretien préalable ; que le degré d'information de l'employeur quant aux discussions relatives à cette nomination n'est en aucun cas démontré ; qu'il ne ressort pas des débats, en l'état, que la désignation de M. Y... était imminente et que l'employeur en avait connaissance au jour de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable ; que le requérant ne démontre donc pas l'existence d'un trouble manifestement illicite et le Conseil des Prud'hommes en sa formation de référé est donc incompétent pour en connaître ;

1°) ALORS QUE le juge des référés, auquel il appartient, même en présence d'une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue le licenciement d'un salarié en raison de ses activités syndicales, doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis laissent supposer l'existence d'une discrimination - dont le prononcé du licenciement - et dans l'affirmative, rechercher si l'employeur apporte des éléments objectifs de nature à justifier que ses décisions sont étrangères à toute discrimination ; que pour dire qu'il n'y avait pas lieu à référé, la cour d'appel a énoncé que « le salarié ne rapporte pas la preuve de l'existence du trouble manifestement illicite qu'il invoque » ; qu'en se déterminant ainsi, quand il appartenait seulement à M. Y... d'établir des faits laissant présumer la discrimination syndicale invoquée, à charge pour l'employeur de justifier par des éléments objectifs que ses décisions étaient étrangères à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1131-1, L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1 et R. 1455-6 du code du travail ;

2°) ALORS, subsidiairement, QU'en l'espèce, cependant que M. Y... soutenait expressément dans ses conclusions d'appel réitérées oralement à l'audience qu'il était adhérent de la CGT depuis 2007 et qu'il en était demeuré un militant actif après le transfert de son contrat de travail, la cour d'appel a constaté qu'il avait été désigné, le 14 novembre 2013, en qualité de délégué syndical central par la fédération CGT des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance ; qu'en affirmant que le salarié « avait cessé toute activité syndicale depuis son transfert », sans viser ou analyser, même sommairement, le ou les éléments de preuve fondant cette affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ET ALORS, plus subsidiairement, QU'aucune personne ne doit faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de ses activités syndicales, présentes mais aussi passées et/ou à venir ; que, pour écarter toute discrimination syndicale, la cour d'appel a relevé que « le salarié a été licencié plus d'un an après le transfert de son contrat de travail, alors qu'il ne disposait plus du statut de salarié protégé et qu'il avait cessé toute activité syndicale depuis son transfert » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, impropres à exclure que la discrimination syndicale litigieuse ait pu être constituée d'agissements accomplis à raison des activités passées du salarié, connues de l'employeur ayant repris son contrat de travail, et laissant présager la poursuite par le salarié de son engagement syndical, la cour d'appel a violé les articles L. 1131-1, L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1 et R. 1455-6 du code du travail.

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