4 octobre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-16.441

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2017:SO02173

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - licenciement économique - licenciement individuel - entreprise en difficulté - liquidation judiciaire - licenciement par le liquidateur - applications diverses - accident du travail ou maladie professionnelle - inaptitude au travail - obligation de reclassement - nécessité - défaut - cas - cessation totale de l'activité de l'entreprise n'appartenant à aucun groupe

Viole l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, la cour d'appel qui dit le licenciement pour motif économique d'un salarié victime d'un accident du travail nul, alors qu'il résultait de ses constatations que l'impossibilité de reclassement du salarié ressortissait à la cessation totale d'activité de l'entreprise mise en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité et qu'il n'était pas prétendu que celle-ci appartenait à un groupe

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 octobre 2017




Cassation partielle


M.FROUIN, président



Arrêt n° 2173 FS-P+B

Pourvoi n° B 16-16.441







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Pascal Y..., domicilié [...], 03200 Vichy, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société LJC bâtiment,

contre l'arrêt rendu le 1er mars 2016 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile, sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Julien Z..., domicilié [...],

2°/ à l'association CGEA UNEDIC-AGS, dont le siège est [...],

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 5 septembre 2017, où étaient présents : M. X..., président, M. A..., conseiller rapporteur, Mme Guyot, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, conseillers, Mme Salomon, MM. Silhol, Duval, Mme Valéry, conseillers référendaires, Mme B..., avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. A..., conseiller, les observations de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de M. Y..., ès qualités, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. Z..., l'avis de Mme B..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., engagé le 1er juillet 2011 en qualité de conducteur de travaux par la société LJC bâtiment (la société), a été victime, le 7 novembre 2011, d'un accident du travail ; qu'à l'issue des examens médicaux des 29 avril et 13 mai 2014, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste ; que, par jugement du 27 mai 2014, la liquidation judiciaire de la société sans poursuite d'activité a été prononcée, M. Y... étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire ; que le salarié a, le 11 juin 2014, été licencié pour motif économique ;

Attendu que pour dire le licenciement nul et fixer la créance du salarié à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société à des sommes à titre de dommages-intérêts et complément d'indemnité de licenciement, l'arrêt retient que le salarié ayant été déclaré inapte à son poste de travail le 13 mai 2014, suite à un accident du travail, il appartenait à l'employeur de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 1226-10 du code du travail et, notamment, de procéder, à compter de cette date, à des recherches en vue de parvenir à son reclassement, qu'il est constant qu'aucune recherche en ce sens n'a été effectuée, que ce soit avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire intervenue le 27 mai 2014 ou après et que le liquidateur s'est borné à mettre en oeuvre la procédure de licenciement économique en convoquant le salarié à l'entretien préalable à son licenciement pour motif économique le 28 mai 2014, que le liquidateur invoque vainement les contraintes de temps résultant de la procédure de liquidation judiciaire alors qu'il ne justifie aucunement des démarches effectuées auparavant, qu'il apparaît, par conséquent, que les règles particulières aux salariés victimes d'un accident du travail, qui instituent une protection d'ordre public, n'ont pas été respectées et que le licenciement prononcé dans de telles conditions est nul ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'impossibilité de reclassement du salarié ressortissait à la cessation totale d'activité de l'entreprise mise en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité et qu'il n'était pas prétendu que celle-ci appartenait à un groupe, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement nul et fixe la créance du salarié à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société aux sommes de 28 029,12 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et de 1 868,62 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 1er mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. Y..., ès qualités,

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit le licenciement de M. Julien Z... nul et en conséquence fixé sa créance à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société LJC Bâtiment aux sommes de 28 029,12 € titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et de 1 868,62 € titre de complément d'indemnité de licenciement,

AUX MOTIFS QUE

En application de l'article L 1226-10 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités.

L'article L 1226-12 du même code précise que, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il doit lui faire connaitre par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.

En l'espèce, M. Z... ayant été déclaré inapte à son poste de travail le 13 mai 2014, suite à un accident du travail, il appartenait à l'employeur de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L 1226-10 et, notamment, de procéder, à compter de cette date, à des recherches en vue de parvenir à son reclassement.

Or, il est constant qu'aucune recherche en ce sens n'a été effectuée, que ce soit avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire intervenue le 27 mai 2014, soit après et que le liquidateur s'est borné à mettre en oeuvre la procédure de licenciement économique en convoquant M. Z... à l'entretien préalable à son licenciement pour motif économique le 28 mai 2014. Le liquidateur invoque vainement les contraintes de temps résultant de la procédure de liquidation judiciaire alors qu'i1 ne justifie aucunement des démarches effectuées auparavant.

Il apparaît, par conséquent que les règles particulières aux salariés victimes d'un accident du travail, qui instituent une protection d'ordre public, n'ont pas été respectées et que le licenciement prononcé dans de telles conditions est nul.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. Z... de sa demande.

En application de l'article L 1226-15 du code du travail, le salarié est en droit de prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires.

Compte tenu que le salaire mensuel brut de M. Z... s'élève à 2 335,76 € ainsi qu'il résulte du bulletin de salaire du mois de juin 2014, la créance du salarié sera fixée à la somme de 28 029,12 €.

Étant, en outre, en droit de prétendre à l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L 1226-14 du code du travail, sa créance à ce titre sera fixée, compte tenu de son ancienneté, à la somme de 2 802,92 €, soit, après déduction de la somme de 934,30 € déjà perçue, à la somme de 1 868,62,

ALORS QUE le liquidateur judiciaire d'une société, tenu de licencier dans le délai prévu par l'article L. 3253-8, 2°, du code du travail, n'a pas à chercher à reclasser un salarié déclaré inapte avant de procéder à son licenciement économique en raison de la cessation totale de l'activité de l'entreprise n'appartenant à aucun groupe ; qu'en jugeant le licenciement de M. Z... nul, aux motifs que le liquidateur s'était borné à mettre en oeuvre la procédure de licenciement économique en convoquant le salarié, déclaré inapte à son poste de travail le 13 mai 2014, à l'entretien préalable à son licenciement pour motif économique le 28 mai 2014, et qu'aucune recherche de reclassement n'avait été effectuée, que ce soit avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire intervenue le 27 mai 2014, soit après, cependant que le liquidateur était tenu de le licencier dans le délai prévu par l'article L. 3253-8, 2° du code du travail dès lors que le motif économique ressortissait à la cessation totale de l'activité de l'entreprise et que celle-ci n'appartenait à aucun groupe, rendant ainsi impossible le maintien du contrat de travail pour un motif non lié à l'accident de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 3253-8, 2°, L. 1226-9 à L. 1226-17 du code du travail.

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