18 octobre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-22.377

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:CO01283

Texte de la décision

COMM.

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 octobre 2017




Cassation


Mme B..., conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1283 F-D

Pourvoi n° D 16-22.377







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction nationale des vérifications fiscales, dont le siège est [...]                    , représentée par le directeur général des finances publiques, domicilié [...]                        ,

contre l'arrêt rendu le 24 mai 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5-7), dans le litige l'opposant à Mme Danièle X..., épouse Y..., domiciliée [...]                                                  ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 septembre 2017, où étaient présents : Mme B..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Z..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Bregeon, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Z..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat du directeur général des finances publiques, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme X..., épouse Y..., l'avis de Mme A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 18 décembre 2009, l'administration fiscale a notifié à Mme X..., épouse Y... (Mme X...) une proposition de rectification de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû pour les années 2006 à 2008 ; qu'après mise en recouvrement et rejet de sa réclamation, Mme X... a assigné le directeur général des finances publiques en annulation de cette décision de rejet et en dégrèvement du rappel d'impôt ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que les dispositions de l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales constituent une formalité substantielle de la procédure de réclamation ouverte au contribuable pour contester l'ISF dont l'absence de mention dans la proposition de rectification ne met pas le contribuable en mesure de pouvoir formuler ses observations et lui cause un préjudice ; qu'il en déduit que la procédure de rectification ayant conduit à la décision de rejet litigieuse était irrégulière ;

Qu'en statuant ainsi, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, tiré de la nécessité pour l'administration fiscale, au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, de mentionner l'article L. 23 A du même code dans la proposition de rectification litigieuse, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme X..., épouse Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour le directeur général des finances publiques

Le moyen unique de cassation reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement de première instance et annulé la décision de l'administration fiscale du 4 septembre 2012 de rejet de la réclamation de Mme Danièle Y....

AUX MOTIFS QU' « En application de l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales, « l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ». Il s'ensuit que l'administration des impôts est tenue de préciser le fondement du redressement en droit comme en fait et, spécialement les textes sur lesquels elle s'appuie. En l'espèce, au vu de la pièce communiquée par l'administration fiscale intitulée «proposition de rectification, modèle 2120, du 18 décembre 2009 », il ressort que le paragraphe II intitulé « Procédure » énonce deux dispositions du Livre des procédures fiscales, en premier lieu, l'article L.17 du Livre des procédures fiscales et en second lieu, l'article L55 du Livre des procédures fiscales. Sont énoncées ensuite dans le paragraphe III, « les dispositions légales en matière d'ISF, » à savoir celles qui correspondent à la base légale et sont issues du code général des impôts et celles relatives à la procédure mise en oeuvre qui sont à nouveau les articles L17 et L55 du Livre des procédures fiscales. Or, ainsi qu'il ressort de son énoncé, l'article L.17 concerne la procédure de rectification applicable aux droits d'enregistrement, la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration fiscale reconnaît d'ailleurs dans ses conclusions, que cette disposition ne s'applique pas au cas d'espèce puisque l'impôt recouvré est l'impôt de solidarité sur la fortune. Néanmoins, elle considère que l'ensemble des textes fondant les redressements opérés et leurs conséquences ont été, par ailleurs, visés et que cette erreur est sans influence sur la bonne compréhension par Mme Danièle Y... des redressements opérés. Cependant, il ressort de la lecture du Livre des procédures fiscales que le législateur a institué une disposition de procédure spécifique concernant la procédure de contrôle par l'administration de l'impôt de solidarité sur la fortune, à savoir l'article L.23 du Livre des procédures fiscales. Aux termes de cet article dans la version alors applicable, il est énoncé qu' « en vue du contrôle de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut en outre lui demander des justifications sur la composition de l'actif et du passif de son patrimoine. Ces demandes, qui sont indépendantes d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. En l'absence de réponse ou si les justifications prévues à l'article 885 Z du code général des impôts ou demandées en application du premier alinéa sont estimées insuffisantes, l'administration peut rectifier les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune en se conformant à la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 ». Ainsi cette disposition prévoit qu'à défaut de réponse ou de justification insuffisante de la part du contribuable, l'administration fiscale a le pouvoir de rectifier l'impôt. Elle s'inscrit dans la procédure de contrôle de l'administration, régit l'échange d'informations entre l'administration fiscale et le contribuable et détermine les conséquences de l'absence ou de l'insuffisante coopération de ce dernier. Cette disposition qui a pour objet explicite d'ouvrir la procédure de rectification contradictoire de l'impôt de solidarité sur la fortune, s'analyse, au regard des conséquences qu'elle énonce pour le contribuable, comme une formalité substantielle de la procédure de réclamation mise à la disposition du contribuable pour contester cet impôt. Le fait que la proposition de rectification ne la mentionne pas et ne mette pas le contribuable en mesure de pouvoir formuler ses observations, lui cause indéniablement un préjudice. En l'occurrence, ainsi qu'il ressort de la lecture de la proposition de rectification, il avait été demandé, préalablement à la notification de celle-ci, des informations à Madame Danièle Y... qui n'avait pas répondu. A défaut de mention de l'article L23 du Livre des procédures fiscales, elle ne pouvait donc connaître les conséquences de son silence. En raison de l'omission de cette formalité substantielle, la procédure de rectification qui a conduit à la décision du 4 septembre 2012 de rejet de la réclamation de Madame Danièle Y... est irrégulière, sans qu'il y ait lieu d'examiner le bien-fondé des suppléments d'impôt de solidarité sur la fortune demandés à celle-ci au titre des années 2006 à 2008. La décision de rejet du 4 septembre 2012 doit, en conséquence, être annulée. Le jugement entrepris sera infirmé. ».

ALORS, PREMIEREMENT, QUE conformément aux dispositions de l'article 7, alinéa 1er, du code de procédure civile, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut ainsi retenir, dans sa décision, des moyens ou des faits non débattus contradictoirement par les parties ; qu'il ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations qu'en relevant que la mention de l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales (la cour d'appel mentionne par erreur dans son arrêt l'article L. 23 du même livre) devait figurer dans la proposition de rectification, sous peine d'irrégularité, alors que les conclusions d'appel de Mme Y... ne portaient que sur la mention de l'article L. 17 du même livre, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile.

ALORS, DEUXIÈMEMENT, QU' en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, les propositions de rectifications doivent être motivées de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; qu'en conséquence, seuls les textes fondant le rehaussement et ses conséquences doivent être mentionnés dans la proposition de rectification ; qu'ainsi n'ont pas à être exposées les circonstances ayant permis à l'administration fiscale de réunir les éléments utilisés à l'appui de ses prétentions ; que, conformément aux dispositions de l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales, en vue du contrôle de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'administration fiscale peut demander des éclaircissements au redevable et des justifications quant à la composition de l'actif et du passif de son patrimoine ; qu'en décidant que l'absence de mention de l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales dans la proposition de rectification adressée à Mme Danièle Y... le 18 décembre 2009 constituait l'omission d'une formalité substantielle entachant d'irrégularité cette procédure, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 57 du LPF.

ALORS, TROISIEMEMENT, QU' il résulte des dispositions de l'article 1134 du code civil que les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer le sens clair et précis des documents de la cause ; qu'en affirmant qu'il ressort de la proposition de rectification que l'administration fiscale avait demandé, préalablement à l'envoi de celle-ci, des informations à Mme Danièle Y... qui n'avait pas répondu et qu'en l'absence de mention de l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales dans cette proposition, la redevable ne pouvait donc connaître les conséquences de son silence alors qu'il ressort expressément des termes de la proposition de rectification litigieuse que Mme Danièle Y... a répondu aux demandes de l'administration, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette pièce de procédure, méconnaissant ainsi les exigences du texte susvisé.

ALORS, QUATRIEMEMENT, QU'en application des dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, lorsque l'administration fiscale constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. du même livre ; que, conformément aux dispositions de l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales, en vue du contrôle de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'administration fiscale peut demander des éclaircissements au redevable et des justifications quant à la composition de l'actif et du passif de son patrimoine ; qu'en l'absence de réponse ou si les éclaircissements ou justifications sont estimés insuffisants, l'administration peut rectifier les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune en se conformant à la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du LPF ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les demandes d'éclaircissements ou de justifications constituent une simple faculté pour l'administration qui n'est pas obligée de recourir préalablement aux dispositions prévues par l'article L. 23 A du LPF pour rectifier l'impôt de solidarité sur la fortune d'un redevable ; qu'en décidant que cet article a pour objet explicite d'ouvrir la procédure de rectification contradictoire et que le fait que la proposition de rectification litigieuse ne le mentionne pas cause un préjudice au redevable dans la mesure où il ne peut formuler ses observations, la cour d'appel a violé les articles L. 55 et L. 23 A du livre des procédures fiscales.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.